Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 21 janvier et 2 avril 2021, Mme A..., représentée par Me Pollono, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision de la commission de recours ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité B... un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, subsidiairement, de réexaminer la demande B... les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991
Mme A... soutient que :
- la procédure suivie est entachée d'irrégularité ; la commission ne peut être réputée avoir pris la décision contestée B... une composition conforme alors que c'est le président de la commission qui expose les motifs de rejet et qu'il n'a pas compétence pour ce faire ; la commission ne s'est manifestement pas réunie ; le président de la commission de recours n'était donc pas compétent pour lui communiquer les motifs de la décision implicite contestée ; la décision contestée est insuffisamment motivée ;
- sa demande n'a pas fait l'objet d'un examen sérieux ;
- le lien de filiation est établi par les actes d'état civil produits qui sont authentiques et par la possession d'état ; la décision contestée est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- sa demande était complète, il ne pouvait lui être réclamé un jugement relatif à l'autorité parentale ;
- l'exigence relative à une délégation de l'autorité parentale est illégale ; l'accord formalisé de l'autre parent doit suffire ;
- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle n'a pu bénéficier d'un droit au recours effectif garanti par l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.
Par un mémoire en défense enregistré le 23 mars 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 février 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Buffet,
- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,
- et les observations de Me Pollono, pour Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 23 novembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme A..., ressortissante guinéenne, tendant à l'annulation de la décision implicite née le 7 décembre 2019 par laquelle la commission de recours contre les décisions de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre la décision du 14 août 2019 des autorités consulaires françaises à Conakry (Guinée) refusant de délivrer un visa d'entrée et de long séjour à Lansana F... en qualité de membre de famille de bénéficiaire de la protection subsidiaire. Mme A... relève appel de ce jugement.
2. En premier lieu, et d'une part, aux termes de l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, transféré à l'article D. 312-3 : " Une commission placée auprès du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l'immigration est chargée d'examiner les recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. La saisine de cette commission est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier. ". Aux termes de l'article D. 211-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, transféré à l'article D. 312-5 : " Le président de la commission est choisi parmi les personnes ayant exercé des fonctions de chef de poste diplomatique ou consulaire. (...) Le président et les membres de la commission sont nommés par décret du Premier ministre pour une durée de trois ans. (...). ". Aux termes de l'article D. 211-9 du même code, alors en vigueur, transféré à l'article D. 312-7 : " La commission peut soit rejeter le recours, soit recommander au ministre des affaires étrangères et au ministre chargé de l'immigration d'accorder le visa demandé. / Le président de la commission peut rejeter, sans réunir la commission, les recours manifestement irrecevables ou mal fondés. ".
3. Il ne résulte pas de ces dispositions, ni d'aucune autre disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou d'un autre texte, que, sauf B... le cas prévu par les dispositions précitées du second alinéa de l'article D. 211-9, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France serait tenue de se réunir pour statuer par décision expresse sur un recours formé devant elle.
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 231-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Le silence gardé pendant deux mois par l'administration sur une demande vaut décision d'acceptation. " Aux termes de l'article L. 231-4 du même code : " Par dérogation à l'article L. 231-1, le silence gardé par l'administration pendant deux mois vaut décision de rejet : / (...) 2° Lorsque la demande (...) présente le caractère d'une réclamation ou d'un recours administratif ". En vertu de ces dispositions, le silence gardé par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France pendant deux mois vaut décision de rejet du recours dont elle est saisie.
5. Aux termes de l'article L. 232-4 de ce code : " Une décision implicite intervenue B... les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée B... les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués B... le mois suivant cette demande. B... ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués. ".
