Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 24 septembre et 9 novembre 2019, M. B..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler les décisions des autorités diplomatiques françaises au Togo et de la commission de recours ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. B... soutient que :
- le lien de filiation est établi par les actes d'état civil produits qui sont authentiques et par la possession d'état ;
- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juin 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 24 juillet 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation la décision du 24 octobre 2018 des autorités diplomatiques françaises au Togo et la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France rejetant la demande de visa d'entrée et de long séjour en France présentée pour Ayélé Nely B.... M. B... relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation des décisions des autorités diplomatiques françaises au Togo et de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France :
En ce qui concerne la décision du 24 octobre 2018 des autorités diplomatiques françaises au Togo :
2. M. B... ne conteste pas l'irrecevabilité qui a été opposée par les premiers juges aux conclusions de sa demande dirigées contre cette décision. Il suit de là que ces conclusions de sa requête tendant à l'annulation de cette décision ne peuvent qu'être rejetées.
En ce qui concerne la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France :
3. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".
4. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
5. M. B..., ressortissant togolais né le 12 juin 1971, est entré régulièrement en France le 13 avril 2001. Il est titulaire d'une carte de résident. Le 27 juillet 2017, le préfet des Yvelines a autorisé l'introduction en France d'Ayélé Nely B..., née le 14 avril 2001, au titre de la procédure de regroupement familial. La commission de recours a refusé de délivrer le visa sollicité en raison du caractère frauduleux de l'acte de naissance produit pour établir le lien de filiation entre cette dernière et M. B....
6. Pour justifier du lien de filiation, M. B... a présenté, à l'appui de la demande de visa, l'acte de naissance n° 924 du 3 mai 2001 d'Ayélé Nely B..., établi sur la base de la déclaration de naissance faite par son grand-père, Ayayi B..., en l'absence de l'intéressé qui se trouvait alors en France, et qui mentionne, notamment, M. A... B... comme étant son père. Le ministre a fait valoir, en première instance, que cet acte n'était pas authentique en ce qu'il a été pris en méconnaissance des articles 3, 74 et 202 du code des personnes et de la famille togolais, le mariage coutumier des parents de Mme E... B... étant sans effet légal de sorte que l'établissement de la filiation de l'intéressée à l'égard de son père, dont la naissance n'a pas été déclarée par ce dernier, ne pouvait résulter que d'une reconnaissance de paternité. Toutefois, M. B... verse en appel un jugement du 28 août 2019 du tribunal de première instance de Lomé dont il ressort qu'en vertu de l'article 18 alinéa 2 de la loi du 10 juin 2009 portant organisation de l'état civil au Togo, la déclaration de naissance incombe à l'un des parents et à défaut, à toute personne autorisée par l'un des parents, que la déclaration de naissance, faite en l'absence de M. A... B..., ne remet en cause ni la régularité de l'acte de naissance, ni la paternité de l'enfant dès lors que le nom du père y est mentionné et que l'article 202 alinéa 4 du code des personnes et de la famille stipule que la reconnaissance résulte aussi de la déclaration de naissance dans laquelle le père a pris cette qualité. Ce jugement, dont le ministre ne conteste pas autrement la régularité qu'en faisant état de ce qu'il a été rendu le jour même de sa requête et, de façon opportune, postérieurement au jugement attaqué du tribunal administratif de Nantes, précise qu'il est établi que M. A... B... a pris la qualité du père sur l'acte de naissance et qu'il lui est donné acte de ce qu'il est le père de l'enfant E... B..., ainsi qu'il résulte de l'acte de naissance n° 924 du 3 mai 2001. Dans ces conditions, en estimant que le lien de filiation entre M. B... et l'enfant E... B... n'était pas établi, la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a fait une inexacte application des dispositions précitées.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'un visa de long séjour soit délivré à Ayélé Nely B.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer un tel visa dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B... de la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 24 juillet 2019 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté la demande de visa d'entrée et de long séjour en France présentée pour Ayélé Nely B... est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à Ayélé Nely B... un visa de long séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions de la requête de M. B... sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 22 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- Mme C..., présidente-assesseur,
- M. Bréchot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 février 2021.
Le rapporteur,
C. C...Le président,
T. CELERIER
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT03805