Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 août 2020, M. A..., représenté par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 16 juillet 2020 ;
2°) d'annuler les arrêtés des 29 juin et 30 juin 2020 du préfet du Loiret ;
3°) d'enjoindre au préfet du Loiret de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du délai de 15 jours suivant la notification de la décision à intervenir, et, en tout état de cause, de lui remettre une attestation de demandeur d'asile ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil, une somme de 1500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant transfert aux autorités italiennes :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- il n'est pas établi que les autorités italiennes aient été saisies dans le délai fixé par le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- la décision méconnaît les dispositions de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 relatif au droit à l'information ;
- la décision de remise méconnaît les dispositions de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 relatif à l'entretien individuel ;
- il n'est pas établi que les empreintes relevées étaient bien les siennes ;
- la décision a été prise en méconnaissance des articles 10 et 11 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013.
En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :
- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant transfert aux autorités italiennes.
Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés le 18 septembre 2020 et 19 janvier 2021, le préfet du Loiret conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. A... n'est fondé et indique à la cour que le jugement attaqué n'ayant pas été exécuté dans le délai de 6 mois à compter de sa notification, l'Italie est désormais libérée de son obligation de prise en charge ; il convient, en conséquence, de prononcer un non-lieu s'agissant des conclusions dirigées contre l'arrêté prononçant le transfert de M. A... aux autorités italiennes.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 août 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant ivoirien né le 24 octobre 1986, entré irrégulièrement en France, a présenté une demande d'asile auprès des services de la préfecture du Loiret le 4 mars 2020. La consultation du fichier Eurodac a révélé que ses empreintes avaient été précédemment enregistrées en Italie. Le préfet a sollicité, le 23 avril 2020, la prise en charge de l'intéressé par les autorités de ce pays, lesquelles ont implicitement donné leur accord. Par deux arrêtés des 29 juin et 30 juin 2020, notifiés le 9 juillet 2020, le préfet du Loiret a décidé, d'une part, le transfert de M. A... aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, et, d'autre part, de l'assigner à résidence pour une durée maximale de quarante-cinq jours renouvelable. M. A... relève appel du jugement du 16 juillet 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre l'arrêté de transfert du 29 juin 2020 :
2. D'une part, aux termes de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. /2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ".
3. D'autre part, l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel, ni d'ailleurs le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.
4. Le délai initial de six mois dont disposait le préfet du Loiret pour procéder à l'exécution du transfert de M. A... vers l'Italie a été interrompu par la saisine du magistrat désigné du tribunal administratif d'Orléans. Ce délai a recommencé à courir à compter de la notification à l'administration du jugement du 16 juillet 2020 rendu par ce dernier. Il ressort des pièces du dossier que ce délai n'a pas fait l'objet d'une prolongation et que cet arrêté n'a pas reçu exécution pendant sa période de validité. Par suite, la décision de transfert litigieuse est devenue caduque sans avoir reçu de commencement d'exécution à la date du présent arrêt. La France est donc devenue responsable de la demande d'asile sur le fondement des dispositions du 2 de l'article 29 du règlement n° 604-2013 rappelées ci-dessus. Le litige ayant perdu son objet, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A... tendant à l'annulation du jugement du 16 juillet 2020 qui a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 29 juin 2020 portant transfert vers l'Italie.
Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre l'arrêté du 30 juin 2020 portant assignation à résidence :
5. L'arrêté portant assignation à résidence de M. A... ayant été exécuté et ayant produit des effets, il y a lieu de se prononcer sur sa légalité.
En ce qui concerne l'exception d'illégalité de l'arrêté de transfert :
6. En premier lieu, la décision de transfert contestée se réfère, d'une part, aux articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à la convention de Genève, au règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 et au règlement n° 1560/2003 ainsi qu'aux article L. 742-1 à L. 742-6 et R. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il rappelle, d'autre part, les éléments de fait relatifs à la situation personnelle et familiale de l'intéressé. Sont ainsi mentionnés son entrée irrégulière sur le territoire français, son identification en Italie, l'accord des autorités de ce pays pour le reprendre en charge ainsi que le fait qu'il est célibataire, père de deux enfants, lesquels résident actuellement en Côte d'Ivoire. L'arrêté contesté énonce ainsi de façon suffisante les motifs de droit et les considérations de fait qui lui servent de fondement. Le moyen sera écarté.
