Par un arrêt n° 13NT03479 du 30 avril 2015, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par Mme A...contre ce jugement.
Par une décision n°391554 du 13 juin 2016, le Conseil d'État statuant au contentieux a annulé cet arrêt du 30 avril 2015 et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Nantes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 24 décembre 2013, 3 janvier 2015 et 27 mars 2015, Mme A...a demandé à la cour administrative d'appel de Nantes :
1°) d'annuler le jugement du 24 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2004 et 2006 ainsi que des pénalités correspondantes ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle est victime des agissements du responsable bancaire qui fait l'objet d'une procédure pénale en cours ;
- la société civile immobilière (Sci) La Huchonnière a bénéficié en 2006 d'une offre de prêt modulable de 200 000 euros et les sommes relevées par l'administration au titre de l'année 2006 pour un montant de 166 888 euros proviennent du déblocage partiel de ce prêt ; elles ne constituent pas des sommes imposables ;
- la somme de 150 000 euros perçue à titre personnel au titre de l'année 2004 provient d'un prêt consenti par la Caisse d'Épargne ; le virement de 4 000 euros sur son compte personnel au titre de l'année 2006 a été effectué sans son accord par la banque ; c'est donc à tort que ces sommes ont été imposées dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ;
- pour pouvoir imposer, dans le cadre de la procédure contradictoire, des sommes sur le fondement de l'article 92 du code général des impôts, l'administration doit établir qu'il s'agit de profits tirés d'une activité ;
- l'administration n'apporte pas en l'espèce la preuve que les sommes qu'elle a appréhendées sont des revenus tirés d'une activité déterminée ; or l'administration n'établit pas l'existence de l'activité de détournement de fonds par le contribuable dès lors que M.B..., son concubin et associé dans la Sci La Huchonnière, a été relaxé du chef de recel de biens obtenus à l'aide d'un abus de confiance et qu'elle-même n'a fait l'objet d'aucune poursuite ;
- à titre subsidiaire, les sommes en cause constituent des avances de trésorerie qui ne sont dès lors pas imposables ;
- la substitution de base légale doit être rejetée dès lors que la perception des sommes en litige aurait eu pour effet d'assujettir la Sci à l'impôt sur les sociétés.
Par des mémoires en défense enregistrés les 31 mars 2014, 17 février 2015 et 31 mars 2015, le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens invoqués par Mme A...n'est fondé.
Procédure devant la cour après cassation :
Par un mémoire enregistré au greffe de la cour le 8 septembre 2016 le ministre des finances et des comptes publics demande à la cour de rejeter la requête d'appel de Mme A...en se référant à ses précédentes écritures et à celles produites dans l'instance 16NT01968.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lemoine,
- et les conclusions de M. Giraud, rapporteur public.
1. Considérant qu'à l'issue de la procédure de rectification contradictoire faisant suite à l'examen de sa situation fiscale personnelle l'administration fiscale a rehaussé les revenus déclarés par Mme A...au titre des années 2004 et 2006, et soumis à l'impôt, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux à raison d'une source de profits ne se rattachant à aucune autre catégorie de bénéfices ou de revenus, des sommes créditées sur le compte que cette contribuable détenait à la Caisse d'Epargne des Pays de la Loire ainsi que sur les comptes détenus par la société civile immobilière La Huchonnière, dont elle détenait la moitié des parts ; que Mme A...a saisi d'une demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales résultant de ces redressements le tribunal administratif de Nantes qui, par un jugement du 24 octobre 2013, a rejeté ses conclusions ; que, par un arrêt n° 13NT03479 du 30 avril 2015, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par Mme A...contre ce jugement ; que, par une décision n°391554 du 13 juin 2016, le Conseil d'État, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt et renvoyé à la cour administrative d'appel de Nantes l'affaire, qui porte désormais le n°16NT01969 ;
Sur les conclusions aux fins de décharge :
En ce qui concerne le bien-fondé de l'impôt :
2. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 92 du code général des impôts : "Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus." ; qu'il appartient à l'administration, lorsqu'elle entend fonder une imposition sur les dispositions de cet article, en dehors de toute procédure de taxation d'office, d'établir que les sommes réintégrées dans les bases imposables du contribuable constituent des revenus ; que dans ce cadre, il incombe au juge de l'impôt d'apprécier si l'administration établit la nature de revenus des sommes en cause, compte tenu des éléments de preuve qu'elle présente et, le cas échéant, des éléments que lui soumet le contribuable qui soutient que les sommes en litige ne présentent pas la nature de revenus ou relèvent d'une autre catégorie d'imposition et de ceux que l'administration lui oppose alors en vue d'établir, par tout autre moyen complémentaire, le bien-fondé de l'imposition ;
