2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 15 juin 2018 ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer les visas de long séjour sollicités, dans le délai de dix jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
la décision contestée de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est insuffisamment motivée et ne procède pas à un examen particulier de leur situation ;
elle méconnaît les dispositions des articles L. 752-1 et L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que des articles 47 et 311-1 du code civil et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux relations familiales les unissant à M. H... K... ;
la décision contestée a été prise en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 avril 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu
la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
la convention internationale de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;
le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
le code civil ;
le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A...'hirondel a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... H... K..., né le 17 mai 1978 à Kinshasa, de nationalité congolaise, a déclaré être entré en France le 28 janvier 2012 où il s'est vu reconnaître la qualité de réfugié par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 13 décembre 2013. Le 14 décembre 2016, Mme E... G... a présenté pour elle-même et les jeunes Blaise H..., Exaucé H... et Sarah H... une demande de visa auprès des autorités consulaires à Kinshasa pour établissement familial. Par une décision notifiée le 1er mars 2018, les autorités consulaires ont rejeté la demande en raison de la discordance des déclarations du réfugié concernant sa situation familiale. Par un recours enregistré le 19 avril 2018, Mme G... a contesté cette décision devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. Par une décision du 15 juin 2018, la commission a rejeté son recours. Les requérants relèvent appel du jugement du 6 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande tendant à l'annulation de cette dernière décision.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : " I. - Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / 1° Par son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est antérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile ; / 2° Par son concubin, âgé d'au moins dix-huit ans, avec lequel il avait, avant la date d'introduction de sa demande d'asile, une vie commune suffisamment stable et continue ; / 3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans. / (...) L'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite (...) ".
3. L'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit, en son premier alinéa, que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. Selon cet article : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.
En ce qui concerne la demande de visas effectuée au nom des enfants :
4. Il appartient, en principe, aux autorités consulaires de délivrer aux enfants mineurs d'un réfugié statutaire les visas qu'ils sollicitent afin de mener une vie familiale normale. Elles peuvent toutefois opposer un refus à de telles demandes pour un motif d'ordre public, notamment en cas de fraude.
5. Aux termes de l'article 16 de la loi du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant en République démocratique du Congo : " Tout enfant a le droit d'être enregistré à l'état civil dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent sa naissance, conformément à la loi. / L'enregistrement s'effectue sans frais. ". L'article 99 de la même loi dispose que : " Le tribunal pour enfants est seul compétent pour connaître des matières dans lesquelles se trouve impliqué l'enfant en conflit avec la loi. / Il connaît également des matières se rapportant à l'identité, la capacité, la filiation, l'adoption et la parenté telles que prévues par la loi. ". Selon l'article 101 de cette loi : " Est territorialement compétent, le tribunal de la résidence habituelle de l'enfant, de ses parents ou tuteur, du lieu des faits, du lieu où l'enfant aura été trouvé, ou du lieu où il a été placé, à titre provisoire ou définitif. ".
6. Par ailleurs, aux termes de l'article 381 du code de la famille de ce même pays : " La filiation d'enfants nés d'un mariage célébré en famille, mais non enregistré s'établit conformément aux dispositions des articles 595 et 602. ". Aux termes de l'article 595 de ce code : " La filiation maternelle résulte du seul fait de naissance. Elle s'établit soit par l'acte de naissance, soit par une déclaration volontaire de maternité, soit par une action en recherche de maternité. ". Selon l'article 602 de ce code : " Nonobstant toute convention contraire, l'enfant né pendant le mariage ou dans les trois cents jours après la dissolution du mariage a pour père le mari de sa mère. ".
7. Pour établir le lien de filiation entre les jeunes Blaise H..., Exaucé H... et Sarah H..., nés respectivement les 10 janvier 2000, 20 octobre 2002 et 30 juin 2004, et M. H... K..., ont été produits un jugement du tribunal pour enfants de Kinshasa / Kinkolé rendu le 29 ou le 30 septembre 2016 et, pour chacun de ces enfants, un acte de naissance délivré sur le fondement de ce jugement.
8. Si le ministre fait valoir qu'en application de l'article 601 du code de la famille congolais, seule une action en reconnaissance de paternité devait être exercée afin d'établir le lien de filiation avec le père des enfants, le juge du tribunal pour enfants de Kinshasa / Kinkolé a reconnu, sur le fondement des textes qu'il cite, recevable la demande formée par Mme G... en sa qualité de mère biologique de ces mêmes enfants. S'il entend, aussi, contester l'authenticité de ce jugement, le ministre ne précise pas, en se bornant à invoquer d'une manière générale la loi n°087-10 du 1er août 1987 portant code de la famille congolais, les dispositions légales qui n'auraient pas été respectées, notamment en ce qui concerne la procédure prévue par la loi congolaise. En particulier, il ne saurait invoquer l'incompétence territoriale de ce tribunal qui s'apprécie, non pas contrairement à ce qu'il soutient, au regard du lieu d'exercice de l'avocat, mais au regard, notamment, en application de l'article 101 de la loi du 10 janvier 2009 précité, du lieu de résidence habituelle des parents, ainsi que le précise au demeurant le jugement. Par ailleurs, l'erreur de plume contenue dans ce jugement concernant la date de l'audience ne saurait lui retirer son caractère authentique. De même, la circonstance que ce jugement supplétif, qui constate la naissance et les liens de parenté des enfants, ait été rendu tardivement et à l'occasion de la demande de visa formée par les intéressés ne permet pas, à elle seule, d'établir le caractère non probant de ce document. Enfin, le fait que Mme G... et M. H... K... n'étaient pas mariés est sans incidence pour apprécier le lien de filiation des enfants. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce jugement qui établit le lien de filiation des enfants avec M. H... K... soit irrégulier, falsifié ou inexact. Par ailleurs, les irrégularités alléguées par le ministre dans le contenu des actes de naissance, qui ont été délivrés sur son fondement, sont sans incidence sur le caractère probant de ce jugement. Il suit de là qu'en se fondant sur ce qu'aucun élément du dossier ne permettait d'établir l'identité des enfants, alors qu'au demeurant les intéressés avaient produit un passeport dont la validité n'a pas été remise en cause, et, partant, leur lien familial avec M. H... K..., lequel avait, de plus, constamment indiqué depuis son arrivée en France, ainsi qu'il ressort des documents qu'il a renseignés dans le cadre de sa demande d'asile, être le père des jeunes Blaise, Exaucé et Sarah H..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a commis une erreur d'appréciation.