7. En deuxième lieu, il ressort des pièces versées au dossier que les autorités italiennes ont été saisies le 23 avril 2020 d'une demande de réadmission de M. A... en application de l'article 18. 1b du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, l'intéressé ayant été identifié en Italie. Cette saisine est intervenue moins de deux mois après le résultat positif issu de la consultation du fichier Eurodac obtenu le 4 mars 2020 confirmant sa présence en Italie le 3 mars 2017. Les autorités italiennes n'ayant pas donné leur accord dans le délai imparti, une décision d'accord est ainsi réputée avoir été adoptée en application des dispositions de l'article 25§2 du même règlement du 26 juin 2013. Ces autorités ont d'ailleurs été informées de leur accord implicite le 13 mai 2020. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que les autorités italiennes n'auraient pas été saisies dans le délai fixé par le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Le moyen sera écarté.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 visé ci-dessus : " Droit à l'information /1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment: /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée; /b) des critères de détermination de l'État membre responsable (...); /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 (...) ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert;/e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune (...). Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les États membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux États membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. / 3. Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article ".
9. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations, l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature de ces informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 citées au point précédent constitue pour le demandeur d'asile une garantie.
10. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est vu remettre, le 4 mars 2020, lors de l'enregistrement de sa demande d'asile dans les services de la préfecture, et à l'occasion de son entretien individuel, les brochures A et B, en langue française qu'il a déclaré comprendre, brochures conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, qui contiennent l'ensemble des informations prescrites par les dispositions précitées ainsi que les informations utiles prévues par l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'administration l'aurait privé d'une garantie au motif que l'information qui lui a été donnée par les services préfectoraux l'aurait été tardivement. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à l'information du demandeur d'asile énoncé à l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.
11. En quatrième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. (...) ".
12. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a bénéficié de l'entretien individuel mentionné par les dispositions précitées, qui s'est déroulé le 4 mars 2020 à la préfecture du Loiret. Aucun élément du dossier ne démontre que cet entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national et dans des conditions qui n'en auraient pas garanti la confidentialité. En outre, il résulte des termes du compte-rendu de cet entretien, qui a été signé par l'agent habilité et conduit en français, langue comprise par M. A..., que l'intéressé a pu, à cette occasion, faire valoir ses observations. Par ailleurs, le requérant ne fait état d'aucun élément, ni d'aucune circonstance particulière tenant au déroulement de cet entretien de nature à démontrer que celui-ci aurait été mené en l'absence des garanties prévues par les dispositions précitées. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.
13. En cinquième lieu, il ressort des pièces versées du dossier que le jour de l'enregistrement de sa demande d'asile, le 4 mars 2020, les empreintes de M. A... ont effectivement été relevées et qu'après consultation du fichier Eurodac, ce relevé a permis de confirmer que M. A... avait déjà été identifié en Italie le 3 mars 2017. Le moyen sera écarté.
14. En sixième lieu, M. A... soutient que sa demande de protection internationale doit, en application des articles 10 et 11 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, être examinée par les autorités françaises en raison de la présence de sa concubine, Mme E..., et de sa fille en France. Il ressort des pièces versées au dossier, d'une part, que M. A... a déclaré lors de son entretien individuel du 4 mars 2020, être célibataire et père de deux enfants, résidant actuellement en Côte d'ivoire et, d'autre part, que Mme E..., qui a alors au demeurant déclaré être célibataire, a déposé sa demande d'asile le 27 juillet 2020, soit postérieurement à la notification de l'arrêté de transfert contesté. Les éléments du dossier ne permettent pas d'établir l'existence et le maintien d'une relation réelle et effective entre le requérant et Mme E.... Le moyen sera écarté.
15. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 14 que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision de transfert aux autorités italiennes contre l'arrêté l'assignant à résidence. Le requérant ne soulevant à l'encontre de cet arrêté que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de l'arrêté du 29 juin 2020 décidant de son transfert aux autorités italiennes, ses conclusions dirigées contre la décision l'assignant à résidence doivent être rejetées.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 juin 2020 l'assignant à résidence.
Sur les frais d'instance :
17. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que doivent être rejetées les conclusions du requérant aux fins d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. A... tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif d'Orléans du 16 juillet 2020 en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 29 juin 2020 par lequel le préfet du Loiret a décidé son transfert aux autorités italiennes.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée pour information au préfet du Loiret.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. C..., président assesseur,
- Mme B..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er juin 2021.
Le rapporteur
O. C...Le président
O. GASPON
La greffière
P. CHAVEROUX
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20NT02469 2