Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 janvier 2018, la SARL Dainvaux Renov Anjou, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 10 novembre 2017 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) de condamner la commune de Saint Sylvain d'Anjou à lui verser la somme de 57 072 euros en réparation des préjudices causés par son éviction irrégulière de la procédure d'attribution du lot n° 2 " gros oeuvre " du marché de construction d'une maison de la petite enfance sur le territoire de ladite commune ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Saint Sylvain d'Anjou le versement à son profit d'une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est en violation du principe du contradictoire que la commune a refusé de communiquer le dossier du candidat, également évincé, qui a proposé le prix le plus bas et sur lequel le tribunal administratif s'est pourtant fondé pour rejeter sa requête ;
- le jugement n'a pas correctement apprécié le planning présenté par la société attributaire en ce qu'il prévoit une phase supplémentaire non prévue ;
- les notes attribuées, tant à la requérante qu'à l'entreprise attributaire, au regard du critère de valeur technique visant le planning, sont entachées d'arbitraire ; l'intégralité de ses préjudices nés de l'éviction irrégulière de son offre, seront indemnisés : 1 000 euros au titre de ses frais d'étude et de secrétariat, 45 182 euros au titre de ses frais de personnel, main d'oeuvre et charges occasionnés par la perte du marché, 5 890 euros au titre de sa perte d'exploitation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 avril 2018, la commune de Verrières en Anjou, venant aux droits de la commune de Saint Sylvain d'Anjou, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de la société Dainvaux Renov Anjou la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens présentés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,
- et les observations de Me B... pour la SARL Dainvaux Renov Anjou.
Considérant ce qui suit :
1. Dans le cadre d'un marché public en procédure adaptée divisé en 16 lots et portant sur la construction d'une maison de la petite enfance sur le territoire de la commune de Saint Sylvain d'Anjou, la SARL Dainvaux Renov Anjou a candidaté, le 23 mars 2015, pour l'attribution du lot n° 2 " gros oeuvre ". Par un courrier du 17 avril 2015, après avoir satisfait, le 10 avril 2015, à la demande de précisions complémentaires sur son offre émanant du représentant du pouvoir adjudicateur, elle a été informée du rejet de son offre, classée en troisième position, et de l'attribution du marché à la SAS Delaunay. Par un courrier du 23 avril suivant, la commune de Saint Sylvain d'Anjou a indiqué que son offre était en réalité classée en seconde position, avec une note globale de 9,45/10, la SAS Delaunay, attributaire, ayant obtenu une note de 9,51/10. Le référé précontractuel qu'elle a formé le 5 juin 2015 a été rejeté comme irrecevable par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nantes du 11 juin suivant. La SARL Dainvaux Renov Anjou a alors demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner la commune de Saint Sylvain d'Anjou à l'indemniser de son manque à gagner, d'un montant de 10 890 euros, et des frais de personnel et des charges occasionnés par la perte du marché, d'un montant de 45 182 euros, ou, à tout le moins de rembourser ses frais de présentation de son offre, de 1 000 euros HT, en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de son éviction irrégulière du contrat. La SARL Dainvaux Renov Anjou relève appel du jugement du 10 novembre 2017 qui a rejeté sa requête.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. La requérante soutient que c'est en violation du principe du contradictoire que le jugement du tribunal s'est fondé sur le rapport d'analyse des offres pour statuer alors que celui-ci ne lui a pas été communiqué. Toutefois, il résulte de l'instruction que ce rapport a été demandé par le tribunal, enregistré à son greffe le 28 septembre 2017, et communiqué le même jour au conseil de la requérante, accompagné d'une ordonnance portant réouverture de l'instruction. La société Dainvaux Renov Anjou a ainsi disposé d'un délai de huit jours pour présenter ses observations sur ce document. Dans ces conditions, la violation alléguée de la procédure contradictoire ne peut qu'être écartée.