3. Considérant que, par un arrêt du 14 février 2014, la cour d'appel de Poitiers statuant en matière correctionnelle a, dans le cadre d'une procédure pénale initiée au début de l'année 2008, condamné le directeur de l'agence de la Caisse d'Épargne des Pays de la Loire, dans laquelle Mme A...et la société civile immobilière La Huchonnière détenaient des comptes, des chefs d'abus de confiance et de faux en écritures pour avoir accordé à certains de ses clients des prêts sans respecter les formalités légales, par prélèvement d'argent sur d'autres comptes, ces prélèvements étant à leur tour ultérieurement comblés par d'autres prélèvements ; qu'à l'occasion de l'examen de la situation fiscale personnelle de MmeA..., réalisé au cours de l'année 2008, l'administration fiscale a relevé que d'importantes sommes avaient été créditées par la même agence bancaire sur les comptes personnels de celle-ci et sur ceux de la Sci dont elle était l'associée à hauteur de 50 % ; que ces sommes, perçues sous la forme de cinq virements ou chèques de banque pour les montants respectifs de 10 000 euros, 11 000 euros, 145 888 euros, 150 000 euros et 4 000 euros au cours des années 2004 et 2006 et ne correspondant à aucun acte de prêt régulièrement consenti, pouvaient dans ces conditions être regardées comme constituant des sources renouvelées de profits de nature à justifier leur imposition sur le fondement des dispositions de l'article 92 du code général des impôts rappelées au point 2 ;
4. Considérant, en premier lieu, que, pour contester les impositions mises à sa charge dans les conditions rappelées au point 3, Mme A...fait valoir que son concubin M. B...a été relaxé par la cour d'appel de Poitiers des chefs d'accusation de recel qui avaient été retenus contre lui et qu'elle-même n'a pas été poursuivie ; que, toutefois, si cette décision de relaxe permet de regarder pour établi le fait que les intéressés ignoraient que les crédits dont ils avaient bénéficié avaient pour origine des faits délictueux commis par le responsable de l'agence bancaire dont ils relevaient, elle ne saurait, sur le fondement invoqué de l'autorité de la chose jugée qui s'attache aux constatations de faits opérées par le juge pénal, avoir eu pour effet d'attribuer aux sommes en litige la qualification de prêts bancaires et de déterminer ainsi leur régime fiscal ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'en ce qui concerne le virement bancaire d'un montant de 150 000 euros dont Mme A...a bénéficié au titre de l'année 2004, il résulte des énonciations de l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers en date du 14 février 2014 que si l'intéressée n'a jamais eu conscience du caractère frauduleux de la somme ainsi obtenue, elle reconnaît toutefois devoir cette somme à la Caisse d'Épargne et ne soutient pas ni n'allègue avoir procédé à son remboursement ou à un début de remboursement ; que, par suite, dès lors qu'il n'est pas contesté que la contribuable a disposé de cette somme 150 000 euros sans contrepartie et ne l'a pas remboursée, c'est à bon droit que l'administration fiscale a estimé qu'elle constituait un bénéfice ou une source de profit au sens des dispositions du 1 de l'article 92 du code général des impôts, pouvant être ajouté aux revenus imposables de Mme A...au titre de l'année 2004 ;
6. Considérant, en troisième lieu, que Mme A...a personnellement bénéficié, au titre de l'année 2006, d'une somme de 4 000 euros obtenue dans les conditions rappelées au point 3 ; que si elle soutient qu'elle n'a pas demandé le virement de cette somme, il est constant qu'elle en a conservé la disposition et qu'elle constitue pour elle un produit sans contrepartie ; que, par suite, et pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5, l'administration fiscale était en droit de réintégrer cette somme dans les revenus d'origine non commerciale de Mme A...au titre de l'année 2006 ;
7. Considérant, en quatrième lieu, qu'au cours de l'année 2006 la Sci La Huchonnière, dont Mme A...est l'associée à hauteur de 50 % des parts, a obtenu le versement d'une somme globale de 166 888 euros, dont 145 888 euros versés directement par la Caisse d'Epargne des Pays de la Loire à maîtreD..., notaire, et deux virements de 10 000 et 11 000 euros crédités sur le compte professionnel de cette société auprès de l'agence des Herbiers de la Caisse d'Epargne, en vue de l'acquisition d'un immeuble à Cholet ; que cette somme n'a fait, en l'état de l'instruction, l'objet d'aucun remboursement de la part de la société bénéficiaire ; que si Mme A...soutient que la Sci aurait bénéficié d'une offre de prêt modulable d'un montant total de 200 000 euros, les seuls documents produits par elle, consistant en une simulation de prêt et un tableau d'amortissement non datés et non authentifiables ne sauraient en constituer la preuve ; que, par conséquent, c'est également à bon droit que l'administration fiscale a estimé que la somme de 166 888 euros obtenue sans contrepartie avérée constituait un bénéfice ou une source de profit au sens des dispositions du 1 de l'article 92 du code général des impôts pouvant être ajouté aux revenus imposables de M. B...à hauteur de ses parts d'associé, soit 50 %, pour un montant de 83 444 euros ;
8. Considérant, enfin, que Mme A...ne développe aucun moyen propre à l'encontre de l'application des pénalités prévues à l'article 1729 du code général des impôts ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'État qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à Mme A...la somme qu'elle réclame à ce titre ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 8 décembre 2016 à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Gauthier, premier conseiller,
- M. Lemoine, premier conseiller.
Lu en audience publique le 23 décembre 2016.
Le rapporteur,
F. Lemoine
Le président,
I. Perrot
Le greffier,
M. E...
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°16NT01969