6. Il ressort des pièces du dossier que, par lettre du 3 février 2020, notifiée à la requérante B... le mois suivant sa demande, présentée le 22 janvier 2020, le président de la commission de recours a communiqué les motifs de la décision implicite de rejet litigieuse, née du silence gardé par la commission sur son recours administratif préalable. Si Mme A... soutient que la commission " ne s'est manifestement pas réunie " et qu'elle ne peut être " réputée avoir pris la décision contestée B... une composition conforme (...) alors que c'est le président de la commission qui expose les motifs de rejet et (...) qu'il n'a pas compétence pour ce faire ", un tel moyen ne peut être utilement invoqué à l'encontre de cette décision implicite. En outre, et en tout état de cause, par un décret du 8 mars 2019, régulièrement publié au journal officiel de la République française le 10 mars suivant, M. C... G..., qui a été reconduit B... les fonctions de président de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, pour une durée de trois ans à compter du 2 avril 2019, était compétent pour répondre, ainsi qu'il l'a fait le 3 février 2020, à la demande de communication des motifs de la décision implicite de cette commission. Compte tenu de ce qui précède, le moyen tiré de l'absence de motivation de la décision contestée doit être écarté.
7. En deuxième lieu, Mme A... ne peut utilement invoquer, à l'encontre de la décision implicite litigieuse, le moyen tiré de ce que la décision contestée serait entachée d'un défaut d'examen de la situation personnelle du demandeur de visa.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " I.- Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié (...) peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : 1° Par son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est antérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile ; / 2° Par son concubin, âgé d'au moins dix-huit ans, avec lequel il avait, avant la date d'introduction de sa demande d'asile, une vie commune suffisamment stable et continue ; / 3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans. (...) L'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite. / II.- Les articles L. 411-2 à L. 411-4 et le premier alinéa de l'article L. 411-7 sont applicables. (...) ". L'article L. 411-2, alors en vigueur, de ce code dispose : " Le regroupement familial peut également être sollicité pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et ceux de son conjoint dont, au jour de la demande, la filiation n'est établie qu'à l'égard du demandeur ou de son conjoint ou dont l'autre parent est décédé ou déchu de ses droits parentaux. ". L'article L. 411-3, alors en vigueur, du même code prévoit : " Le regroupement familial peut être demandé pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et ceux de son conjoint, qui sont confiés, selon le cas, à l'un ou l'autre, au titre de l'exercice de l'autorité parentale, en vertu d'une décision d'une juridiction étrangère. Une copie de cette décision devra être produite ainsi que l'autorisation de l'autre parent de laisser le mineur venir en France. ".
9. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des
étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée B... les conditions définies par l'article 47 du code civil (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil, B... sa rédaction alors applicable : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé B... les formes usitées B... ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. En outre, il n'appartient pas aux autorités administratives françaises, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux, de mettre en doute le bien-fondé d'une décision juridictionnelle étrangère.
10. Il ressort des pièces du dossier que la décision implicite de rejet de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est fondée, notamment, sur ce que le lien de filiation n'était pas établi et sur ce qu'il n'était pas justifié que le père de Lansana F... serait décédé ou qu'il aurait été déchu de des droits parentaux et de son droit de garde de sorte qu'il serait de l'intérêt de l'enfant de rester auprès lui.
11. Pour justifier du lien de filiation, Mme A... a produit un jugement supplétif n° 20301
du 25 août 2016 du tribunal de première instance de Conakry et l'acte de naissance
dressé le 5 septembre 2016 en transcription de ce jugement, figurant sous le numéro 9547 sur les
registres de l'état civil de la commune de Dixinn de la ville de Conakry et mentionnant que Lansana F... est né le 3 novembre 2006 à Conakry de l'union de M. H... F... et de Mme D... A.... La circonstance que le jugement supplétif a été établi tardivement n'est pas, par elle-même, de nature à en démontrer le caractère frauduleux. Si le ministre a soutenu B... ses écritures de première instance, auxquelles il se réfère en appel, que l'audience publique s'est tenue le jour de l'introduction de la requête et que le jugement a été rendu sur le seul fondement des déclarations de deux témoins, en l'absence de levée d'acte auprès du centre d'état civil compétent, cette circonstance ne permet pas davantage d'établir l'existence d'une fraude. En outre, il ressort des pièces du dossier que Mme A... a déclaré de manière constante auprès de l'Office français des réfugiés et des apatrides l'existence de son fils. B... ces conditions, en se fondant sur ce que l'identité et le lien de filiation avec Mme A... du jeune E... F... ne seraient pas établis, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fait une inexacte application des dispositions précitées.
