Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 novembre 2017, M.B..., représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 21 septembre 2017 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 15 septembre 2017 du préfet de la Mayenne ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
en ce qui concerne la décision de réadmission en Bulgarie :
- la décision a été signée par une autorité incompétente ;
- les dispositions des articles 4 et 5 du règlement (UE) 604/2013 et 29 du règlement (UE) 603/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ;
- les dispositions de l'article 5.6 du règlement (UE) 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ; il n'a pas été rendu destinataire d'une copie du compte-rendu de son entretien individuel ; la procédure contradictoire a en conséquence été méconnue ;
- en cas de renvoi en Bulgarie il y a un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les dispositions des articles 16 et 17-1 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ;
en ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant réadmission en Bulgarie.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 janvier 2018, le préfet de la Mayenne conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. B...n'est fondé.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 19 octobre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n°603/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique
- le rapport de Mme Allio-Rousseau ;
- et les conclusions de M. Bréchot.
Considérant ce qui suit :
1. M.C..., ressortissant afghan né le 1er janvier 1995, est entré irrégulièrement sur le territoire français le 1er mai 2017 et y a sollicité l'asile le 23 juin 2017. La consultation du fichier Eurodac a révélé que ses empreintes digitales avaient été enregistrées en Bulgarie le 7 septembre 2016. Par deux arrêtés du 15 septembre 2017, le préfet de la Mayenne a ordonné sa remise aux autorités bulgares, qui ont accepté explicitement sa reprise en charge le 6 juillet 2017, et son assignation à résidence. M. B...relève appel du jugement du 21 juillet 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.
Sur l'arrêté de transfert aux autorités bulgares :
2. En premier lieu, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte, que M. B...reprend en appel sans plus de précisions, doit être écarté par adoption des motifs retenus à juste titre par le magistrat désigné du tribunal administratif.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, (...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend (...)". Aux termes de l'article 5 du même règlement : " " Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène 1'entretien individuel (...) ". Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n°604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la natures desdites informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.
4. Il ressort des pièces du dossier et notamment du résumé de l'entretien individuel, qui s'est déroulé par l'intermédiaire d'un interprète assermenté en pachto, langue comprise par le requérant, que celui-ci atteste avoir reçu, le 23 juin 2017, le guide du demandeur d'asile et l'information sur les règlements communautaires. La brochure d'information sur le règlement " Dublin " contenant une information générale sur la demande d'asile et le relevé d'empreintes, rédigée par la Commission (guide A) et la brochure d'information pour les demandeurs d'asile dans le cadre de la procédure Dublin rédigée par la Commission (guide B) ont été remises à l'intéressé. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des articles 4 et 5 du règlement (UE) 604/2013 doit être écarté.
5. En troisième lieu, à la différence de l'obligation d'information instituée par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, l'obligation d'information prévue par les dispositions de l'article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des Etats membres relevant du régime européen d'asile commun. La méconnaissance de cette obligation d'information dans une langue comprise par l'intéressé ne peut donc être utilement invoquée à l'encontre des décisions par lesquelles l'Etat français remet un demandeur d'asile aux autorités compétentes pour examiner sa demande.
6. En quatrième lieu, il ressort du compte rendu d'entretien que M. B...a lui même attesté s'être vu remettre une copie de ce dernier qui lui a été délivrée le 23 juin 2017 à l'issue de cet entretien mené en langue pachto. Par suite, le moyen tiré de ce que le résumé de l'entretien individuel ne lui a pas été communiqué en temps utile en méconnaissance des dispositions de l'article 5.6 du règlement 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.
7. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux (...). La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable (...) ". L'application de ces critères peut toutefois être écartée en vertu de l'article 17 du même règlement, aux termes duquel : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 pose en principe dans le 1 de son article 3 qu'une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et que cet Etat est déterminé par application des critères fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application des critères d'examen des demandes d'asile est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre.
8. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Mayenne n'aurait pas procédé à un examen complet et rigoureux de la situation de M. B...et des conséquences de sa réadmission en Bulgarie au regard notamment des garanties exigées par le respect du droit d'asile et de son état de santé. A cet égard, si M. B...a fait valoir lors de l'entretien en préfecture qu'il souffre de calculs rénaux il n'a jamais établi par la production de documents médicaux les défaillances de son état de santé. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté qu'il conteste serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'application de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013.
9. D'autre part, en se bornant à évoquer son état de santé, M. B...n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il entre dans les prévisions de l'article 16 du règlement (UE) n° 604/2013 relatif aux personnes à charge.
10. Enfin, M. B...fait état de la circonstance qu'il aurait été forcé lors de son passage en Bulgarie d'effectuer le relevé d'empreintes digitales, de ce qu'il a été enfermé pendant deux mois dans une cellule et qu'il y a été maltraité sans assortir ses allégations du moindre élément probant de nature à établir les risques qu'il encourt en Bulgarie. Il n'est pas démontré, par les éléments produits, que cet Etat aurait été, à la date de l'arrêté contesté, dans l'incapacité systémique d'accueillir les demandeurs d'asile et d'instruire leur demande. Il n'est pas davantage établi pas que sa vie ou sa sécurité serait menacée en Bulgarie, qui est membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent qu'être écartés.
Sur l'arrêté d'assignation à résidence :
11. Il résulte des points 2 à 10 du présent arrêt que M. B...n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité de la décision ordonnant sa remise aux autorités bulgares.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Mayenne du 15 septembre 2017. Ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet de la Mayenne.
Délibéré après l'audience du 2 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 octobre 2018.
Le rapporteur,
M-P. Allio-RousseauLe président,
L. Lainé
Le greffier,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT03385