Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 27 mai 2015 Mme B...demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 26 mars 2015 ;
2°) d'annuler la décision de non-renouvellement de contrat ;
3°) de condamner l'université de Bretagne Sud à lui verser la somme de 31 000 euros correspondant à 25 000 euros de perte de gains professionnels depuis octobre 2011 et 6 000 euros pour les souffrances physiques et morales ;
4°) de mettre à la charge de l'université de Bretagne Sud le versement d'une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sur la régularité du jugement attaqué, ce jugement est insuffisamment motivé en ce qui concerne le harcèlement moral ; il mentionne à tort que l'avocat de l'UBS a fait des observations à l'audience ; le choix par l'université d'un avocat qui dispense des cours dans cet établissement est contestable au regard de la règle d'impartialité qui résulte de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
- durant la durée de son contrat elle a subi une souffrance au travail et été confrontée à des faits de harcèlement moral ; elle n'a pu avoir accès à la médecine de prévention ;
- les griefs qui lui ont opposés quant à sa manière de servir, tels un manque d'anticipation, d'organisation, de gestion des priorités et d'autonomie dans son travail, résulte d'une attestation établie postérieurement au non-renouvellement de contrat et ne lui étaient pas opposables compte tenu de sa qualité d'agent d'exécution ; de plus son contrat lui avait été auparavant renouvelé à neuf reprises ;
- la convention passée par l'UBS avec l'Association Médicale Inter Entreprises du Morbihan (AMIEM) en matière de médecine préventive méconnaissait les consignes ministérielles sur les risques psychosociaux ; la consultation à laquelle elle n'a pas eu accès aurait permis de trouver une solution à ses souffrances au travail et d'éviter le non-renouvellement ou aurait au moins favorisé la recherche d'une solution ;
- il n'existait pas de procédure pour la prise de rendez-vous avec le médecin du travail, si bien qu'il ne peut lui être reproché de na pas s'être rapprochée de la DRH pour obtenir un rendez-vous ;
- à défaut de règlement intérieur du comité technique paritaire elle n'a pu saisir cette instance.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 27 mai 2015, le syndicat SUD éducation Morbihan demande qu'il soit fait droit aux conclusions de la requête par les mêmes moyens que ceux exposés par Mme B....
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 janvier 2016, l'université de Bretagne Sud conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme B...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'intervention du syndicat SUD est irrecevable à défaut d'intérêt à agir ;
- aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
- le décret n° 82-453 du 28 mai 1982 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Francfort, président-assesseur,
- les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public,
- et les observations de Mme B...et de MeC..., représentant l'université de Bretagne Sud (UBS).
Une note en délibéré présentée par le syndicat SUD éducation Morbihan a été enregistrée le 18 novembre 20016.
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A... B...a été employée par l'université de Bretagne Sud (UBS) à compter du 22 septembre 2008 pour exercer les fonctions, de catégorie C, de secrétaire de scolarité, selon des contrats à durée déterminée plusieurs fois renouvelés ; qu'elle a été informée verbalement le 8 avril 2011 du non-renouvellement de son contrat à échéance du 30 août 2011 ; qu'après avoir été reçue le 7 juin 2011 par la direction de l'unité de formation et de recherche (UFR) dans laquelle elle était affectée, pour évoquer sa situation, le non-renouvellement de son contrat lui a été confirmé par courrier du 1er juillet 2011 ; qu'elle a toutefois été reçue le 1er septembre 2011 par le président de l'UBS, lequel a accepté de renouveler son contrat de travail pour une durée d'un mois, afin de lui permettre de postuler sur un poste au sein d'une autre UFR ; que cette démarche n'ayant pas abouti, le contrat de travail de Mme B... a effectivement pris fin le 30 septembre 2011 sans être renouvelé ; que Mme B...relève appel du jugement du 26 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce refus de renouvellement de contrat, à sa réintégration rétroactive, ainsi qu'à la condamnation de l'UBS à lui verser une somme de 15 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis ;
