- à titre principal, elles demandent l'organisation d'une nouvelle expertise confiée à un neurologue, afin de distinguer ce qui relève d'un éventuel état antérieur et ce que l'accident a généré ; elles contestent, en outre, la position des experts diligentés par la compagnie d'assurance en ce qui concerne l'évaluation de l'incapacité et les retentissements sur la possibilité de s'insérer professionnellement ;
- dans l'attente de l'organisation de cette mesure d'expertise, une provision de 50 000 euros devra être allouée à Mme C... A... B... compte tenu de la gravité des lésions initiales, des périodes de déficit temporaire total puis partiel, d'une prise en charge auprès de l'unité d'évaluation, de ré-entrainement et d'orientation socio-professionnelle qui a reculé la possibilité de la reprise d'une formation ou d'une activité, et du taux de déficit fonctionnel permanent qui demeure ; une provision de 5 000 euros devra être allouée à Mme E... A... B..., compte tenu de son préjudice moral ;
- à titre subsidiaire, le département et la Société mutuelle d'assurance des collectivités locales devront être condamnés à verser à Mme C... A... B... une somme de 40 000 euros au titre de l'incidence professionnelle du dommage, une somme de 5 700 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, une somme de 23 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, une somme de 6 000 euros au titre des souffrances endurées, une somme de 2 500 euros au titre du préjudice esthétique, et une somme de 5 256 euros au titre de frais divers ; le département et la Société mutuelle d'assurance des collectivités locales doivent être condamnés à verser à Mme E... A... B... une somme de 8 000 euros au titre de ses préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux ;
- en application du contrat " Responsabilités " souscrit par le département du Finistère avec effet au 1er F... 2004, la Société mutuelle d'assurance des collectivités locales devra garantir le département en qualité de compagnie d'assurance, les exclusions ou limitations contractuelles ne lui étant pas opposables.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mai 2018, la Société mutuelle d'assurance des collectivités locales, représentée par Me D..., conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à une réduction des sommes demandées par les requérantes, à la limitation de sa condamnation à la somme maximale de deux mille euros, tous chefs de préjudices confondus, et demande, en outre, qu'une somme de trois mille euros soit mise à la charge de Mmes A... B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en application du contrat d'assurances conclu par le département du Finistère, elle ne peut être condamnée à garantir ce dernier, le contrat excluant les dommages causés par les véhicules à moteur non réquisitionnés pour le compte de l'assuré ;
- à titre subsidiaire, la responsabilité du département du Finistère ne peut être engagée ; la responsabilité sans faute de la personne publique ne peut être engagée pour un mineur placé au titre de l'assistance éducative, victime d'un agissement d'un tiers, non usager du service public ;
- le lien de causalité entre certains postes de préjudice, tels que la diminution des perspectives professionnelles et d'établissement social et familial, et le fait générateur n'est pas établi ;
- certains préjudices ne sont pas établis, comme les frais médicaux et de rapatriement ou les préjudices de Mme E... A... B... ;
- à titre très subsidiaire, les sommes pouvant être allouées à Mme C... A... B... doivent être réduites ;
- en ce qui concerne la garantie individuelle accident, ayant vocation à intervenir indépendamment de toute responsabilité du département, les réserves contractuelles limitent à 20 000 euros le capital assuré en cas d'incapacité permanente, montant global et forfaitaire incluant l'ensemble des préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux résultant de l'incapacité ; compte tenu du taux d'invalidité de 10 % retenu, elle ne peut être condamnée à verser une somme excédant 2 000 euros au titre de l'invalidité permanente ; Mme C... A... B... a la qualité d'assurée au titre de ce contrat, et les exclusions et limitations lui sont opposables ;
- la mesure d'instruction ne présente aucune utilité, une expertise ayant déjà eu lieu et n'étant pas contestée par le département.
Par un mémoire, enregistré le 21 juin 2018, la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère, représentée par Me G..., demande à la cour :
1°) de condamner solidairement le département du Finistère et son assureur à lui verser une somme globale de 88 294.91 euros, avec intérêts à compter du 21 juin 2018 ;
2°) de condamner solidairement le département du Finistère et son assureur à lui verser une somme de 1066 euros en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;
3°) de mettre solidairement à la charge du département du Finistère et de son assureur une somme de trois mille euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la responsabilité du département du Finistère est pleinement engagée compte tenu du dommage subi par le mineur dont il avait la garde ;
- elle produit un état définitif de ses débours démontrant qu'elle a acquitté une somme globale de 88 294.91 euros pour le compte de son assurée, à titre de frais hospitaliers, de frais médicaux, de frais de transport et de frais de reclassement professionnel.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 21 juin 2018 et le 25 septembre 2019, le département du Finistère, représenté par Me H..., demande à la cour :
1°) à titre principal de rejeter la requête de Mesdames Le B... ;
2°) à titre subsidiaire, de réduire l'indemnité sollicitée par Mme C... A... B... ;
3°) de condamner la Société mutuelle d'assurance des collectivités locales à le garantir de toutes les sommes qui pourraient être mises à sa charge ;
4°) de condamner Mesdames C... et Muriel Le B... à lui verser une somme de deux mille cinq cents euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le régime de responsabilité invoquée par Mme A... B... n'est pas susceptible de lui être appliqué, dès lors qu'elle n'avait pas la qualité de tiers ; le régime invoqué est relatif aux dommages causés par le mineur placé et non les dommages causés au mineur placé ;
- aucun élément ne permet de retenir sa responsabilité ;
- à titre subsidiaire, en cas d'annulation du jugement contesté, l'ensemble des conclusions présentées en première instance par Mmes A... B... doivent être rejetées.
