Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 février 2019, M. C..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 23 octobre 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Vendée du 31 août 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Vendée de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les meilleurs délais ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision de transfert vers la Suisse est insuffisamment motivée ;
- l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 a été méconnu dès lors que l'administration n'établit pas que l'entretien d'évaluation a été mené par une personne qualifiée et a été suffisamment approfondi ; en jugeant que le requérant ne démontrait pas que la personne ayant conduit l'entretien n'était pas qualifiée, le premier juge a renversé la charge de la preuve ;
- la situation particulière de l'intéressé n'a pas été examinée, notamment au regard des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, alors qu'il est vulnérable ;
- dès lors que la Suisse a accepté sa reprise en charge sur le fondement de l'article 18, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, son transfert vers la Suisse l'expose à être renvoyé en Erythrée et ainsi à des traitements inhumains ou dégradants ;
- dans ce contexte, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la faculté que lui laisse l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.
Par un mémoire, enregistré le 25 septembre 2019, le préfet de la Vendée conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens présentés ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 janvier 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les observations de Me D..., représentant M. C....
Une note en délibéré, présentée pour M. C..., a été enregistrée le 9 octobre 2019.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... C..., ressortissant érythréen, né le 1er décembre 1976, est entré irrégulièrement en France où il a sollicité l'asile le 20 juillet 2018. Les autorités suisses et danoises ont été saisies le 2 août 2018 d'une demande de reprise en charge sur le fondement du d) du 1 de l'article 18 du règlement du 26 juin 2013. Elles ont accepté le 3 août suivant de reprendre en charge l'intéressé. Par un arrêté du 31 août 2018, le préfet de la Vendée a décidé le transfert vers la Suisse de M. B... C.... Ce dernier relève appel du jugement du 23 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, le requérant reprend en appel les moyens invoqués en première instance et tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté contesté et du défaut d'examen de sa situation personnelle. Il y a lieu d'écarter ces moyens par les mêmes motifs que ceux retenus à bon droit par le premier juge aux points 3 et 9 de son jugement.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013, relatif à l'entretien individuel : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) / 5. L'entretien individuel (...) est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que l'absence d'indication de l'identité de l'agent ayant conduit l'entretien individuel, mené en langue tigrigna avec l'assistance d'un interprète issu d'un organisme d'interprétariat agréé par l'administration, n'a pas privé le requérant de la garantie tenant au bénéfice d'un entretien individuel et de la possibilité de faire valoir toutes observations utiles. Par ailleurs, aucun élément du dossier n'établit que cet entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. Il s'ensuit que le moyen tiré de la violation de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 doit être écarté.
5. En troisième lieu, la décision contestée de remise aux autorités suisses n'implique pas, par elle-même, le renvoi de M. C... dans son pays d'origine. Dès lors, celui-ci ne saurait utilement faire valoir qu'il risque de subir, dans ce pays, des traitements inhumains et dégradants. Au demeurant, la circonstance qu'une demande d'asile de M. C... ait précédemment été rejetée par la Suisse est sans incidence à cet égard.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".
7. M. C... invoque la fragilité de son état de santé et soutient qu'il risque d'être renvoyé en Erythrée par les autorités suisses. En outre, il fait état, en des termes restés invariants tout au long de la procédure, de l'extrême précarité de sa situation lorsqu'il séjournait en Suisse, où il était sans domicile fixe et où il soutient n'avoir pas eu accès aux soins. Toutefois, les circonstances ainsi invoquées, qui ne sont corroborées par aucun document suffisamment précis propre à la situation de l'intéressé, ne suffisent ni à établir que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne se saisissant pas de la faculté qui lui était ouverte par l'article 17 précité, ni à démontrer qu'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle aurait été commise.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par suite, sa requête, y compris les conclusions relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Vendée.
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- M. A..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 25 octobre 2019.
Le rapporteur,
T. A...Le président,
L. Lainé
Le greffier,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT00526
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