Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 novembre 2020 et le 21 avril 2021, M. A... B... et la société Magic'Services, représentés par Me Amram, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 7 juillet 2020 ;
2°) d'annuler les décisions contestées ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de réexaminer la demande de visa de M. B... ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que l'expérience professionnelle de M. B... lui permet d'exercer l'emploi de chauffeur poids lourd pour la société Magic' Services, laquelle justifie d'une activité effective.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mars 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que le moyen soulevé par les requérants n'est pas fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Bougrine a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B... et la société Magic'Services relèvent appel du jugement du 7 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 23 octobre 2019 des autorités consulaires françaises en poste à Alger opposant un refus à la demande de visa de long séjour présentée par M. B... et de la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours formé contre cette décision consulaire.
Sur la régularité du jugement attaqué en tant qu'il rejette les conclusions à fin d'annulation de la décision du 23 octobre 2019 :
2. Les requérants ne contestent pas l'irrecevabilité opposée par le tribunal administratif de Nantes aux conclusions dirigées contre la décision des autorités consulaires françaises en poste à Alger du 23 octobre 2019. Par suite, les conclusions tendant à l'annulation de cette décision ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France :
3. Il ressort des écritures du ministre de l'intérieur devant le tribunal administratif de Nantes que la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est fondée sur le risque de détournement de l'objet du visa révélé, d'une part, par l'absence d'adéquation entre la qualification et l'expérience professionnelles de M. B... et l'emploi que la société Magic' Services lui propose et, d'autre part, par l'absence d'activité effective de cette société.
4. L'administration peut, indépendamment d'autres motifs de rejet tels que la menace pour l'ordre public, refuser la délivrance d'un visa, qu'il soit de court ou de long séjour, en cas de risque avéré de détournement de son objet, lorsqu'elle établit que le motif indiqué dans la demande ne correspond manifestement pas à la finalité réelle du séjour de l'étranger en France.
5. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. B..., titulaire d'un permis algérien de conduire les véhicules poids lourd, isolés ou articulés, a occupé en Algérie un emploi de chauffeur poids lourd du 15 octobre 2000 au 29 septembre 2016. En estimant que son profil n'était pas en adéquation avec l'emploi de chauffeur " super poids lourd " pour lequel il bénéficie d'une promesse d'embauche, attestée par un projet de contrat de travail validé par les services de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a porté une inexacte appréciation de l'adéquation de la qualification et de de l'expérience professionnelles de l'intéressé à l'emploi proposé.
6. D'autre part, si le ministre de l'intérieur met en cause la réalité de l'activité de la société Magic' Services, il ressort des pièces du dossier et notamment des liasses fiscales produites par les requérants que la société Magic' Services, qui a réalisé, au titre des exercices clos en 2017, 2018 et 2019, des produits d'exploitation de, respectivement, 104 763 euros, 115 898 euros et 316 268 euros, exerce effectivement une activité.
7. Il suit de là qu'en estimant que la demande de visa présentée par M. B... avait pour seul objectif de favoriser son installation en France, sans réelle intention de tisser une relation professionnelle avec la société Magic' Services, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a entaché sa décision d'illégalité.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
8. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le ministre de l'intérieur réexamine la demande de visa de long séjour présentée par M. B... en qualité de travailleur salarié. Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur d'y procéder dans le délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.
Sur les frais liés au litige :
9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement aux requérants d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et le jugement du tribunal administratif de Nantes du 7 juillet 2020 en tant qu'il rejette les conclusions de la demande dirigées contre cette décision implicite sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer la demande de visa de long séjour de M. B... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la société Magic' Services et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 7 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme Douet, présidente-assesseure,
- Mme Bougrine, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 septembre 2021.
La rapporteure,
K. BOUGRINE
Le président,
A. PEREZLa greffière,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT03543