Par une ordonnance du 16 juillet 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 septembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code des assurances ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme I..., première conseillère,
- les conclusions de M. Besse, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La jeune C... A... B..., née en décembre 1991, a été confiée au service de l'aide sociale à l'enfance du département du Finistère pour un accueil provisoire entre le 26 juin 2008 et le 1er octobre 2008. Le département a confié la garde de la jeune C... à l'Association Sauvegarde de l'Enfance (ADSEA) dans le Finistère, pour l'organisation d'un " séjour de rupture " au Sénégal, en lien avec une association sénégalaise partenaire de l'ADSEA, l'association " Jeunesse, Culture, Loisirs, Technique, Interventions Sociales " (JCLTIS). Le 12 juillet 2008, alors que la jeune C... se trouvait à bord d'un véhicule appartenant à l'association sénégalaise JCLTIS, conduit par un membre de cette même association, elle a été victime, au Sénégal, d'un accident de la route, ayant entrainé, notamment, un traumatisme crânien. C... Le B... a été rapatriée en France le 15 juillet 2008 pour être prise en charge par le centre hospitalier régional de Brest jusqu'au 25 juillet 2008, puis dans un centre de rééducation pour enfants jusqu'en mars 2009. Le 14 décembre 2015, Mme C... A... B... et sa mère, Mme E... A... B..., ont saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à la condamnation du département du Finistère à les indemniser des préjudices résultant de l'accident survenu au Sénégal le 12 juillet 2008 et à ce que l'assureur du département, la Société mutuelle d'assurance des collectivités locales (SMACL), garantisse le département des condamnations prononcées. Par un jugement du 23 novembre 2017, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de Mmes C... et E... A... B.... Ces dernières relèvent appel de ce jugement.
Sur la responsabilité du département du Finistère :
2. En premier lieu, la décision par laquelle le juge des enfants confie la garde d'un mineur, dans le cadre d'une mesure d'assistance éducative prise en vertu des articles 375 et suivants du code civil, à l'une des personnes mentionnées à l'article 375-3 du même code, transfère à la personne qui en est chargée la responsabilité d'organiser, diriger et contrôler la vie du mineur. En raison des pouvoirs dont la personne publique se trouve ainsi investie lorsque le mineur a été confié à un service ou un établissement qui relève de son autorité, sa responsabilité est engagée, même sans faute, pour les dommages causés aux tiers par ce mineur et sans qu'y fasse obstacle la circonstance que le mineur ne se trouvait pas, au moment des faits, sous la surveillance effective du service ou de l'établissement qui en a la garde. Cette responsabilité n'est susceptible d'être atténuée ou supprimée que dans le cas où elle est imputable à un cas de force majeure ou à une faute de la victime.
3. Il résulte de l'instruction qu'au moment de l'accident de la route dont elle a été victime le 12 juillet 2008, Mme C... A... B... était assise dans un véhicule appartenant à l'association sénégalaise JCLTIS. Ce véhicule était conduit par un éducateur de cette association. Dès lors, en l'absence d'une part, de dommages causés par la jeune C..., confiée à la garde du département du Finistère, à un tiers et d'autre part, de dommages causés à C... Le B... par un mineur qui aurait été confié à la garde du département du Finistère, le régime de responsabilité sans faute évoqué au point 2 du présent arrêt n'est pas applicable. En effet, en sa qualité de mineure placée sous la garde du service de l'aide sociale à l'enfance du département dans le cadre d'une mesure d'assistance éducative, C... Le B... ne peut être regardée comme un tiers susceptible de poursuivre, dans les conditions précisées au point 2 ci-dessus, la responsabilité sans faute du département.
4. En second lieu, les appelantes invoquent, à titre subsidiaire, la responsabilité sans faute du département du Finistère sur le fondement du risque qui aurait été encouru par la jeune C... A... B... en raison de son voyage au Sénégal, organisé par l'association ADSEA du Finistère en lien avec l'association de droit sénégalais JCLTIS.
5. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que les " séjours de rupture " tels qu'organisés par l'association ADSEA du Finistère au profit des mineurs confiés à l'aide sociale à l'enfance constitueraient des méthodes susceptibles de créer un risque spécial de dommage de nature à engager la responsabilité du département du Finistère à l'égard des usagers de ce service public même en l'absence de faute dans l'organisation ou le fonctionnement de ce service.
6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que la responsabilité sans faute du département du Finistère n'étant pas susceptible d'être engagée, Mme C... A... B... et Mme E... A... B... ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande dirigée contre ce département et son assureur. Par conséquent, doivent également être rejetées les conclusions présentées pour le compte de la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère, y compris les conclusions tendant à l'allocation de l'indemnité prévue par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.
Sur les frais du litige :
7. En premier lieu, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département du Finistère et de la Société mutuelle d'assurance des collectivités locales, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, les sommes que Mmes A... B... et la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
8. En second lieu, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mmes A... B... les sommes que le département du Finistère et la Société mutuelle d'assurance des collectivités locales demandent en application de ces mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... A... B... et Mme E... A... B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions du département du Finistère et de la Société mutuelle d'assurance des collectivités locales tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... B..., Mme E... A... B..., à la Société mutuelle d'assurance des collectivités locales, à la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère et au département du Finistère.
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Rivas, président-assesseur,
- Mme I..., première conseillère.
Lu en audience publique le 25 octobre 2019.
La rapporteure,
M. I...Le président,
L. LAINÉ
La greffière,
V. DESBOUILLONS
La République mande et ordonne au préfet du Finistère en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°18NT00221