Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 22 mai 2015, M. B... D..., représenté par Me J..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 26 mars 2015 ;
2°) d'annuler les décisions des 1er août et 14 octobre 2013 ;
3°) de réduire le montant de la contribution spéciale qui lui a été infligée.
Il soutient que :
- la décision du 1er août 2013 est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur de fait dès lors que M. K...avait en charge les travaux de rafraichissement de sa maison en contrepartie de son occupation à titre gracieux pendant six mois et qu'il a lui-même fait appel à M. I...pour l'aider, sans lui communiquer cette information ; sa qualité d'employeur de M. I...n'est pas établie ;
- il n'a pas été tenu compte pour le calcul de sa contribution spéciale des abattements prévus par la loi et de ses nouveaux modes de calcul en vigueur depuis le 7 juin 2013.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 novembre 2015, l'office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par MeF..., conclut au rejet de la requête, à la condamnation de M. B...D...au paiement de la somme de 16 800 euros et à ce que la somme de 2 800 euros soit mise à la charge de M. B... D...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... D...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le décret n°2013-467 du 4 juin 2013 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gélard,
- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public.
1. Considérant que M. B...D..., ressortissant français, est propriétaire d'une résidence secondaire située 19 rue du Port à Châteauneuf sur Cher ; que le 20 avril 2011, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (direccte) du Centre a constaté que deux ressortissants étrangers travaillaient sur le chantier de rénovation de cette maison : M. E...K...et M. H... I..., ce dernier ne disposant pas d'autorisation de travail mais seulement d'un titre de séjour en qualité d'étudiant ; qu'après un échange entre M. B...D...et la Direccte, ce service a transmis le procès-verbal établi par ces agents à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ; que le 1er août 2013, cet organisme a décidé d'appliquer les dispositions des articles L. 8253-1 et suivants du code du travail à M. B...D...et de fixer à 16 800 euros la contribution spéciale à laquelle l'intéressé a été assujetti ; que M. B...D...a présenté un recours gracieux qui a été rejeté par l'Office français de l'immigration et de l'intégration le 14 octobre 2013 ; que M. B...D...a saisi le tribunal administratif d'Orléans d'une demande tendant à l'annulation de ces deux décisions ; qu'il relève appel du jugement du 26 mars 2015 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet
1979 : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / [...] / - infligent une sanction (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de cette même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
3. Considérant que la décision du 1er août 2013 se réfère au procès-verbal du 20 avril 2011 dont M. B...D...a été précédemment informé notamment par un courrier du 21 octobre 2011, vise les articles L. 8251-1, L. 8253-1, R. 8253-2 et R. 8253-4 du code du travail, fixant notamment le montant de la contribution spéciale prévue par ces dispositions et indique le nom de la personne concernée par cet emploi illégal ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée serait insuffisamment motivée ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail dans sa rédaction alors en vigueur : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. " ; qu'aux termes de l'article L. 8253-1 du même code : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger sans titre de travail, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger sans titre mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux (...) " ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du procès-verbal n° 62/2011 établi le 20 avril 2010 par deux contrôleurs du travail de la Direccte du Centre, habilités pour constater et relever les infractions au code du travail en application de l'article L. 8113-7 du même code, que lors d'un contrôle sur le chantier de rénovation de la maison appartenant à M. B...D...il a été constaté qu'il faisait réaliser les travaux par deux ressortissants étrangers travaillant sans avoir fait l'objet d'une déclaration préalable d'embauche et qu'en outre, l'un d'entre eux, ne possédait pas d' autorisation de travail ; que ce procès-verbal précise que les deux personnes présentes sur le chantier étaient en train d'effectuer des travaux de plâtrerie, qu'elles avaient déclaré travailler pour le propriétaire de la maison, qui était un ami, et ne pas être déclarées ; que les agents de l'Etat ont constaté que les travaux étaient importants, qu'il n'y avait plus de cloisons au rez-de-chaussée, ni au 1er étage de l'habitation, qu'un important tas de gravats était stocké dans la cour et qu'une quantité conséquente de matériaux se trouvait également sur le chantier ; que l'agent immobilier qui a vendu la maison à M. B...D...leur a indiqué qu'elle ne comportait ni eau, ni toilettes, ni salle de bain et qu'elle n'était plus habitée depuis une vingtaine d'année ; qu'après contact avec l'unité territoriale de Paris de la Direccte il a été confirmé que M. I...n'était pas titulaire d'une autorisation provisoire de travail et que les deux ressortissants étrangers n'avaient fait l'objet d'aucune déclaration préalable à l'embauche ; que le procès-verbal précise en outre que M. B...D..., contacté téléphoniquement le 29 avril 2011, a indiqué avoir confié les travaux à des amis, M.G..., présent sur le chantier depuis 10 jours, et M.I..., qui lui a proposé son aide pour 15 jours ; qu'il a ajouté qu'il avait loué un studio à Saint-Amand Montrond pour loger ses amis et qu'il leur donnait de l'argent pour leur nourriture ; que si le requérant soutient désormais ne connaître que M. G...et lui avoir loué gracieusement sa maison en contrepartie de travaux, ces seules allégations assorties d'un contrat de location n'ayant aucune date certaine et des attestations de l'intéressé, ne suffisent pas à renverser les constatations du procès-verbal, qui font foi jusqu'à preuve contraire, et qui au demeurant reposent sur ses propres déclarations ; que la circonstance que le procureur de la République a classé ce dossier " sous condition qu'il y ait régularisation et qu'il n'y ait pas de réitération des faits sous peine de faire l'objet de poursuites devant une juridiction pénale " est sans incidence sur la légalité de la décision contestée ; que par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait ne peut qu'être écarté ;
6. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 8252-2 du code du travail: " Le salarié étranger a droit au titre de la période d'emploi illicite : 1° Au paiement du salaire (...) ; 2° En cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à trois mois de salaire (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 8253-2 de ce code, dans sa rédaction issue du décret n°2013-467 du 4 juin 2013 : " I.-Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est égal à 5 000 fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. II.-Ce montant est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dans l'un ou l'autre des cas suivants : 1° Lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 ; 2° Lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7. III.-Dans l'hypothèse mentionnée au 2° du II, le montant de la contribution spéciale est réduit à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne l'emploi que d'un seul étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France (...) " ;
7. Considérant qu'il n'est pas contesté que deux infractions ont été constatées lors du contrôle du 20 avril 2011 ; que M. B...D...ne justifie pas davantage avoir acquitté les salaires et indemnités dues aux salariés présents sur le chantier ; que, par suite, il ne peut prétendre aux abattements prévus aux II et III de l'article R. 8253-2 précité du code du travail ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de réduire, ainsi que le demande M. B...D..., le montant de la contribution spéciale à laquelle il est assujetti et qui est fixé à 16 800 euros ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions de l'Office français de l'immigration et de l'intégration :
9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 8253-1 du code du travail : " (...) L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de liquider cette contribution (...) " ; que, par suite, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui est en mesure d'émettre un titre exécutoire à l'encontre de M. B...D...en vue de l'exécution de la sanction litigieuse, n'est pas fondé à demander à la cour d'enjoindre à l'intéressé de procéder au paiement de la somme de 16 800 euros ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. B... D...le versement à l'Office français de l'immigration et de l'intégration de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... D...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'Office français de l'immigration et de l'intégration tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B...D...et à l'office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 29 novembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme Gélard, premier conseiller,
- M.A...'hirondel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 décembre 2016.
Le rapporteur,
V. GELARDLe président,
A. PEREZ
Le greffier,
S. BOYERE
La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°15NT01621