2°) d'annuler l'arrêté du préfet du 27 juin 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai de 7 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au profit de Me C...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. B...soutient que :
- le jugement attaqué n'a pas respecté le principe du contradictoire ;
- le magistrat désigné a fait usage de pièces communiquées par le préfet après clôture d'instruction sans communiquer ces pièces au requérant ;
- il n'a pas été porté à sa connaissance lors de son audition le 21 juin 2018 par la police aux frontières qu'une mesure d'éloignement était susceptible d'être prononcée à son encontre ;
- la procédure suivie à son encontre est irrégulière faute d'avoir respecté son droit d'être entendu ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen complet de sa situation personnelle en indiquant qu'il était dépourvu de tout document d'identité ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'état-civil sous lequel il se présente est véridique et il en justifie par les pièces qu'il produit.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juin 2019, le préfet de la Manche conclut au rejet de la requête.
Le préfet fait valoir que ni le principe du contradictoire ni le droit d'être entendu de M. B...n'ont été méconnus et qu'aucun des moyens d'annulation soulevés par le requérant n'est fondé.
Un mémoire présenté M. B..., représenté par MeC..., a été enregistré le 14 juin 2019 et n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Mony a été entendu au cours de l'audience publique.
Une production de pièces, enregistrée le 3 juillet 2019, a été présentée par le préfet de la Manche.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., ressortissant malien, a déclaré être entré en France le 10 avril 2018. Indiquant être mineur et ayant été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance, il a cependant, en raison d'un doute sur son âge réel, été convié à passer différents examens médicaux qui ont été menés le 4 juin 2018. Ces examens ont montré que l'âge réel de M. B... se situait entre 19 ans, selon les tests osseux, et 22 ans, selon les radios dentaires. Le service départemental de l'aide à l'enfance de la Manche a alors saisi le procureur de la République d'une plainte, ce qui a donné lieu à une audition de l'intéressé par la police aux frontières le 21 juin 2018. Le préfet de la Manche, par un arrêté du 27 juin 2018, a prononcé une obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours à l'encontre de l'intéressé. M. B...relève appel du jugement en date du 21 août 2014 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort des pièces du dossier que le mémoire en défense du préfet de la Manche a été enregistré le 14 août 2018 au greffe du tribunal administratif de Caen, à 11h39, après que le magistrat désigné a prononcé la clôture de l'audience s'étant tenue ce même jour, à 11h23. Il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que le magistrat désigné du tribunal administratif a fondé sa décision sur plusieurs des pièces jointes ayant accompagné le mémoire en défense du préfet, pièces qui n'ont pas été communiqués à M. B... et sur lesquelles celui-ci n'a donc pas pu faire valoir d'observations. Dans ces conditions, le jugement attaqué, faute d'avoir respecté le principe du contradictoire, est de ce fait irrégulier et doit être annulé.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Caen.
Sur les conclusions en annulation :
4. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union ". Aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ".
5. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que les dispositions de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne s'adressent non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant.
5. Toutefois, il résulte également de la jurisprudence de la Cour de Justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. B...a fait l'objet d'une convocation auprès des services de la Police aux frontières de Cherbourg, fixée au 21 juin 2018, dans le cadre d'une suspicion de fausse déclaration aux fins d'obtenir une prestation sociale indue. Le procès-verbal de l'audition de l'intéressé démontre que l'administration n'y a jamais mentionné l'éventualité que M. B...puisse, à l'issue de l'audition, faire l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français. Il n'a ainsi jamais été mis à même de pouvoir présenter d'éventuelles observations vis-à-vis d'une telle mesure, n'ayant pas été informé que le préfet de la Manche envisageait de lui faire obligation de quitter le territoire français. L'arrêté contesté méconnaît ainsi, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le droit d'être entendu, tel qu'énoncé au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et doit, de ce fait, être annulé.
7. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 27 juin 2018 du préfet de la Manche.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
8. Eu égard au motif de l'annulation prononcée, le présent arrêt n'implique pas nécessairement la délivrance d'un titre de séjour à M.B..., mais seulement le réexamen de sa situation. Il y a donc lieu de prescrire au préfet de la Manche de se prononcer de nouveau, dans le délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt, sur la situation de l'intéressé. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
9. M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à Me C...dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Caen du 21 août 2018 et l'arrêté du 27 juin 2018 du préfet de la Manche sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Manche de procéder à un nouvel examen du dossier de M. B...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me C...une somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Article 4: Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Manche.
Délibéré après l'audience du 28 juin 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Dussuet, président,
- M. Degommier, président assesseur,
- M. Mony, premier conseiller,
Lu en audience publique le 19 juillet 2019.
Le rapporteur,
A. MONY
Le président,
J-P. DUSSUET
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 18NT03532 2