Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 24 juillet 2020 et le 2 décembre 2020, M. G... C... et Mme D... C... H... J... demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 14 novembre 2019 ;
2°) d'annuler la décision contestée ;
3°) d'enjoindre à l'administration de délivrer le visa de long séjour sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à défaut, lui enjoindre de réexaminer la demande de visa, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur conseil d'une somme de 1 800 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
5°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée dans la procédure en recherche de paternité.
Ils soutiennent que :
- l'identité de Mme D... C... H... J... et son lien de filiation avec M. G... C... sont établis tant par les documents d'état civil produits que par les éléments de possession d'état ;
- le refus de visa méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 novembre 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il indique se référer à ses écritures de première instance.
Par une ordonnance du 17 novembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 décembre 2020.
Un mémoire présenté par les requérants a été enregistré le 3 septembre 2021.
M. G... C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 mars 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bougrine,
- et les observations de Me Leudet, représentant les requérants.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 14 novembre 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. C... tendant à l'annulation de la décision du 5 avril 2017 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision du 6 décembre 2016 par laquelle l'autorité consulaire française à Brazzaville (République du Congo) a refusé de délivrer à la jeune D... C... H... J..., un visa de long séjour demandé en qualité d'enfant mineur d'un ressortissant français. M. C... et Mme C... H... J..., devenue majeure, relèvent appel de ce jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. La commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fondé sa décision sur le motif tiré de ce que l'identité de la demanderesse et son lien familial avec M. G... C... n'étaient pas établis.
3. Il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.
4. Par un jugement du 27 juillet 2012, le tribunal d'instance de Poto-Poto/Moungali a ordonné la transcription sur les registres d'état civil de la naissance, survenue le 4 octobre 2000 à Brazzaville, de l'enfant Makouala D... C... H... A..., dont le père est M. B... G... C... né le 20 février 1974 à Brazzaville et la mère est Mme E... A... née le 25 juillet 1980 à Brazzaville.
5. Le ministre de l'intérieur soutient que le jugement ci-dessus mentionné est, à tort, fondé sur l'article 45 du code de la famille F... qui concerne les déclarations tardives que l'officier d'état civil peut, sur réquisition du Procureur de la République, recevoir pendant un délai de trois mois lorsque la naissance n'a pas été déclarée dans le délai normalement imparti d'un mois. Toutefois, les dispositions de l'article 45 sur lesquelles se fonde ce jugement sont celles qui prévoient que " passé le délai de trois mois après la naissance, l'Officier d'état civil ne peut dresser l'acte de naissance que s'il y est autorisé par une décision du Président du tribunal populaire de Village-centre ou de Quartier rendue dans les conditions prévues par le Chapitre III du présent titre ". Le chapitre III auquel ces dispositions se réfèrent a pour objet " Les décisions judiciaires en matière d'Etat-civil " et comporte notamment l'article 80 qui, selon le ministre de l'intérieur, constituerait le texte applicable. Il s'ensuit que la motivation en droit du jugement du 27 juillet 2012 ne révèle aucun indice de fraude. De même, le ministre de l'intérieur ne peut sérieusement, au soutien de son affirmation selon laquelle le jugement considéré serait inauthentique, faire valoir qu'aucun certificat de naissance ni attestation de témoins n'aurait été produit alors que ces documents sont exigés, en application de l'article 45 du code de la famille congolais, pour l'enregistrement par l'officier d'état civil de déclarations tardives de naissance, pendant un délai de trois mois, sur réquisition du Procureur de la République et non pour les jugements autorisant l'inscription sur les registres d'une naissance plus de trois mois après cette naissance. Enfin, si le jugement du 27 juillet 2012 indique Brazzaville comme lieu de naissance tandis que l'acte de naissance n° 347/2000 dressé le 22 octobre 2000, produit au soutien de la demande de visa et dont les requérants indiquent que les registres ont été détruits, fait état d'une naissance à Nganga-Lingolo, cette circonstance ne suffit pas à établir le caractère frauduleux du jugement, qui n'est pas autrement démontré par le ministre, notamment pas par la teneur de la reconnaissance de paternité effectuée le 30 mai 2005 à Saint-Herblain par M. C.... Dans ces conditions, l'identité et la filiation de Makouala D... C... H... A..., dont la première partie de prénom a, à la faveur d'une erreur matérielle survenue lors de la transcription du jugement du 27 juillet 2012, été intégrée à son nom, doivent être tenues pour établies par ce jugement. Par suite, le ministre de l'intérieur ne peut utilement soutenir que l'acte de naissance établi le 13 mai 2015 et transcrivant le jugement serait dépourvu de valeur probante. Dès lors, en confirmant le refus de visa opposé à la requérante au motif que l'identité et la filiation de l'intéressée n'étaient pas établies, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a entaché sa décision d'illégalité.
6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête ni de sursoir à statuer jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée dans la procédure en recherche de paternité, que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
7. Si par un jugement du 15 juin 2016, le président du tribunal pour enfants près le tribunal de grande instance de Brazzaville a confié l'exercice exclusif de la garde de la jeune D... et de l'ensemble des autres attributs de l'autorité parentale à son père, il résulte de l'instruction que, à la date du présent arrêt, Mme C... H... J... est âgée de plus de dix-huit ans. Aucune disposition applicable à l'intéressée n'impose au juge de l'exécution statuant sur des conclusions à fin d'injonction présentées sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative de tenir compte d'un âge autre que celui atteint à la date de sa décision. Compte-tenu de cette circonstance, l'exécution du présent arrêt n'implique plus nécessairement la délivrance du visa sollicité. Par suite, il y a seulement lieu de prescrire le réexamen par l'autorité administrative, à l'issue d'une nouvelle instruction, de la demande de visa présentée par Mme C... H... J..., dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. C..., lequel a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, d'une somme sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 14 novembre 2019 et la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 5 avril 2017 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer la demande de visa de long séjour de Mme C... H... J..., dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... G... C... et Mme D... C... H... J... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 7 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme Douet, présidente-assesseure,
- Mme Bougrine, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 septembre 2021.
La rapporteure,
K. BOUGRINE
Le président,
A. PEREZLa greffière,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT02242