Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 31 août 2015 et 28 juin 2016, la commune de Caen, représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 30 juin 2015 ;
2°) de rejeter la demande de MmeD... ;
3°) de mettre à la charge de MmeD... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le seul contact avec le public ne suffit pas pour bénéficier de la nouvelle bonification indiciaire, il doit s'agir d'un accueil direct du public ; si Mme D...doit consacrer une partie de son temps de travail à l'animation des actions de médiation, celle-ci doit également se consacrer à la conception de ces actions ;
- MmeD... ne consacre pas plus de la moitié de son temps de travail au contact du public ;
- le principe d'égalité de traitement entre agents publics n'a pas été méconnu.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 22 décembre 2015 et 21 juin 2016, Mme A...D..., représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Caen la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par la commune de Caen ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 25 mai 2016 la clôture d'instruction a été fixée au 30 juin 2016 à 12h00 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- la loi n° 91-73 du 18 janvier 1991 modifiée portant dispositions relatives à la santé publique et aux assurances sociales, et notamment son article 27 ;
- le décret n° 2006-779 du 3 juillet 2006 portant attribution de la nouvelle bonification indiciaire à certains personnels de la fonction publique territoriale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Gauthier,
- et les conclusions de M. Giraud, rapporteur public.
Une note en délibéré présentée pour la commune de Caen a été enregistrée le 31 mars 2017.
1. Considérant que MmeD..., assistante de conservation du patrimoine et des bibliothèques, qui exerce les fonctions de médiateur culturel au musée des Beaux-Arts de Caen, a sollicité le 20 décembre 2013 le bénéfice d'une nouvelle bonification indiciaire de dix points d'indice majoré en application du décret du 3 juillet 2006 portant attribution de la nouvelle bonification indiciaire à certains personnels de la fonction publique territoriale ; que sa demande a été rejetée par une décision du 24 février 2014 du maire de Caen, confirmée sur recours gracieux par une décision du 23 juin 2014 ; que la commune de Caen relève appel du jugement du 30 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Caen a annulé ces décisions en tant qu'elles refusent à l'intéressée le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire pour la période postérieure au 1er janvier 2009 et a enjoint à la commune de Caen d'attribuer à MmeD..., à compter de cette date, une bonification indiciaire de dix points d'indice majoré et de lui verser le rappel de rémunération correspondant ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 27 de la loi du 18 janvier 1991 modifiée : " La nouvelle bonification indiciaire des fonctionnaires et des militaires instituée à compter du 1er août 1990 est attribuée pour certains emplois comportant une responsabilité ou une technicité particulières dans des conditions fixées par décret " ; qu'en vertu de l'article 1er du décret du 3 juillet 2006 portant attribution de la nouvelle bonification indiciaire à certains personnels de la fonction publique territoriale : " Une nouvelle bonification indiciaire, prise en compte pour le calcul de la retraite, est versée mensuellement aux fonctionnaires territoriaux exerçant une des fonctions figurant en annexe au présent décret. " ; que le point 33 du tableau figurant en annexe à ce décret prévoit l'attribution de 10 points de nouvelle bonification indiciaire aux agents des communes de plus de 5 000 habitants exerçant à titre principal des fonctions d'accueil du public ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire est lié non au corps ou cadre d'emplois d'appartenance ou au grade des fonctionnaires, ou encore à leur lieu d'affectation, mais aux seules caractéristiques des emplois occupés, au regard des responsabilités qu'ils impliquent ou de la technicité qu'ils requièrent ; qu'ainsi les dispositions précitées du décret du 3 juillet 2006 qui ouvrent droit au bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire à raison de l'exercice à titre principal de fonctions d'accueil du public doivent être interprétées comme réservant ce droit aux agents dont l'emploi implique qu'ils consacrent plus de la moitié de leur temps de travail total à des fonctions d'accueil du public ; que, pour l'application de cette règle, il convient de prendre en compte les heures d'ouverture au public du service, si l'agent y est affecté dans des fonctions d'accueil du public, ainsi que, le cas échéant, le temps passé par l'agent au contact du public en dehors de ces périodes, notamment à l'occasion de rendez-vous avec les usagers ;
4. Considérant que la commune de Caen soutient que si Mme D...doit effectuer une partie de son temps de travail à l'animation des actions de médiation, celle-ci doit également se consacrer à la conception de ces actions et qu'ainsi cet agent ne consacre pas plus de la moitié de son temps au contact du public ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier, en particulier de la fiche de poste de Mme D...relative au poste de médiateur culturel au musée des Beaux-Arts de Caen que l'intéressée " doit consacrer 98 % de son temps de travail à l'animation des actions de médiation (visites commentées, visite-croquis, ateliers) et des projets innovants en direction d'un public varié (adultes, enfants, handicapés) " ; que selon cette fiche de poste, le reste de ses activités consiste à " réaliser des outils de médiation et des documents pédagogiques ", pour 1 % du poste, et à " concevoir des projets et les évaluer par le biais de bilans rédigés ", également pour 1 % du poste ; que si la commune produit en appel un " extrait du logiciel des inscriptions aux activités de Madame D...entre février 2015 et février 2016 ", dont il ressort que le temps consacré aux conférences et manifestations s'élève pour cette période à 341 heures, compte tenu de 30 jours de congé maladie, ce document ne tient pas compte du temps de travail consacré à la réception du public, à l'aide à la préparation de visites, à la présentation matérielle du musée, au contact avec les différents usagers, tels qu'enseignants et élèves, pour préparer les manifestations, pourtant attesté par les témoignages produits en appel par MmeD... ; que ni cet " extrait du logiciel des inscriptions aux activités ", ni le document intitulé " Le musée des Beaux-Arts de Caen et ses publics en 2012 ", qui ne constitue qu'une brochure générale de présentation des thèmes " Fréquentation ", " Médiation " et " Action culturelle ", ne sont de nature à remettre en cause les précisions apportées par la fiche de poste sur la répartition du temps de travail de l'agent ; qu'ainsi, MmeD..., qui consacre plus de la moitié de son temps de travail total à des missions d'accueil du public, doit bien être regardée, ainsi que l'ont estimé les premiers juges, comme exerçant, à titre principal, des fonctions d'accueil du public au sens du décret du 3 juillet 2006 ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Caen n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a annulé les décisions contestées en tant qu'elles refusent à l'intéressée le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire pour la période postérieure au 1er janvier 2009 et a enjoint à la commune de Caen d'attribuer à MmeD..., à compter de cette date, une bonification indiciaire de dix points d'indice majoré et de lui verser le rappel de rémunération correspondant ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme D..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Caen demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Caen le versement à Mme D...de la somme de 1 500 euros au titre de ces mêmes dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Caen est rejetée.
Article 2 : La commune de Caen versera à Mme D...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Caen et à Mme A...D....
Délibéré après l'audience du 30 mars 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Coiffet, président,
- M. Gauthier, premier conseiller,
- M. Lemoine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 avril 2017.
Le rapporteur,
E. GauthierLe président,
O. Coiffet
Le greffier,
M. C...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT02692