Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
le rapport de M. A...'hirondel,
les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,
et les observations de Me E..., substituant Me D..., représentant Mme G....
Considérant ce qui suit :
1. Le 13 août 2018, Mme G... a déposé en mairie de Jullouville, sur le fondement des dispositions du b) de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme, une demande de certificat d'urbanisme en vue de construire sur le lot A de la parcelle cadastrée section A n°833, située route de Carolles, au lieu-dit Groussey, un immeuble à usage d'habitation. Par un arrêté du 19 octobre 2018, le maire de Jullouville lui a délivré un certificat d'urbanisme négatif. Mme G... relève appel du jugement du tribunal administratif de Caen du 16 octobre 2019 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L.410-1 du code de l'urbanisme : " Le certificat d'urbanisme, en fonction de la demande présentée : / a) Indique les dispositions d'urbanisme, les limitations administratives au droit de propriété et la liste des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain ; / b) Indique en outre, lorsque la demande a précisé la nature de l'opération envisagée ainsi que la localisation approximative et la destination des bâtiments projetés, si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération ainsi que l'état des équipements publics existants ou prévus.(...) ".
3. Pour déclarer l'opération envisagée par Mme G... non réalisable, le maire de Jullouville s'est fondé sur la méconnaissance des dispositions de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme au motif que " le projet de détachement d'une parcelle d'une superficie de 2 109 m² en vue de construire une seule habitation est consommatrice d'espace et va à l'encontre des principes de gestion économe des sols ".
4. Toutefois, l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme, qui énumère des objectifs généraux sans suffisamment de précision, est inséré au chapitre Ier " Objectifs généraux " du titre préliminaire " principes généraux " du livre Ier de ce code " Règlementation urbaine ". Selon l'article L. 101-3 de ce code contenu dans le même chapitre, " la réglementation de l'urbanisme régit l'utilisation qui est faite du sol, en dehors des productions agricoles, notamment la localisation, la desserte, l'implantation et l'architecture des constructions ". L'action des collectivités publiques en matière d'urbanisme mentionnée à l'article L. 101-2 concerne celle mentionnée au livre Ier, lors de l'élaboration du plan local d'urbanisme qui, selon l'article L. 151-1 du même code, doit respecter " les principes énoncés aux articles L. 101-1 à L. 101-3. ". Le régime des autorisations d'urbanisme, dont les certificats d'urbanisme, relève du livre IV du code de l'urbanisme. Les dispositions de l'article L. 101-2 doivent dès lors être interprétées comme imposant aux auteurs des seuls documents d'urbanisme, à l'exclusion des autorisations d'urbanisme, d'y faire figurer des mesures tendant à la réalisation des objectifs qu'elles énoncent. Par suite, doit être accueilli le moyen tiré par Mme G... de ce que la décision contestée est entachée d'une erreur de droit.
5. L'administration peut, toutefois, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
6. La commune de Jullouville a sollicité, dans ses écritures de première instance communiquées par le tribunal administratif à Mme G... comme dans son mémoire en défense d'appel, également communiqué à la requérante, une substitution de motifs fondée sur les dispositions des articles R. 111-2 et R. 111-5 du code de l'urbanisme et tirée de ce que l'accès du projet sur la route de Carolles est situé à un endroit particulièrement dangereux entre deux carrefours et dans une courbe, et offrant peu de visibilité et dans un secteur où la vitesse autorisée est de 50 km/h.
7. Aux termes de l'article R.111-1 du code de l'urbanisme : " Le règlement national d'urbanisme est applicable aux constructions et aménagements faisant l'objet d'un permis de construire, d'un permis d'aménager ou d'une déclaration préalable ainsi qu'aux autres utilisations du sol régi par le présent code. / Toutefois les dispositions des articles R. 111-3, R. 111-5 à R. 111-19 et R. 111-28 à R. 111-30 ne sont pas applicables dans les territoires dotés d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu (...) ". Aux termes de l'article R.111-2 du même code : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".
8. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment de la décision contestée, qu'à la date de cette décision la commune de Jullouville était couverte par un document d'urbanisme tenant lieu de plan local d'urbanisme. Par suite, et en application des dispositions de l'article R. 111-1 du code de l'urbanisme, la commune de Jullouville ne saurait utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme qui ne sont pas applicables sur le territoire communal.
9. En second lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment des différents plans et photographies qui y sont joints, que la parcelle d'assiette du projet présente un accès sur la route de Carolles, à vingt-cinq mètres environ d'un virage situé au nord dont il est séparé par un passage pour piétons dont la dangerosité n'est pas avérée. En particulier, il ressort des photographies produites par Mme G..., qui ne sont pas contestées par la commune, que la vitesse sur la portion de la voie desservant le terrain d'assiette du projet est limitée, non pas à 50 km/h mais à 30 km/h. Si au sud, la route présente une légère courbe, des ralentisseurs ont été aménagés à proximité immédiate de l'accès envisagé. Il ne ressort pas, enfin, des pièces du dossier, compte tenu de la vitesse maximale autorisée et de la configuration des lieux, que la visibilité, tant pour les automobilistes sortant du virage que pour ceux devant emprunter l'accès du terrain, serait insuffisante. Enfin et alors que le terrain d'assiette se situe dans un secteur déjà urbanisé, la commune de Jullouville n'établit pas ni même n'allègue que la route de Carolles sur laquelle accède le projet serait particulièrement accidentogène. Il suit de la que la substitution de motifs présentée par la commune de Jullouville ne saurait être accueillie.
10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, que Mme G... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".
12. Lorsque le juge annule un refus d'autorisation d'urbanisme après avoir censuré l'ensemble des motifs que l'autorité compétente a énoncés dans sa décision conformément aux prescriptions de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme ainsi que, le cas échéant, les motifs qu'elle a pu invoquer en cours d'instance, il doit, s'il est saisi de conclusions à fin d'injonction, ordonner à l'autorité compétente de délivrer l'autorisation. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction soit que les dispositions en vigueur à la date de la décision annulée, qui, eu égard aux dispositions de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme, demeurent applicables à la demande, interdisent de l'accueillir pour un motif que l'administration n'a pas relevé, ou que, par suite d'un changement de circonstances, la situation de fait existant à la date de la décision juridictionnelle y fait obstacle.
13. Il ne résulte pas de l'instruction que les dispositions en vigueur à la date de l'arrêté annulé interdisaient la délivrance d'un certificat d'urbanisme opérationnel pour un autre motif que ceux que le présent arrêt censure. Il ne résulte pas non plus de l'instruction qu'un changement dans les circonstances de fait se soit produit depuis l'édiction de l'arrêté annulé, ni à plus forte raison que la situation de fait existant à la date du présent arrêt fasse obstacle à la délivrance du certificat d'urbanisme sollicité par la requérante. Dès lors, il y a lieu d'enjoindre au maire de Jullouville de délivrer à Mme G... un certificat d'urbanisme opérationnel pour le projet dont il s'agit, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme G..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Jullouville demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune de Jullouville une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme G... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Caen du 16 octobre 2019 et l'arrêté du maire de Jullouville du 19 octobre 2018 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au maire de Jullouville de délivrer à Mme G... le certificat d'urbanisme opérationnel sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : La commune de Jullouville versera à Mme G... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... G... et à la commune de Jullouville.
Copie en sera adressée pour son information au préfet de la Manche.
Délibéré après l'audience du 10 novembre 2020 , à laquelle siégeaient :
- M. Couvert-Castéra, président de la cour,
- Mme C..., présidente-assesseur,
- M. A...'hirondel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 novembre 2020.
Le rapporteur,
M. H...Le président,
O. COUVERT-CASTÉRA
Le greffier,
A. BRISSET
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT04834