Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 juin 2021, le ministre de l'intérieur demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Nantes.
Le ministre de l'intérieur soutient que :
- la demande de visa de Mme B... présente un risque de détournement de l'objet du visa ;
- les ressources de l'intéressée ne peuvent être considérées comme garantissant le financement de son séjour et de son retour dans son pays de résidence ;
- la décision contestée ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 août 2021, Mme A... B..., représentée par Me Blanc, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur ne sont pas fondés.
Mme B... a été maintenue de plein droit au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 juillet 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Buffet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 12 avril 2021, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de Mme B..., la décision du 22 juillet 2020 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours, dirigé contre la décision du 30 décembre 2019 de l'autorité consulaire française à Oran (Algérie) lui refusant la délivrance d'un visa d'entrée et de court pour visite familiale. Le ministre de l'intérieur relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Pour rejeter la demande de visa, la commission de recours s'est fondée, d'une part, sur ce que Mme B... ne justifiait pas de ressources personnelles pour garantir le financement de son séjour et de son retour dans son pays de résidence, les ressources de la personne qui l'héberge et qui s'est engagée à prendre en charge ses frais de séjour au cas où elle n'y pourvoirait pas étant insuffisantes et, d'autre part, sur l'existence d'un risque de détournement du visa à des fins migratoires.
3. L'administration peut, indépendamment d'autres motifs de rejet tels que la menace pour l'ordre public, refuser la délivrance d'un visa, qu'il soit de court ou de long séjour, en cas de risque avéré de détournement de son objet, lorsqu'elle établit que le motif indiqué dans la demande ne correspond manifestement pas à la finalité réelle du séjour de l'étranger en France. Elle peut à ce titre opposer un refus à une demande de visa de court séjour en se fondant sur l'existence d'un risque avéré de détournement du visa à des fins migratoires.
4. Il ressort des pièces du dossier que la mère de Mme B... a obtenu, le 3 mai 2019, la nationalité française et que ses deux jeunes frères l'ont rejointe en France dans le cadre du regroupement familial. Mme B..., née le 10 novembre 1996, qui n'a pu, en raison de ce qu'elle était majeure, bénéficier de cette procédure, est célibataire et poursuit ses études à Oran sans justifier d'une situation professionnelle en Algérie à la date du refus attaqué. La circonstance qu'elle travaille depuis le mois d'octobre 2021 est sans incidence sur la légalité de la décision litigieuse, qui s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise. Il n'est pas contesté que Mme B... ne dispose plus d'attaches familiales dans son pays et qu'elle a fait part de son souhait de poursuivre ses études en France. Si Mme B... fait valoir que l'un de ses deux frères était décédé en avril 2019 et qu'elle souhaite rencontrer les membres de famille résidant en France pour les soutenir, il ressort des pièces du dossier que la demande de visa de l'intéressée a été effectuée plusieurs mois après le décès et que sa famille s'est rendue en Algérie au cours de cette même année, du 20 au 29 octobre 2019. Dans ces conditions, eu égard à la situation de Mme B..., le motif tiré de l'existence d'un risque avéré de détournement du visa à des fins migratoires n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. Il résulte par ailleurs de l'instruction que la commission aurait pris la même décision de rejet si elle s'était fondée sur ce seul motif. Ainsi c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes s'est fondé sur l'absence de risque avéré de détournement du visa à des fins migratoires pour annuler la décision contestée.
5. Il appartient, toutefois, à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... devant le tribunal administratif de Nantes et devant la cour.
6. Il ressort des pièces du dossier que la mère et le frère de Mme B... sont en mesure, ainsi qu'ils l'ont fait à plusieurs reprises, de lui rendre visite en Algérie. Par suite, au regard de la nature du visa sollicité, qui en l'espèce ne porte que sur un court séjour, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect d'une vie privée et familiale normale et méconnaîtrait ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 22 juillet 2020 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé par Mme B... contre la décision du 30 décembre 2019 de l'autorité consulaire française à Oran lui refusant la délivrance d'un visa d'entrée et de court pour visite familiale.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 12 avril 2021 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Nantes et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme A... B....
Délibéré après l'audience du 21 février 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président,
- Mme Buffet, présidente-assesseure,
- M. Frank, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 mars 2022.
La rapporteure,
C. BUFFETLe président,
J. FRANCFORT
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT01570