Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 novembre 2017 et le 26 septembre 2018, M. A..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 8 septembre 2017 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 4 septembre 2017 du préfet de Maine-et-Loire ;
3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
en ce qui concerne la décision de réadmission en Italie :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- elle ne comporte aucun critère de détermination de l'Etat responsable de sa demande d'asile ;
- le préfet de Maine-et-Loire n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation notamment au regard de son état de santé ;
- la France s'est reconnue compétente en le logeant dans un centre d'accueil et d'hébergement pour demandeurs d'asile ;
- en cas de renvoi en Italie il y a un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les dispositions de l'article 17-1 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ;
- la décision méconnaît les dispositions de l'article 10 du règlement 118/2014 du 30 janvier 2014 ;
en ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :
- la décision a été signée par une autorité incompétente ;
- la décision n'est pas suffisamment motivée ;
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant réadmission en Italie ;
- elle méconnait les dispositions des articles L. 561-2 et R. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 janvier 2018, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. A... n'est fondé.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 19 octobre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 118/2014 du 30 janvier 2014 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique
- le rapport de Mme Allio-Rousseau ;
- et les observations de MeB..., représentant M.A....
Considérant ce qui suit :
1. M. C... A..., ressortissant guinéen né le 7 décembre 1993, est entré irrégulièrement sur le territoire français le 17 mai 2017 et y a sollicité l'asile le 4 juillet 2017 auprès des services de la préfecture de Maine-et-Loire. La consultation du fichier Eurodac a révélé que ses empreintes digitales avaient été enregistrées en Italie le 8 septembre 2016 et qu'il y avait déposé une demande d'asile. Par deux arrêtés du 4 septembre 2017, le préfet de Maine-et-Loire a ordonné sa remise aux autorités italiennes, qui avaient accepté implicitement sa reprise en charge le 20 juillet 2017, et son assignation à résidence. M. A... relève appel du jugement du 8 septembre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.
Sur l'arrêté de transfert aux autorités italiennes :
2. En premier lieu, l'arrêté décidant la remise de M. A... aux autorités italiennes comporte les motifs de droit et de fait qui le fondent. La seule circonstance que le préfet de Maine-et-Loire n'a pas mentionné dans son arrêté les déclarations effectuées par M. A...lors de l'entretien individuel en préfecture le 4 juillet 2017 relatives à ses douleurs dentaires et ses insomnies n'entache pas l'arrêté contesté d'un défaut de motivation en fait. Ainsi, le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté de transfert aux autorités italiennes doit être écarté.
3. En deuxième lieu, l'arrêté contesté indique, d'une part, que M. A...est entré irrégulièrement en France et d'autre part, qu'une demande de reprise en charge a été faite auprès des autorités italiennes. Il est constant que M. A...a déclaré avoir déposé une demande d'asile dans ce pays suite à son entrée le 2 septembre 2016 et avoir quitté ce pays au bout de neuf mois sans attendre la décision sur sa demande. Dans ces conditions, il était en conséquence en mesure de contester utilement le critère de détermination du pays responsable de sa demande d'asile, alors même que cet arrêté ne mentionne pas explicitement l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté serait dépourvu de base légale doit être écarté.
4. En troisième lieu, alors que l'Italie a implicitement reconnu sa responsabilité, la circonstance invoquée par le requérant de l'absence de réponse écrite des autorités italiennes à la demande fondée sur l'article 10.2 du règlement n° 118/2014, qui relève des conditions d'exécution de la décision de transfert vers l'Etat membre responsable de la demande d'asile de l'étranger, n'est pas de nature à entacher l'arrêté portant remise aux autorités italiennes d'irrégularité. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit donc être écarté comme inopérant.
5. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux (...). La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable (...) ". L'application de ces critères peut toutefois être écartée en vertu de l'article 17 du même règlement, aux termes duquel : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 pose en principe dans le 1 de son article 3 qu'une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et que cet Etat est déterminé par application des critères fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application des critères d'examen des demandes d'asile est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre.
6. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment des éléments fournis par M. A...sur les traitements médicamenteux prescrits en France, que le préfet de Maine-et-Loire n'aurait pas procédé à un examen complet et rigoureux de la situation de M. A... et des conséquences de sa réadmission en Italie au regard notamment des garanties exigées par le respect du droit d'asile et de son état de santé. Sa réorientation vers un centre d'accueil et d'hébergement des demandeurs d'asile à Cholet suite au démantèlement du campement de la Porte de la Chapelle ne peut être regardée comme l'application de la clause dérogatoire du 1 de l'article 17 du règlement 604/2013 du 26 juin 2013 et ne saurait être interprétée comme lui conférant le droit de présenter sa demande d'asile en France.
7. D'autre part, l'intéressé fait état de la situation exceptionnelle dans laquelle se trouve l'Italie, confrontée à un afflux sans précédent de réfugiés, des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et aux conditions d'accueil dans ce pays, et de son état de santé qui ne pourrait pas être dans ces conditions correctement pris en charge dans ce pays. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette circonstance exposerait sa demande d'asile à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, ni qu'il ne pourrait pas éventuellement bénéficier en Italie d'un suivi médical. Il n'est pas davantage établi qu'il serait personnellement exposé à des risques de traitements inhumains ou dégradants en Italie, alors que ce pays est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, doit être écarté le moyen tiré de ce qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de sa demande d'asile, la décision contestée aurait été prise en méconnaissance des dispositions des articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
Sur l'arrêté d'assignation à résidence :
8. En premier lieu, les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte et du défaut de motivation de l'arrêté en litige, que M. A... reprend en appel sans plus de précisions, doivent être écartés par adoption des motifs retenus à juste titre par le magistrat désigné du tribunal administratif aux points 2 et 10 du jugement attaqué.
9. En deuxième lieu, il résulte des points 2 à 7 du présent arrêt que M. A... n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité de la décision ordonnant sa remise aux autorités italiennes.
10. En troisième lieu, M. A... fait valoir que le préfet de Maine-et-Loire n'a pas suffisamment caractérisé le risque qu'il puisse prendre la fuite, alors justement que la mesure d'assignation à résidence est justifiée par le fait qu'il présente des garanties propres à prévenir ce risque. Toutefois, dès lors qu'une exécution de la décision d'éloignement restait, à la date de la décision en litige, une perspective raisonnable, le préfet n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
11. En quatrième lieu, en imposant à M. A...de se présenter avec ses effets personnels chaque jour à 15 heures, hors des dimanches et jours fériés, au commissariat de police de Cholet, et alors que le requérant ne justifie d'aucune contrainte particulière, le préfet de Maine-et-Loire n'a pas entaché la décision contestée d'une erreur manifeste d'appréciation.
12. En cinquième lieu, en application de l'article R. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de Maine-et-Loire a pu légalement fixer le département du Maine-et-Loire, à l'intérieur duquel se situe l'adresse de domiciliation de M.A..., comme périmètre d'assignation à résidence de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 561-2 doit être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de Maine-et-Loire du 4 septembre 2017. Ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 2 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 octobre 2018.
Le rapporteur,
M-P. Allio-RousseauLe président,
L. Lainé
Le greffier,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT03400