Sur l'intervention du syndicat Sud éducation 56 :
2. Considérant que, contrairement à ce que soutient l'UBS, un syndicat de fonctionnaires est recevable à intervenir à l'appui d'une demande d'annulation d'une décision individuelle défavorable concernant un fonctionnaire, présentée devant le juge administratif par le fonctionnaire intéressé, dès lors qu'il justifie d'un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige ; qu'en l'espèce, le syndicat Sud éducation Morbihan, dont les statuts prévoient qu'il a pour objet de défendre les intérêts moraux, matériels et professionnels des personnels qu'il regroupe, justifie ainsi d'un intérêt de nature à rendre recevable son intervention dans la présente instance ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Considérant, d'une part, que le tribunal administratif n'a commis aucune irrégularité en visant dans le jugement attaqué les observations à l'audience du conseil de l'université, alors même que ce dernier se serait borné à s'en rapporter à ses mémoires écrits ; que la circonstance que ce conseil ou certain des membres du cabinet d'avocats auquel il appartient aurait eu ou conserverait des enseignements au sein de l'université qu'il représente n'est, par ailleurs, pas de nature à porter atteinte à l'impartialité de la procédure contentieuse au sens des stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
4. Considérant, d'autre part, qu'en appréciant, au point 9 de leur jugement, que "si Mme B...fait état d'une dégradation de ses conditions de travail et d'un harcèlement moral dont elle aurait été l'objet en raison d'humiliations et de tentatives d'isolement de sa hiérarchie, ces allégations ne sont toutefois corroborées par aucun élément probant", les premiers juges ont, eu égard à la teneur de l'argumentation soulevée devant eux, suffisamment motivé leur appréciation ;
Sur les conclusions à fins d'annulation :
En ce qui concerne les conclusions à fins d'annulation de la décision de non-renouvellement :
5. Considérant qu'un agent public, recruté par contrat à durée déterminée, ne bénéficie, au terme prévu, d'aucun droit au renouvellement de son contrat ; que toutefois la décision de ne pas renouveler le contrat ne peut être prise que pour des motifs tirés de l'intérêt du service sans pouvoir être fondée sur une inexactitude matérielle des faits, une erreur manifeste d'appréciation ou un détournement de pouvoir ;
6. Considérant, en premier lieu, que Mme B...soutient que la mesure de non-renouvellement de son contrat procède du harcèlement moral dont elle a fait l'objet au sein de l'université de Sud Bretagne au cours de l'année universitaire 2010-2011 ;
7. Considérant qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
8. Considérant, d'une part, que si Mme B...relate quelques épisodes qui l'ont opposée, à trois reprises, au cours de la période allant de novembre 2010 à janvier 2011, à ses supérieurs hiérarchiques, lesquels lui adressaient des reproches sur la qualité de son travail, la seule circonstance avérée que ces reproches lui auraient été adressés, le 14 et le 15 décembre 2010, en présence de tiers, est insusceptible de caractériser à elle seule une situation de harcèlement moral ;
9. Considérant, d'autre part, que l'administration produit à l'instance un compte rendu de l'entretien du 7 juin 2011 ainsi que d'un document établi conjointement par le directeur de l'UFR et par la supérieure hiérarchique de Mme B..., explicitant de manière circonstanciée les griefs de l'administration à son endroit, relativement à sa manière de servir, à l'organisation de son travail, à son sens insuffisant du service public, à son absence de motivation réelle et à l'insuffisance de manifestation de qualités personnelles et relationnelles nécessaires à l'exercice de fonctions d'accueil et à la tenue d'un poste de secrétariat pédagogique ; que ce rapport indiquait les dysfonctionnements consécutifs à ces défaillances ressenties par les responsables administratifs, les enseignants et les étudiants de l'université ;