12. Toutefois, il résulte de la combinaison des dispositions précitées de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des dispositions des articles L. 411-2 et L. 411-3, alors en vigueur, du même code, auxquelles le II de l'article L. 752-1 renvoie expressément, que l'enfant du réfugié ou du bénéficiaire de la protection subsidiaire dont l'autre parent ne sollicite pas en même temps que lui un visa de long séjour sur le fondement des dispositions du 1° ou du 2° de cet article a droit à la délivrance d'un visa de long séjour au titre de la réunification familiale pourvu que soient remplies les conditions fixées par les articles L. 411-2 ou L. 411-3. Il s'ensuit que l'enfant souhaitant rejoindre son parent réfugié ou bénéficiaire de la protection subsidiaire sans son autre parent, bénéficie de plein droit de la délivrance d'un visa de long séjour, soit lorsque son autre parent est décédé ou déchu de l'autorité parentale, soit s'il a été confié à son parent réfugié ou bénéficiaire de la protection subsidiaire, ou au conjoint de ce dernier, en exécution d'une décision d'une juridiction étrangère à condition qu'il soit muni de l'autorisation de son autre parent.
13. Ainsi qu'il a été dit, la décision implicite de rejet de la commission de recours est également fondée sur ce qu'il n'est pas justifié que M. H... F..., le père de Lansana F..., dont il n'est pas contesté qu'il a pris en charge son enfant en Guinée au moins jusqu'en 2015, serait décédé ou qu'il aurait été déchu de des droits parentaux et de son droit de garde. Contrairement à ce qui est soutenu, ce motif se rapporte à une condition de fond prescrite par les dispositions précitées et non à l'incomplétude du dossier. Il suit de là que le moyen tiré de ce qu'il ne lui aurait pas, à tort, été demandé au préalable de compléter son dossier sur ce point ne peut qu'être écarté. Par ailleurs, si, en réponse à ce motif de refus qui lui a été opposé, le père de l'enfant a saisi le tribunal de première instance de Kaloum en vue de déléguer à Mme A... l'autorité parentale sur cet enfant, ce jugement n'a été rendu que le 15 janvier 2020, soit postérieurement à la décision contestée. Par suite, et alors même que la requérante a produit une autorisation de sortie du territoire délivrée le 31 janvier 2019, après avoir fait établir, le 17 janvier 2019, un acte notarié portant " délégation parentale ", le moyen tiré de ce que la décision de la commission de recours est entachée d'une erreur de droit ne peut qu'être écarté. Il résulte de l'instruction que la commission aurait pris la même décision si elle s'était fondée sur ce seul motif.
14. En quatrième lieu, compte tenu de ce qui précède, et notamment de la persistance à la date de la décision attaquée de l'autorité parentale détenue par le père de Lansana F..., les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent également être écartés.
15. En dernier lieu, le moyen tiré de ce que son droit à un recours effectif devant une juridiction, protégé par les stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, a été méconnu du fait que le jugement du tribunal de première instance de Kaloum, intervenu postérieurement à la décision contestée, n'aurait pas été pris en compte n'est pas assorti de précision suffisante permettant au juge d'en apprécier le bien-fondé.
16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent par voie de conséquence qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 7 mars 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président de chambre,
- Mme Buffet, présidente-assesseure,
- M. Frank, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 mars 2022.
La rapporteure,
C. BUFFETLe président,
J. FRANCFORT
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT00194