Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 juin 2015, M.F..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 5 mai 2015 ;
2°) d'annuler cette décision du 22 mars 2012 ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder au réexamen de la demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier, dès lors qu'ils n'ont pas été avisés de la date d'audience ;
- sa filiation avec Mme E...est établie, ainsi que cela résulte du jugement du 8 août 2012 du tribunal de première instance de Douala ; le ministre n'apporte aucune précision sur la présence nécessaire, lors de l'audience, de témoins qui ne sont pas mentionnés dans l'ordonnance n°81-02 du 29 juin 1981 ; sa naissance n'a pu être déclarée dans les délais légaux ; la requête en jugement supplétif de naissance était légitime et aucunement mensongère ; ce jugement n'a pas été contesté ; la copie certifiée conforme de l'acte de naissance dressé le 9 octobre 2012 a été délivrée le 26 mars 2015 et doit seule être prise en compte, même s'il n'est pas contesté que l'acte de naissance initial est non-authentique ; si l'acte de naissance n°793/93 a été dressé par le centre d'état civil d'Etoa-Yaoundé III, il n'est pas établi que les actes 153/93 et 154/94, produits par le ministre, proviennent du même centre d'état civil ;
- la filiation peut être établie par la possession d'état au moyen des nombreux échanges entre les intéressés et sa prise en charge financière par MmeE... ;
- la décision contestée a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de la directive 2003/86/CE du 22 septembre 2003, de l'article 10 de la convention relative aux droits de l'enfant et des articles 7 et 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; MmeE..., mariée depuis 2004 avec un français, vivant avec lui et travaillant en France ne peut retourner vivre au Cameroun ; elle ne peut aller régulièrement au Cameroun.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 août 2015, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête est tardive ;
- les autres moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 2003/86/CE du 22 septembre 2003,
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Millet.
1. Considérant que M. F...relève appel du jugement du 5 mai 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 mars 2012, par laquelle la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a rejeté sa demande de visa ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 711-2 du code de justice administrative : " Toute partie est avertie, par une notification faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par la voie administrative mentionnée à l'article R. 611-4, du jour où l'affaire sera appelée à l'audience. / (...). / L'avertissement est donné sept jours au moins avant l'audience. (...) " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si M. F...et Mme E...n'étaient pas présents à l'audience du 7 avril 2015, ils étaient représentés par MeG..., substituant Me C...; que, par suite, M. F...n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué a été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière et à en demander, pour ce motif, l'annulation ;
Sur le bien fondé du jugement attaqué :
4. Considérant que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée, pour confirmer la décision de refus de visa qui avait été opposée à M.F..., sur le motif tiré de ce que son acte de naissance présentait diverses anomalies et discordances qui ne permettaient pas d'établir le lien de filiation avec MmeE... ;
5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil (...) " ; et qu'aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité " ;
6. Considérant que lorsque la venue d'une personne en France a été autorisée au titre du regroupement familial, l'autorité consulaire n'est en droit de rejeter la demande de visa dont elle est saisie à cette fin que pour un motif d'ordre public ; que figure au nombre de ces motifs l'absence de caractère authentique des actes d'état-civil produits ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande de visa long séjour, M.F..., qui déclare être né le 23 juillet 1993, a produit un acte de naissance, dressé le 25 juillet 1993 et portant le n°793/93 du centre d'état civil d'Etoa, 3ème arrondissement de Yaoundé (Cameroun), alors que le dernier acte dressé en 1993 dans les registres de naissances de ce centre d'état civil porte le numéro 153/93 et a été dressé le 10 octobre 1993 ; que M. D...A..., officier d'état civil de ce centre, a confirmé le 12 décembre 2011, que l'acte n° 793/93 est " non conforme à la souche ", de sorte que ce document n'est pas authentique, ce dont le requérant est d'ailleurs convenu dans ses écritures ; que le jugement supplétif de naissance du 8 août 2012 du tribunal de première instance de Douala ne mentionne pas la présence des témoins, conformément aux dispositions de l'article 23 de l'ordonnance n°81-02 du 29 juin 1981 portant organisation de l'état civil au Cameroun ; que l'acte de naissance dressé le 9 octobre 2012 ne comporte pas la mention de la transcription du jugement supplétif de naissance du 8 août 2012 du tribunal de première instance de Douala ; qu'en outre, Mme E...a indiqué sur le formulaire de demande de visa que M. F...est né le 23 juillet 1984 ; qu'ainsi, les documents produits par le requérant ne sont pas de nature à mettre en cause l'appréciation portée par la commission quant au caractère apocryphe de l'acte de naissance produit à l'appui de sa demande de visa ; que, par suite, en estimant que le lien de filiation n'était pas établi, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas commis d'erreur d'appréciation ;
8. Considérant, en deuxième lieu, que l'article 311-14 du code civil dispose que " la filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant " ; que, dès lors, si M.F..., de nationalité camerounaise, invoque les dispositions de l'article 46 du code civil, la preuve de la filiation au moyen de la possession d'état ne pouvait être accueillie que si, en vertu de la loi applicable au Cameroun, un mode de preuve comparable y était admis ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et il est sérieusement contesté, qu'en vertu de l'ordonnance n°81-02 du 29 juin 1981 précitée, applicable à la date de la décision contestée, le lien de filiation ait pu être établi dans ce pays par la possession d'état ; qu'au surplus, et en dépit des relevés de communications dénués de valeur probante et postérieurs à la décision contestée, produits par M. F...en appel, les circonstances que Mme E...prendrait financièrement en charge le requérant et serait en contact fréquent avec lui, ne sont pas de nature, à elles seules, à établir un tel lien ;
9. Considérant, en dernier lieu, qu'en l'absence d'établissement du lien de filiation entre le requérant et MmeE..., il ne saurait valablement être soutenu que la décision contestée porterait une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale ou à l'intérêt supérieur de l'enfant, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 10 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; que le moyen tiré de la méconnaissance des articles 7 et 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne peut être accueilli dès lors que la décision contestée ne met pas en oeuvre le droit de l'Union ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin-de non recevoir opposée par le ministre, que M. F...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande ; que, par suite, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. F...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. H...F..., Mme B... E...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 13 décembre 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- M. Millet, président assesseur,
- Mme Gélard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 décembre 2016.
Le rapporteur,
J-F. MILLETLe président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT01981