Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 1er juillet 2015, Mme C..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 30 avril 2015 ;
2°) d'annuler la décision du 18 mai 2012 ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, au consul de France à Yaoundé de délivrer les visas sollicités par elle au profit de ses trois enfants ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande de visa dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors qu'il ne statue pas sur la situation de chacun de ses trois enfants ;
- les actes d'état civil dressés à partir de jugements supplétifs d'acte de naissance devenus définitifs et qui ne contiennent aucune mention contraire à l'ordre public sont revêtus d'une force probante sans qu'il soit besoin de les corroborer par des éléments supplémentaires ;
- l'administration n'apporte pas la preuve qui lui incombe du caractère apocryphe des actes d'état civil qu'elle a produits ;
- elle apporte la preuve de la filiation de ses trois enfants par la possession d'état.
- la décision contestée est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision est également contraire aux stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
Par ordonnance du 16 novembre 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 1er décembre 2015.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 novembre 2015, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.
La clôture de l'instruction a été reportée au 16 décembre 2015 à 12 heures par une ordonnance du 1er décembre 2015.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 novembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Gélard a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que Mme D...C..., ressortissante camerounaise, qui par une décision du 22 juillet 2010 du préfet de la Haute-Garonne s'est vu accorder le bénéfice du regroupement familial au profit de " ses enfants ", relève appel du jugement du 30 avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 mai 2012 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre une décision du 7 mars 2012 des autorités consulaires françaises à Yaoundé refusant de délivrer un visa de long séjour en France aux enfants, Dominique, Bertrand et Lydie C...au titre du regroupement familial ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que contrairement à ce que soutient la requérante, les premiers juges ont examiné la situation particulière de chacun de ses trois enfants allégués, notamment aux points 4 et 5 du jugement attaqué ; que par suite, elle n'est pas fondé à soutenir que ce jugement serait insuffisamment motivé et par suite entaché d'irrégularité à raison de ce motif ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Considérant que, dans le cas où la venue d'une personne en France a été autorisée au titre du regroupement familial, l'autorité diplomatique ou consulaire n'est en droit de rejeter la demande de visa dont elle est saisie à cette fin que pour des motifs d'ordre public ; que figure au nombre de ces motifs le défaut de valeur probante des documents destinés à établir le lien de filiation entre le demandeur de visa et le membre de la famille que celui-ci entend rejoindre ;
4. Considérant qu'il résulte de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ; que si ce dernier prévoit que les actes d'état civil faits en pays étranger et selon les formes usitées dans ce pays font foi, il en va toutefois autrement lorsque d'autres actes ou pièces, des données extérieures ou des éléments tirés de ces actes eux-mêmes établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que ces actes sont irréguliers, falsifiés ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ; que les dispositions de l'article 47 du code civil ne font pas obstacle au pouvoir d'appréciation par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France de la sincérité des documents produits à l'appui d'une demande de visa et du recours dont elle a été saisie ;
5. Considérant que pour rejeter la demande de Mme D...C..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur le fait que les actes d'état civil produits comportent des anomalies et incohérences qui leur ôtent toute valeur authentique et ne sont pas conformes à la loi locale et que l'identité des intéressés et donc leur filiation avec Mme C...n'étaient pas établies ; que la commission a en outre indiqué, à titre subsidiaire, que la mère alléguée des enfants ne prouvait pas avoir contribué à l'entretien et à l'éducation de Bertrand, Dominique et Lydie C...depuis son arrivée en France en 2002 et qu'elle ne disposait ni de l'autorisation de sortie du territoire, ni de document attestant de la déchéance d'autorité parentale du père ;
6. Considérant que Mme C...a produit pour la première fois devant le tribunal administratif de Nantes, le 24 juillet 2012, trois jugements supplétifs rendus les 8 septembre 2010 et 14 décembre 2011 par le tribunal de première instance d'Ebolowa ( Cameroun) concernant les jeunes Bertrand, Lydie et DominiqueC..., nés respectivement les 27 avril 1996, 5 juillet 1998 et 16 mars 1994 ainsi que les actes de naissance dressés les 7 novembre 2010 et 15 février 2012 sur la base de ces jugements ; que l'intéressée justifie également du dépôt d'une plainte enregistrée le 8 juillet 2013 pour faux et abus de confiance contre un officier d'état civil du centre de Nnemeyongi, arrondissement de Mengong dans le département de Mvila qui a établi ces actes de naissance ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que Mme C... a saisi le tribunal de première instance d'Ebolowa les 5 et 6 septembre 2010 pour les trois enfants concernés qui sont nés dans la même ville, que ces jugements ont été rendus par le même juge mais à des dates différentes pour une même fratrie supposée, et présentent des différences de typologie, de forme et de fond y compris au sein d'un même jugement ; qu'en outre ces jugements n'ont pas été produits par l'intéressée à l'appui de sa demande de visa présentée le 4 février 2011 alors qu'ils avaient été rendus antérieurement à cette date pour Bertrand et Lydie Kombov et antérieurement à la décision contestée pour Dominique ; qu'enfin, Mme C...a produit à l'appui de sa demande de visa des extraits d'actes de naissance différents de ceux communiqués le 21 avril 2011 par la Cimade à l'appui de sa demande ; que dans ces conditions, c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que compte tenu de ces discordances, le lien de filiation entre l'intéressée et Dominique, Bertrand et Lydie C...ne pouvait être regardé comme établi et qu'en refusant de lui délivrer les visas sollicités la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'avait commis ni erreur d'appréciation, ni erreur de droit ;
7. Considérant que MmeC..., qui se borne à produire son passeport ainsi que des billets d'avion attestant de ses déplacements annuels au Cameroun, des justificatifs des versements multiples effectués à des personnes différentes résidant au Cameroun ainsi que la situation des comptes postaux ouverts au nom de Dominique, Bertrand et Lydie C...et faisant apparaître un solde de 409,15 euros aux 11 et 14 mai 2012, ne démontre pas davantage l'existence d'une situation de possession d'état ;
8. Considérant, enfin, qu'à défaut d'établissement du lien de filiation entre elle et Dominique, Bertrand et LydieC..., Mme C...ne peut utilement invoquer la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni de celles de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte :
10. Considérant que le présent arrêt, qui rejette la requête de Mme C..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que par suite, les conclusions de l'intéressée tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au consul de France à Yaoundé de délivrer les visas sollicités par elle au profit de ses trois enfants allégués ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande, doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de Mme C... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à MmeD... C... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 29 novembre 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme Gélard, premier conseiller,
- M.A...'hirondel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 décembre 2016
Le rapporteur,
V. GELARDLe président,
A. PEREZ
Le greffier,
S. BOYERE La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°15NT01989