Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 juillet 2019, M. B... D..., représenté par Me E... et Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 1er mars 2019 du tribunal administratif de Caen ;
2°) d'annuler la décision par laquelle le directeur du centre pénitentiaire d'Alençon-Condé-sur-Sarthe a refusé d'autoriser un autre détenu à lui céder sa console de jeux ;
3°) d'enjoindre au directeur du centre pénitentiaire d'Alençon-Condé-sur-Sarthe d'autoriser cet autre détenu à lui donner sa console de jeux dans un délai de 15 jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il lui oppose à tort l'irrecevabilité de la requête dès lors que la décision contestée n'est pas une mesure d'ordre intérieur ;
- la décision est entachée d'incompétence et d'une insuffisance de motivation ; elle est entachée d'un défaut de base légale et d'une violation de l'article R. 57-6-18 du code de procédure pénale dès lors que seul un motif de sécurité permet à un directeur d'établissement de refuser la mise à disposition en cellule d'un bien et en l'espèce ce motif n'est pas invoqué et n'est pas fondé ; l'administration avait connaissance de la détention de cette console par le détenu devant la céder.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 juillet 2020, le ministre de la justice conclut au rejet de la requête.
Il soutient que c'est à bon droit que la requête de M. D... a été rejetée pour irrecevabilité par le tribunal administratif de Caen.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 23 mai 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de procédure pénale ;
- le décret n° 2013-368 du 30 avril 2013 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de M. Besse, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 10 mai 2017 le directeur du centre pénitentiaire d'Alençon-Condé-sur-Sarthe a refusé d'autoriser un détenu à céder sa console de jeux, de type X BOX 360, à M. B... D..., également détenu, au motif que la personne cédante n'avait pas été identifiée comme en disposant. Par un jugement du 1er mars 2019, dont M. D... relève appel, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'annulation de cette décision pour irrecevabilité.
2. Aux termes de l'article R. 57-6-18 du code de procédure pénale : " Le règlement intérieur type pour le fonctionnement de chacune des catégories d'établissements pénitentiaires, comprenant des dispositions communes et des dispositions spécifiques à chaque catégorie, est annexé au présent titre. Le chef d'établissement adapte le règlement intérieur type applicable à la catégorie dont relève l'établissement qu'il dirige en prenant en compte les modalités spécifiques de fonctionnement de ce dernier. Il recueille l'avis des personnels.". L'article 19 sur l'action socioculturelle de ce règlement intérieur type précise que : "VII. _ La personne détenue peut acquérir par l'intermédiaire de l'administration et selon les modalités qu'elle détermine des équipements informatiques. En aucun cas elle n'est autorisée à conserver des documents, autres que ceux liés à des activités socioculturelles, d'enseignement, de formation ou professionnelles, sur un support informatique. Ces équipements ainsi que les données qu'ils contiennent sont soumis au contrôle de l'administration. Sans préjudice d'une éventuelle saisie par l'autorité judiciaire, tout équipement informatique appartenant à une personne détenue peut être retenu et ne lui être restitué qu'au moment de sa libération, dans les cas suivants : 1° Pour des raisons d'ordre et de sécurité ; 2° En cas d'impossibilité d'accéder aux données informatiques, du fait volontaire de la personne détenue.".
3. En premier lieu, eu égard à leur nature et à leurs effets sur la situation des détenus, les décisions de l'administration pénitentiaire refusant aux détenus la possibilité d'acquérir un matériel informatique, auquel s'assimile une console de jeu non communicante, dès lors qu'elles ne privent pas la personne détenue de la possibilité effective d'utiliser cet équipement dans les conditions définies par les dispositions précitées, ne constituent pas des actes administratifs susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, sous réserve que ne soient pas en cause des libertés et des droits fondamentaux des détenus.
4. En second lieu, doivent être regardées comme mettant en cause des libertés et des droits fondamentaux des détenus les décisions qui portent à ces droits et libertés une atteinte qui excède les contraintes inhérentes à leur détention.
5. La décision par laquelle l'administration pénitentiaire a refusé à un autre détenu l'autorisation de céder à M. D... une console de jeu non communicante n'a pas par elle-même pour effet d'aggraver les conditions de détention de l'intéressé dès lors qu'il ne disposait pas antérieurement de cet outil de distraction, qu'il conservait la possibilité d'acquérir une telle console et qu'il bénéficiait par ailleurs d'un régime de détention lui permettant de participer aux diverses actions socioculturelles et autres activités collectives autorisées dans l'établissement et de disposer d'outils informatiques laissés en libre accès aux détenus. Dans ces conditions, c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que la mesure contestée, qui ne met pas en cause, à elle seule, les libertés et droits fondamentaux des détenus, constituait un acte administratif insusceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté comme irrecevable sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 1er septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. A..., président assesseur,
- M. Jouno, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 septembre 2020.
Le rapporteur,
C. A...
Le président,
L. Lainé
La greffière,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 19NT02744