10. Considérant que la circonstance que ce document ait, le cas échéant, été établi postérieurement à la décision de non-renouvellement en litige est sans incidence, dès lors que le non-renouvellement du contrat d'un agent public peut intervenir sans que ce dernier ait été mis à même de prendre connaissance de son dossier ; que MmeB..., qui ne conteste pas la matérialité des griefs que comporte ce document, lesquels ne sont pas étrangers à l'intérêt du service, n'est fondée, ni à se prévaloir de l'appréciation qui aurait été portée sur sa manière de servir au cours des années universitaires antérieures à celle du contrat qui n'a pas été reconduit, ni à soutenir que le rattachement du poste qu'elle occupait aux emplois de catégorie C la dispensait de faire preuve de l'organisation, de la disponibilité et du sens de l'accueil attendus d'une secrétaire pédagogique ;
11. Considérant, en deuxième lieu, que Mme B...invoque l'irrégularité dont serait entachée la convention du 5 janvier 2010 signée par l'université de Bretagne Sud avec l'Association Médicale Inter Entreprises du Morbihan (A.M.I.E.M), aux fins de faire bénéficier les agents de l'université des services de médecine de prévention ; que toutefois les vices de procédure dont serait entachée la procédure de passation de cette convention sont, à les supposer constitués, sans lien avec la décision prise par le président de l'université de ne pas renouveler le contrat d'agent public de MmeB... ;
12. Considérant, enfin, que Mme B...invoque la circonstance qu'elle n'a pu obtenir immédiatement un rendez-vous auprès du médecin de prévention de l'université, alors qu'une intervention précoce de ce praticien aurait selon elle permis d'envisager une solution et d'éviter ainsi l'absence de renouvellement de son contrat ;
13. Considérant, d'une part, qu'il est constant que Mme B...n'a pu obtenir immédiatement de rendez-vous auprès du médecin de prévention en raison du fait que l'université ne l'avait pas inscrite sur la liste communiquée à l'A.M.I.E.M et, d'autre part, qu'il n'est pas contesté qu'elle n'avait pas le libre choix de son médecin en la matière ;
14. Considérant, toutefois, qu'il ne résulte pas des pièces du dossier que Mme B...aurait sollicité un rendez-vous auprès de la médecine du travail avant le 27 juin 2011, soit après avoir été informée, à l'occasion d'un entretien le 7 juin 2011 avec le directeur de son département de rattachement, de la décision de l'université de ne pas renouveler son contrat ; que, dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un rendez-vous accordé immédiatement auprès du médecin de prévention, lequel n'a au demeurant entamé aucune démarche auprès de l'employeur de la requérante, aurait permis d'envisager la poursuite des relations contractuelles ;
15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...ne justifie pas que la décision de non-renouvellement qu'elle conteste procéderait d'un harcèlement moral à son encontre ou aurait été prise pour des raisons étrangères à l'intérêt du service ; que ses conclusions à fin d'annulation ne peuvent qu'être rejetées ;
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :
16. Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée " ; qu'il est constant que MmeB..., qui n'a adressé à l'université de Bretagne Sud aucune demande indemnitaire, n'a fait naître aucune décision de rejet qu'elle serait recevable à attaquer, en application des dispositions précitées, devant le juge administratif ; que l'université de Bretagne Sud qui n'a défendu au fond, en première instance, qu'à titre subsidiaire, est fondée à soutenir que les conclusions indemnitaires présentées par Mme B...directement au juge, qui sont irrecevables, ne peuvent qu'être rejetées ;
17. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
18. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'université de Bretagne Sud, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, la somme que demande Mme B...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B...le versement à l'université de Bretagne Sud d'une somme au même titre ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'intervention du syndicat Sud éducation 56 est admise.
Article 2 : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par l'université de Bretagne Sud au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B..., à l'université de Bretagne Sud et au syndicat Sud éducation 56.
Délibéré après l'audience du 18 novembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- M. Mony, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 décembre 2016.
Le rapporteur,
J. FRANCFORTLe président,
H. LENOIR
Le greffier,
C. GOY
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N° 15NT01653