Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 janvier 2021, Mme B..., représentée par Me Perrot, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 13 janvier 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2020 du préfet de Maine-et-Loire décidant de son transfert aux autorités allemandes ;
3°) d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2020 du préfet de Maine-et-Loire l'assignant à résidence ;
4°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans les meilleurs délais ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
S'agissant de l'arrêté de transfert :
- la décision portant transfert aux autorités allemandes méconnaît les dispositions des articles 4 et 5 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relatifs respectivement au droit à l'information et à l'entretien individuel ainsi que les dispositions de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision est entachée d'une erreur de fait, dès lors que le préfet ne justifie pas du critère lui permettant de désigner l'Allemagne comme le pays responsable de la demande d'asile en litige ; elle méconnaît dès lors les articles 7 et 3§2 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- la décision portant transfert aux autorités allemandes est entachée d'un défaut d'examen du risque de violation " par ricochet " des articles 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant transfert aux autorités allemandes est entachée d'un défaut d'examen de sa situation au regard de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et est, en conséquence, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
S'agissant de l'arrêté l'assignant à résidence :
- il est illégal du fait de l'illégalité de l'arrêté de transfert aux autorités allemandes.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mars 2021, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par un courrier du 18 août 2021, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public tiré du non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête à fin d'annulation de la décision de transfert en raison de l'expiration du délai de six mois prévu au 1 de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.
Des observations en réponse à ce moyen, enregistrées le 24 août 2021, ont été produites par le préfet de Maine-et-Loire qui précise que Mme B... a été transférée le 22 mars 2021.
Des observations en réponse à ce moyen, enregistrées le 26 août 2021, ont été produites par Mme B... qui maintient ses conclusions aux fins d'annulation.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 modifiant le règlement (CE) n° 1560/2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Coiffet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante érythréenne née le 6 juillet 1972, est entrée irrégulièrement en France le 4 août 2020. Sa demande d'asile a été enregistrée le 14 septembre 2020 par les services de la préfecture de la Loire-Atlantique. Les recherches entreprises sur le fichier Eurodac ont révélé que la requérante était déjà connue des autorités norvégiennes, suédoises et allemandes, qui avaient enregistré ses empreintes respectivement les 26 juillet 2011, 4 octobre 2013 et 22 mars 2016. Le 14 octobre 2020, les autorités norvégiennes, suédoises et allemandes ont été saisies de demandes de reprise en charge de l'intéressée. Les autorités norvégiennes et suédoises ont refusé d'accéder à ces demandes. En revanche, les autorités allemandes ont accepté le 19 octobre 2020 de reprendre en charge l'intéressée en application de l'article 18-1 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Par deux arrêtés du 7 décembre 2020, le préfet de Maine-et-Loire a ordonné le transfert de Mme B... en Allemagne et l'a assignée à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de ces deux arrêtés. Elle relève appel du jugement du 13 janvier 2021 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur la légalité de la décision de transfert :
2. En premier lieu, aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.
3. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait cru lié par la compétence des autorités allemandes ou n'aurait pas procédé à un examen complet et rigoureux de la situation de la requérante et des conséquences de sa réadmission en Allemagne, au regard en particulier des garanties exigées par le respect du droit d'asile et par le respect de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. D'autre part, la requérante ne démontre pas davantage en appel qu'en première instance qu'elle serait personnellement exposée en Allemagne à des risques de traitements inhumains ou dégradants, alors que ce pays est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Si la requérante fait état de risques de persécution en cas de retour dans son pays d'origine, la seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par l'Allemagne l'intéressée serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 17 du même règlement : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. Le préfet de Maine et Loire a, aux termes des motifs de l'arrêté portant transfert de l'intéressée, examiné les conditions de son parcours depuis qu'elle a quitté son pays d'origine, ainsi que sa situation familiale et son état de santé, en relevant qu'elle ne produisait aucun justificatif médical des troubles indiqués et en a conclu que Mme B... ne présentait pas un état de vulnérabilité particulière. Il en résulte que le préfet a procédé à l'examen de la situation particulière de l'intéressée et que, par suite, l'arrêté contesté n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
6. En dernier lieu, pour le surplus, Mme B... se borne à reprendre devant le juge d'appel les mêmes moyens que ceux invoqués en première instance sans plus de précisions ou de justifications et sans les assortir d'éléments nouveaux. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le premier juge et tirés de ce que l'arrêté du 7 décembre 2020 décidant son transfert aux autorités allemandes ne méconnaît ni les dispositions des articles 4 et 5 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, ni celles de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'est entaché d'aucune erreur de fait et n'est pas intervenu en méconnaissance des articles 7 et 3§2 du règlement évoqué ci-dessus du 26 juin 2013.
Sur la légalité de la décision d'assignation à résidence :
7. Mme B... n'est pas fondée, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, à exciper de l'illégalité de la décision de transfert à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision l'assignant à résidence. L'intéressée ne soulevant aucun moyen tiré des vices propres de l'arrêté portant assignant à résidence, ses conclusions aux fins d'annulation de cet arrêté ne peuvent qu'être rejetées.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Dès lors, sa requête, y compris les conclusions relatives aux frais liés à l'instance, doit être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée pour information au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 octobre 2021.
Le rapporteur, Le président,
O. COIFFET O. GASPON
La greffière,
P. CHAVEROUX
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21NT00179 2
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