Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 novembre 2015, et un mémoire enregistré le 24 novembre 2016, M.B..., représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 24 septembre 2015 ;
2°) d'annuler les décisions des 1er février et 21 mai 2013 ;
3°) d'enjoindre au ministre de le réintégrer dans la nationalité française, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- la décision du ministre est insuffisamment motivée et a été prise par une autorité incompétente pour ce faire ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il n'a pas conclu de pacte civil de solidarité de manière frauduleuse, que sa situation administrative a été régularisée en 2009 à l'âge de 57 ans, ce qui a fait obstacle à son insertion professionnelle en France.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 janvier 2016, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés et renvoie à ses écritures de première instance qu'il reprend subsidiairement.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 28 décembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Millet.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du préfet de la Haute-Garonne du 1er février 2013 :
1. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 45 du décret du 30 décembre 1993 susvisé que les décisions par lesquelles le ministre statue sur les recours préalables obligatoires se substituent à celles des autorités préfectorales qui lui sont déférées ; que, par suite, la décision du 21 mai 2013, par laquelle le ministre chargé des naturalisations a rejeté la demande de réintégration dans la nationalité française présentée par le requérant, s'est substituée à la décision du préfet de la Haute-Garonne du 1er février 2013 ; que, dès lors, c'est à bon droit que le tribunal administratif a rejeté comme irrecevables les conclusions tendant à l'annulation de cette décision du préfet ; que ces mêmes conclusions également présentées en appel doivent être rejetées pour le même motif ;
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du ministre de l'intérieur du 21 mai 2013 :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 27 du code civil : " Toute décision déclarant irrecevable, ajournant ou rejetant une demande d'acquisition, de naturalisation ou de réintégration par décret ainsi qu'une autorisation de perdre la nationalité française doit être motivée. " ; que la décision contestée comporte l'indication des considérations de droit et de fait en constituant le fondement ; qu'elle est ainsi régulièrement motivée ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1er du décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du gouvernement : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre (...) et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : 1° Les secrétaires généraux des ministères, les directeurs d'administration centrale (...) " ; que l'article 3 du même décret prévoit que : " Les personnes mentionnées aux 1° et 3° de l'article 1er peuvent donner délégation pour signer tous actes relatifs aux affaires pour lesquelles elles ont elles-mêmes reçu délégation : 1° Aux magistrats, aux fonctionnaires de catégorie A et aux agents contractuels chargés de fonctions d'un niveau équivalent, qui n'en disposent pas au titre de l'article 1er(...) " ; que l'administration a produit, d'une part, le décret du 14 mars 2013, publié au Journal officiel de la République française du 15 mars 2013, nommant Mme D...E...directrice de l'accueil, de l'intégration et de la citoyenneté au secrétariat général à l'immigration et à l'intégration à l'administration centrale du ministère de l'intérieur, et, d'autre part, la décision du 2 mai 2013, publiée au Journal officiel de la République française du 5 mai 2013, en vigueur à la date de la décision contestée, par laquelle Mme E...a délégué sa signature à Mme G... H...à l'effet de signer notamment les décisions défavorables suite à une demande de naturalisation ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de cette dernière pour signer la décision du 21 mai 2013 doit être écarté ;
4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'aux termes de l'article 24-1 du même code: " La réintégration par décret peut être obtenue à tout âge et sans condition de stage. Elle est soumise, pour le surplus, aux conditions et aux règles de la naturalisation " ; qu'aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration dans la nationalité sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient au postulant, s'il le juge opportun, de formuler une nouvelle demande. " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre chargé des naturalisations de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant, ainsi que son degré d'insertion professionnelle et d'autonomie matérielle ;
5. Considérant que pour maintenir la décision d'ajournement à quatre ans de la demande de réintégration de M.B..., le ministre de l'intérieur s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé avait séjourné irrégulièrement sur le territoire français de 2002 à 2009, qu'il avait conclu un pacte civil de solidarité le 6 novembre 2006 alors qu'il était encore dans les liens du mariage, avait tenté le 27 juillet 2007 d'obtenir un titre de séjour en se prévalant de ce pacte civil de solidarité avec une personne de nationalité française et ne justifiait pas d'une insertion professionnelle et d'une autonomie matérielle ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.B..., a conclu le 6 novembre 2006 un pacte civil de solidarité avec MmeC..., alors qu'il était encore marié avec Mme I...et que le divorce n'a été prononcé que le 19 novembre 2007 ; qu'il résulte des propres déclarations du requérant, lors de l'entretien d'assimilation en préfecture du 15 janvier 2013, que celui-ci avait connaissance de sa situation matrimoniale et reconnaissait avoir oublié d'indiquer qu'il était encore marié lors de l'enregistrement du pacte civil de solidarité ; que, par ailleurs, il n'est pas contesté que M. B...a séjourné sans titre de séjour sur le territoire français de 2002 à 2009, méconnaissant ainsi la législation relative au séjour des étrangers en France ; qu'eu égard à la date à laquelle ce séjour irrégulier a pris fin, ces faits n'étaient pas anciens lorsque la décision contestée a été prise ; que le requérant n'a déclaré aucun revenu salarié au titre des années 2010, 2011 et 2012 et ne peut utilement se prévaloir des énonciations dépourvues de caractère règlementaire de la circulaire du 21 juin 2013 du ministre de l'intérieur ; que, dans ces conditions, eu égard au large pouvoir dont il dispose pour apprécier l'opportunité d'accorder ou non la nationalité française à l'étranger qui la sollicite, le ministre a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, ajourner à quatre ans la demande de réintégration dans la nationalité française de M. B...pour ces motifs ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Considérant que les conclusions à fin d'injonction de M. B...doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... B...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 29 novembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- M. Millet, président assesseur,
- Mme Buffet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 décembre 2016.
Le rapporteur,
J-F. MILLETLe président,
A. PEREZ
Le greffier,
S. BOYERE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT03562