Procédure devant la cour :
I - Par une requête enregistrée le 15 avril 2020 sous le n°20NT01327 Mme F..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 21 novembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète d'Eure-et-Loir du 26 juillet 2019 ;
3°) d'enjoindre à la préfète d'Eure-et-Loir de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative la somme de 1 200 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté contesté n'est pas suffisamment motivé ; il a été édicté avant que la Cour nationale du droit d'asile se prononce sur l'appel qu'elle a formé contre la décision du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 17 avril 2019 rejetant sa demande d'asile ;
- contrairement à ce qui est mentionné dans l'arrêté contesté, la préfète d'Eure-et-Loir ne justifie pas avoir procédé à l'examen de l'ensemble des cas d'attribution d'un titre de séjour de plein droit ;
- la préfète d'Eure-et-Loir a méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté contesté a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il a également méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision fixant le pays de destination est contraire aux dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 26 août 2020 la préfète d'Eure-et-Loir conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme F... ne sont pas fondés.
II - Par une requête enregistrée le 15 avril 2020 sous le n°20NT01328 M. F..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 21 novembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète d'Eure-et-Loir du 26 juillet 2019 ;
3°) d'enjoindre à la préfète d'Eure-et-Loir de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative la somme de 1 200 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
M. F... soulève les mêmes moyens que ceux exposés par son épouse au soutien de la requête n°20NT01327.
Par un mémoire en défense enregistré le 26 août 2020 la préfète d'Eure-et-Loir conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme F... ne sont pas fondés.
M. et Mme F... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 9 mars 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme F..., ressortissants géorgiens, sont entrés en France le 27 novembre 2018, accompagnés des trois enfants de Mme F.... Leurs demandes d'asile ont été rejetées par des décisions du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides des 17 et 30 avril 2019 confirmées le 27 août 2019 par la Cour nationale du droit d'asile. Par des arrêtés du 26 juillet 2019, la préfète d'Eure-et-Loir leur a refusé le droit au séjour, les a obligés à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel ils pourront, le cas échéant, être renvoyés d'office. Par deux requêtes distinctes qu'il y a lieu de joindre, M. et Mme F... relèvent appel du jugement du 21 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leurs recours tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur la légalité des arrêtés contestés :
2. Les arrêtés du 26 juillet 2019 de la préfète d'Eure-et-Loir comportent les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Ils sont donc suffisamment motivés.
3. Aux termes de l'article L. 743-2 du : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : (...) / 7° L'office a pris une décision de rejet dans les cas prévus au I et au 5° du III de l'article L. 723-2 ; ". Selon le I de l'article L. 723-2 du même code : " L'office statue en procédure accélérée lorsque : / 1° Le demandeur provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr en application de l'article L. 722-1 ; (...) ". La Géorgie étant un pays d'origine sûr au sens de ces dernières dispositions, le moyen tiré de ce que la préfète d'Eure-et-Loir ne pouvait légalement prendre les arrêtés contestés sans attendre que la Cour nationale du droit d'asile se prononce sur les recours formés par les requérants contre les décisions des 17 et 30 avril 2019 du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant leurs demandes d'asile doit être écarté.
4. Il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que la préfète d'Eure-et-Loir n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation des requérants et notamment de leur possibilité d'obtenir un titre de séjour de plein droit.
5. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein
droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. M. et Mme F... résidaient en France depuis moins d'un an à la date des arrêtés contestés. Ils sont l'un comme l'autre en situation irrégulière. La situation des trois enfants mineurs de Mme F... est indissociable de celle de leur mère. Rien ne fait obstacle à ce que M. et Mme F... reforment leur cellule familiale en Géorgie, pays où il n'est pas établi qu'ils n'ont plus d'attaches privées et familiales et ne peuvent plus revenir. Dans ces conditions, alors même que la mère de Mme F... vit depuis de nombreuses années en France en situation régulière, doit être écarté le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté a porté au droit au respect de la vie privée et familiale des requérants une atteinte disproportionnée, contraire aux dispositions et aux stipulations rappelées au point précédent.
7. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions concernant les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
8. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 que les arrêtés contestés n'ont pas pour effet de priver les enfants mineurs de Mme F... de la présence de leur mère ou de celle de leur beau-père. Ces arrêtés n'ont donc pas méconnu les stipulations rappelées au point précédent.
9. Pour le surplus, Mme F... se borne à reprendre devant le juge d'appel les mêmes moyens et les mêmes arguments que ceux invoqués en première instance, tirés de ce que les arrêtés contestés auraient méconnu les dispositions des articles L. 313-14 et L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
10. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes de M. et Mme F... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... et Mme A... F... et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet d'Eure-et-Loir.
Délibéré après l'audience du 7 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Couvert-Castéra, président de la cour,
- Mme D..., présidente-assesseure,
- M. C..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 janvier 2 021.
Le rapporteur
E. C...Le président
O. Couvert-Castéra
Le greffier
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°s 20NT01327, 20NT01328