En ce qui concerne la demande de visa effectuée par Mme G... :
9. D'une part, aux termes de l'article 330 du code de la famille de la République démocratique du Congo : " le mariage est l'acte civil, public et solennel par lequel un homme et une femme qui ne sont engagés ni l'un ni l'autre dans les liens d'un précédent mariage enregistré, établissent entre eux une union légale et durable dont les conditions de formation, les effets et la dissolution sont déterminés par la présente loi. ". Aux termes de l'article 332 de ce code : " Sauf disposition contraire, les règles de la présente loi sont impératives et d'ordre public. (...) . Aux termes de l'article 368 de ce code : " Le mariage peut être célébré en famille selon les formalités prescrites par les coutumes. Dans ce cas, l'officier de l'état civil enregistre le mariage et dresse un acte le constatant. Le mariage peut également être célébré par l'officier de l'état civil selon les formalités prescrites par la présente loi. En ce cas, l'officier de l'état civil dresse aussitôt un acte de mariage ". L'article 370 de ce code relatif la célébration du mariage en famille et de son enregistrement prévoit que : " Dans les trois mois qui suivent la célébration du mariage en famille, les époux et, éventuellement, leurs mandataires se présentent devant l'officier de l'état civil du lieu de la célébration en vue de faire constater le mariage et d'assurer sa publicité et son enregistrement. Chacun des époux est accompagné d'un témoin. / (...) Dans les quinze jours qui suivent, l'officier de l'état civil porte à la connaissance du public, par voie de proclamation faite au moins deux fois et/ou par affichage apposé à la porte du bureau de l'état civil, l'acte constatant la célébration du mariage. / Le délai de quinze jours écoulé, l'officier de l'état civil assure l'enregistrement du mariage par la constatation de la formalité de la publication ". Aux termes de l'article 379 de ce code : " Sans préjudice des dispositions de l'article 330 de la présente loi, le mariage célébré en famille sort tous ses effets à la date de sa célébration, même en l'absence d'enregistrement. ". Selon l'article 380 de ce même code : " Avant l'enregistrement, le mariage célébré en famille n'est opposable qu'aux époux et à ceux qui ont participé à cette célébration conformément à la coutume. / Tant que le mariage célébré en famille n'a pas été enregistré et que l'un des époux en invoque les effets en justice, le tribunal suspend la procédure jusqu'à l'enregistrement. ".
10. D'autre part, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
11. Pour justifier du lien matrimonial l'unissant à M. H... K..., Mme E... G... se prévaut, pour la première fois en appel, d'une attestation de mariage coutumier monogamique, délivrée par l'officier d'état civil de la commune de Masina, ville de Kinshasa, selon laquelle ils ont contracté un mariage coutumier à Kinshasa. Toutefois, cette attestation ne précise pas le numéro d'enregistrement du mariage au registre. Par suite, et conformément aux dispositions précitées du code de la famille de la République démocratique du Congo, en l'absence d'enregistrement, ce mariage coutumier, qui n'est opposable qu'aux époux et à ceux qui ont participé à la célébration, ne peut être regardé comme constitutif d'un mariage tel que défini à l'article 330 de ce code. Dans ces conditions, Mme G... ne peut être regardée comme conjoint ou partenaire lié par une union civile au sens des dispositions du 1° de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
12. Toutefois, en raison de ce mariage coutumier, Mme G... doit être regardée comme la concubine de M. H... K.... S'il est vrai que ce dernier a été dans l'impossibilité, lors de sa demande d'asile, de préciser exactement ses relations avec la requérante, il ressort néanmoins des pièces du dossier que Mme E... G..., qui doit être regardée, ainsi qu'il a été dit précédemment, comme la mère biologique des enfants de M. H... K..., en assurait la garde et l'entretien. Dans ces conditions et dans les circonstances de l'espèce, les intéressés justifient d'une vie commune suffisamment stable et continue au sens des dispositions du 2° de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En tout état de cause, eu égard au statut de réfugié de M. H... K... qui l'empêche de pouvoir retourner dans son pays d'origine, il est dans l'intérêt supérieur des enfants que la cellule familiale puisse se reconstituer.
13. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
16. Le présent arrêt implique pour son exécution, eu égard au motif d'annulation retenu, qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer un visa de long séjour à Mme E... G..., à M. D... H..., à M. F... H... et à Mme C... H..., dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
17. Pour l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme globale de 1 200 euros à verser à Mme G... et à M. D... H... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 6 décembre 2018 et la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France du 15 juin 2018 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer un visa de long séjour à Mme E... G..., à M. D... H..., à M. F... H... et à Mme C... H... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme G... et à M. D... H... la somme globale de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... G..., à M. D... H... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 3 septembre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président,
- M. A...'hirondel, premier conseiller ;
- Mme Bougrine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 septembre 2019.
Le rapporteur,
M. J...Le président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT00511