Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 juin 2019, Mme C... D..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 17 mai 2019 ;
2°) d'annuler les arrêtés des 29 avril et 2 mai 2019 du préfet de Maine-et-Loire ;
3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de réexaminer sa demande d'asile dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
en ce qui concerne l'arrêté de transfert :
- l'arrêté procède d'une application manifestement erronée des articles 16 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 qui permet de déroger aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen compte tenu de son état de grossesse et de ses problèmes de santé ;
en ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :
- elle est intervenue en méconnaissance de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 au regard de sa durée et compte-tenu de son état de grossesse ;
- elle a été prise pour pallier l'impossibilité de la placer dans un centre de rétention.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 29 août 2019 et 3 juillet 2020, le préfet de Maine-et-Loire conclut au non-lieu à statuer les conclusions de la requête tendant à l'annulation de l'arrêté de transfert et au rejet du surplus des conclusions.
Il soutient que la France est devenue responsable de l'examen de la demande d'asile de Mme D... et au rejet des autres moyens soulevés qui ne sont pas fondés.
Par lettre du 3 juin 2020 les parties ont été informées, en application de l'article R.611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public tiré du non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation de l'arrêté de transfert en raison de l'expiration du délai de six mois prévu au 1 de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 mai 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., ressortissante camerounaise née en 1995, est entrée en France le 10 mars 2019. Le 22 mars 2019 elle a sollicité l'asile auprès de la préfecture de Maine-et-Loire. Les recherches entreprises sur le fichier Eurodac ayant fait apparaître qu'elle avait sollicité l'asile en Allemagne le 7 décembre 2017, le préfet a saisi le 22 mars 2019 les autorités allemandes d'une demande de transfert, lesquelles l'ont explicitement acceptée le 26 mars suivant. Par deux arrêtés du 29 avril 2019 et du 2 mai 2019, le préfet de Maine-et-Loire a décidé, d'une part, son transfert aux autorités allemandes et, d'autre part, son assignation à résidence pour une durée maximale de quarante-cinq jours renouvelable. Par un jugement du 17 mai 2019 dont Mme D... relève appel, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes d'annulation de ces deux arrêtés.
Sur l'étendue du litige :
2. D'une part, aux termes de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. /2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ". D'autre part, l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle a été notifié à l'administration le jugement par lequel le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel, ni d'ailleurs le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.
3. Le délai initial de six mois dont disposait le préfet de Maine-et-Loire pour procéder à l'exécution de la décision de transfert de Mme D... vers l'Allemagne a été interrompu par la saisine du tribunal administratif de Nantes. Ce délai a recommencé à courir intégralement à compter de la notification à l'administration, le 17 mai 2019, du jugement attaqué. Il ressort des pièces du dossier que ce délai n'a pas fait l'objet d'une prolongation au-delà de ce terme et que cet arrêté n'a pas reçu exécution pendant sa période de validité. Par suite, l'arrêté en cause est caduc à la date du présent arrêt. La France est donc devenue responsable de la demande d'asile de l'intéressée, sur le fondement des dispositions du 2 de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du 26 juin 2013. Le litige ayant perdu son objet, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme D... relatives à l'annulation de l'arrêté du 29 avril 2019 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités allemandes en vue de l'examen de sa demande d'asile.
4. En revanche, l'arrêté portant assignation à résidence de l'intéressée ayant été exécuté et ayant produit des effets, il y a lieu de statuer sur les conclusions tendant à son annulation.
Sur l'arrêté portant assignation à résidence :
5. L'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dispose que : " I. - L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) 1° bis Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (...) Les huit derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve que la durée maximale de l'assignation ne puisse excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois pour les cas relevant des 1° et 2° à 7° du présent I, ou trois fois pour les cas relevant du 1° bis.".
6. La décision préfectorale du 2 mai 2019 assigne Mme D... à résidence pour une durée de 45 jours renouvelable trois fois et lui impartit de se présenter deux fois par semaine à un commissariat de police d'Angers. D'une part, alors que l'intéressée ne conteste pas qu'il existait une perspective raisonnable d'exécution de la mesure de transfert, il résulte de la disposition citée au point précédent qu'au cas d'espèce la durée maximale de l'assignation à résidence décidée pouvait être fixée à une durée de 45 jours renouvelable trois fois. D'autre part, l'obligation bihebdomadaire de présentation dans un commissariat de police angevin à 8 h qui lui a été faite par le préfet de Maine-et-Loire ne parait pas, en l'état des pièces produites, incompatible avec son état de grossesse de près de cinq mois. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision serait intervenue en méconnaissance de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Mme D... soutient que la décision d'assignation à résidence a été prise pour pallier l'impossibilité de la placer dans un centre de rétention. Le détournement de pouvoir ainsi allégué n'est pas établi par l'instruction.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté l'assignant à résidence. Par suite, ses conclusions d'appel, en tant qu'elles tendent à la réformation sur ce point du jugement attaqué, doivent être rejetées. Ses conclusions à fin d'injonction doivent, par voie de conséquence, être également rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme que le conseil de Mme D... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme D... tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 avril 2019 décidant son transfert en Allemagne.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme D... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié Mme C... D... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 1er septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. A..., président assesseur,
- M. Jouno, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 septembre 2020.
Le rapporteur,
C. A...
Le président,
L. Lainé
La greffière,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT02355