Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 mars et le 20 mai 2020, le ministre de l'intérieur demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 10 janvier 2020 ;
2°) de rejeter la demande de première instance ;
Il soutient que :
- Mme A... épouse G... ne peut être regardée comme ayant fixé de manière stable sa résidence en France dès lors que son conjoint, dont elle n'est pas divorcée, réside à l'étranger ;
- elle ne justifie pas de la réalité de la séparation ; la procédure de divorce, entamée en août 2015, quelques mois avant le dépôt de sa demande de nationalité française, n'a pas abouti en raison de la carence de Mme A... épouse G... devant le tribunal d'Oran ;
- Mme A... épouse G... a sciemment dissimulé l'issue de sa requête en divorce devant le tribunal d'Oran.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juin 2020, Mme A... épouse G..., représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de reprendre l'instruction de sa demande de naturalisation.
Elle soutient que :
- les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les observations de Mme F..., représentant le ministre de l'intérieur.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... épouse G... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 25 avril 2018 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté le recours formé contre la décision du préfet de police du 16 février 2017 ajournant sa demande de naturalisation et a substitué à cette décision une décision de rejet. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 10 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision contestée.
2. Aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger ". L'article 21-16 du code civil dispose que : " Nul ne peut être naturalisé s'il n'a en France sa résidence au moment de la signature du décret de naturalisation ". L'article 48 du décret du 30 décembre 1993 dispose que : " (...) Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient à l'intéressé, s'il le juge opportun, de déposer une nouvelle demande ". En vertu de ces dispositions, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite. Dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte la circonstance que l'intéressé n'a pas fixé en France, de manière stable, le centre de ses intérêts. Pour apprécier si cette condition est remplie, l'autorité administrative doit notamment prendre en compte, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la situation personnelle et familiale en France de l'intéressé à la date du décret lui accordant la nationalité française.
3. Pour rejeter la demande de naturalisation présentée par Mme A... épouse G..., le ministre de l'intérieur s'est fondé sur la circonstance que l'époux de l'intéressée, M. C... G..., résidait à l'étranger.
4. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, Mme A... épouse G..., qui réside en France depuis 2000, était mariée avec M. G... depuis le 19 août 1992 et que ce dernier résidait en Algérie. Si Mme A... épouse G... fait valoir, en première instance et en appel, être séparée de son époux depuis 2002, et avoir engagé une procédure de divorce le 2 août 2015 devant la section des affaires familiales du tribunal d'Oran, il ressort du jugement du 25 octobre 2015, produit pour la première fois en appel, que ce tribunal a constaté l'absence de comparution de Mme A... épouse G... à l'audience à laquelle elle avait été convoquée et a radié l'affaire. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que Mme A... épouse G... aurait accompli d'autres diligences pour donner suite à sa requête en divorce et les allégations selon lesquelles son époux ferait obstruction au déroulement de cette procédure ne sont étayées par aucun élément précis. Dans ces conditions, le ministre a pu, eu égard au large pouvoir dont il dispose pour apprécier l'opportunité d'accorder ou non la nationalité française à l'étranger qui la sollicite, rejeter la demande présentée par Mme A... épouse G... pour le motif rappelé au point 3 sans entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
5. Dès lors, c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur ce moyen pour annuler la décision contestée.
6. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... épouse G... devant le tribunal administratif de Nantes.
7. Les circonstances que Mme A... épouse G... justifie de son insertion professionnelle et de son assimilation à la communauté française et que des membres de sa famille soient de nationalité française sont sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, eu égard au motif qui la fonde.
8. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé sa décision du 25 avril 2018. Il en résulte également que les conclusions à fin d'injonction de Mme A... épouse G... doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 10 janvier 2020 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme A... épouse G... devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme D... A... épouse G....
Délibéré après l'audience du 12 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme B..., présidente assesseur,
- M. Lhirondel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la cour le 29 janvier 2021.
Le rapporteur,
H. B...
Le président,
A. PÉREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT00857