Sur la validité du contrat :
3. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu'au représentant de l'Etat dans le département dans l'exercice du contrôle de légalité, qui, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l'appui du recours ainsi défini. Les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office. Un concurrent évincé ne peut ainsi invoquer, outre les vices d'ordre public dont serait entaché le contrat, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction.
4. Si dans un premier temps la société requérante conteste le fait qu'elle n'a pas bénéficié de la note maximale au regard du critère du prix alors qu'elle a proposé une offre meilleure à ce titre que la société attributaire, il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'analyse des offres mentionné au point 2, qu'une autre entreprise, la SARL Maçonnerie Claude et Pascal Loiseau, a présenté un prix moindre et s'est vu attribuer, à bon droit, la note maximale prévue de 10 sur ce critère.
5. Il résulte par ailleurs du même rapport que la société requérante s'est vu attribuer une note de 3 sur 6 au titre du sous critère " calendrier et méthodologie de gestion des calendriers d'exécution " du critère de " la valeur technique visant à respecter le planning ", alors que la société attributaire a obtenu 6 points. Mais dans la présentation de son offre sur ce point la société requérante s'est bornée succinctement à indiquer dans son mémoire technique qu'à réception du marché elle procéderait à " la communication à la maitrise d'oeuvre d'un planning prévisionnel en concordance avec le planning joint à l'appel d'offres pour une livraison dans un délai de 14 mois et demi compris période de préparation de 4 semaines, congés payés et 2 semaines d'intempéries ". Ce faisant, si elle a présenté un calendrier d'exécution, celui-ci n'était pas détaillé suivant les modalités prévues par le règlement de la consultation qui prévoyait pour ce sous-critère que l'entreprise fournit une méthodologie de gestion du calendrier d'exécution comprenant un planning détaillé par tâches correspondant au planning DCE avec engagement écrit de l'entreprise, interfaces avec les tâches des autres corps d'état, effectif rattaché à chaque tâche et planning de commande et de fabrications. Ainsi, la société Dainvaux Renov Anjou n'a pas proposé la méthodologie requise par la collectivité concernant la gestion de ce calendrier. Inversement, la société attributaire, outre son calendrier, a soumis une " organisation du chantier " qui permettait à la collectivité de connaitre le personnel disponible à chacune des phases, identifiait des personnes traitant les réclamations, prévoyait un délai d'intervention et comportait l'assurance qu'une " équipe supplémentaire peut intervenir en cas de besoin ". La seule circonstance, invoquée par la requérante, que figurait également une mention " élévation / effectif 6 / durée 8 semaines " n'introduisait aucune ambigüité sur la durée prévisible des travaux clairement fixée à 143 jours ou sur le planning de réalisation de la construction exposé dans un autre document. Enfin le pouvoir adjudicateur n'était pas tenu de solliciter de la requérante des précisions sur son offre au regard de ce sous-critère.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Saint Sylvain d'Anjou était fondée à écarter l'offre de la SARL Dainvaux Renov Anjou au profit de celle de la société Delaunay. Par suite, la SARL Dainvaux Renov Anjou, qui n'a pas été évincée irrégulièrement du marché en litige, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 10 novembre 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'indemniser des préjudices résultant pour elle de son éviction.
Sur les frais du litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint Sylvain d'Anjou, aux droits de laquelle vient la commune de Verrières en Anjou, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la SARL Dainvaux Renov Anjou au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SARL Dainvaux Renov Anjou, sur ce même fondement, le versement d'une somme de 1 500 euros à la commune de Verrières en Anjou.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Dainvaux Renov Anjou est rejetée.
Article 2 : La SARL Dainvaux Renov Anjou versera à la commune de Verrières en Anjou une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Dainvaux Renov Anjou et à la commune de Verrières en Anjou.
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2019, où siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. A..., président assesseur,
- Mme D..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 25 octobre 2019.
Le rapporteur,
C. A...Le président,
L. Lainé
La greffière,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au préfet de Maine-et-Loire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°18NT00194