Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 juillet 2020, Mme D..., représentée par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 10 mars 2020 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 20 février 2020 ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, au préfet de Maine-et-Loire de reconnaître l'Etat français comme responsable de sa demande d'asile, de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile et de lui transmettre le formulaire de demandeur d'asile dans le délai de cinq jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le magistrat désigné a omis de se prononcer sur le défaut de production de l'arrêté de nomination de Mme B... ;
- aucun élément ne permet d'établir que la décision contestée portant transfert a été signée par une autorité compétente ; seul le préfet ou un membre du pôle régional Dublin peuvent signer ces décisions, or Mme B... n'est pas affectée dans ce service ; en vertu de l'article 43 du décret du 29 avril 2004 l'arrêté de délégation doit viser l'arrêté de nomination de la personne qui reçoit la délégation ;
- cette décision est contraire aux stipulations de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 ; l'information visée par ces dispositions lui a été délivrée à la fin de son entretien au Guda de sorte qu'elle n'a pas été en mesure de faire part de ses problèmes de santé ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 5 du même règlement ; il ne justifie ni de la compétence de l'agent qui a conduit l'entretien, ni de celle de l'interprète ; l'entretien n'a pas été mené sérieusement en toute confidentialité ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 compte tenu de la situation sanitaire en Europe ;
- l'illégalité de la décision de transfert entache d'illégalité l'arrêté portant assignation à résidence ;
- cette décision a été prise par une autorité incompétente ;
- cet arrêté est insuffisamment motivé notamment en ce qui concerne son obligation de pointage à la gendarmerie ;
- la décision portant assignation à résidence est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- cette décision est dépourvue de base légale en ce qu'elle l'oblige à se présenter au commissariat avec ses effets personnels ; elle méconnaît le principe de sécurité juridique.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 septembre 2020, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il indique que l'intéressée doit être regardée comme étant en fuite de sorte que la validité de la décision de transfert est prolongée jusqu'au 10 septembre 2021 et soutient, en outre, que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;
- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., ressortissante azerbaïdjanaise, relève appel du jugement du 10 mars 2020 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 février 2020 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités lettones, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que de l'arrêté du même jour l'assignant à résidence dans le département de la Vendée.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a jugé que la requérante n'apportait aucun élément susceptible de constituer une présomption sérieuse de nature à établir que Mme B..., signataire des décisions contestées, n'aurait pas été régulièrement nommée à la préfecture de Maine-et-Loire dans des fonctions lui permettant de recevoir délégation du préfet dans les conditions prévues au 3° de l'article 43 du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements. Il a ainsi entendu écarter le moyen tiré de ce que la décision portant nomination de l'intéressée n'aurait pas été visée dans l'arrêté du 23 janvier 2020 lui accordant une délégation de signature. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif aurait omis de répondre à ce moyen et que, par suite, le jugement attaqué serait irrégulier à raison de ce motif.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne l'arrêté de transfert aux autorités lettones :
3. En premier lieu, Mme E... B..., directrice de l'immigration et des relations avec les usagers à la préfecture de Maine-et-Loire, service auquel est rattaché le pôle régional " Dublin ", a reçu du préfet de ce département, par un arrêté du 23 janvier 2020, publié le 29 janvier suivant au recueil des actes administratifs de la préfecture, une délégation à l'effet de signer notamment les décisions relevant de la procédure Dublin III, dont les arrêtés de transfert et les arrêtés portant assignation à résidence. Aucune disposition législative ou réglementaire, et notamment pas celles de l'article 43 du décret du 29 avril 2004, n'impose que cet arrêté vise la nomination de l'agent bénéficiaire de cette délégation. Par suite, les moyens tirés de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté et de la violation de ces dernières dispositions manquent en fait et ne peuvent qu'être écartés.
4. En deuxième lieu, Mme D..., qui ne démontre pas davantage devant la cour qu'en première instance les insuffisances prétendues des compétences de l'interprète professionnel auquel l'administration a eu recours, se borne à reprendre en appel, sans apporter d'élément nouveau de fait ou de droit, les moyens invoqués en première instance tirés de ce que l'arrêté de transfert aux autorités lettones méconnait les dispositions des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".
6. Si lors de son entretien individuel, Mme D... a indiqué souffrir de sclérose en plaques, de troubles psychologiques, de maladies cardio-vasculaires et d'une douleur au niveau de la colonne vertébrale, les documents qu'elle produit ne révèlent cependant qu'une bronchite aiguë soignée le 13 décembre 2019, une anxiété évoluant depuis 2017 ainsi que des rachialgies diffuses avec protrusion discales multiples et ne démontrent pas que ces pathologies feraient obstacle à son transfert vers la Lettonie. Par ailleurs, l'intéressée n'établit pas qu'elle présenterait une vulnérabilité particulière en invoquant la situation sanitaire en Europe au regard de l'épidémie actuelle de la Covid-19. Enfin, les circonstances que la fille de la requérante ainsi que son gendre, qui font également l'objet d'arrêtés de transfert du même jour, sont entrés en France avec elle, qu'ils bénéficient chacun d'une promesse d'embauche, qu'ils suivent des cours de français et que leur fils aîné est scolarisé en France, ne suffisent pas à établir qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et en prononçant son transfert aux autorités lettones, le préfet de Maine-et-Loire aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par suite ce moyen ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :
7. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 3, que la décision contestée portant assignation à résidence de Mme D... a été prise par une autorité compétente.
8. En deuxième lieu, cette décision comporte l'exposé des considérations de droit et de fait qui la fondent. Elle est ainsi suffisamment motivée au regard des exigences des dispositions de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, l'obligation de présentation et de pointage à la gendarmerie, à laquelle un étranger est susceptible d'être astreint sur le fondement des articles R. 561-2 et R. 561-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'a pas à faire l'objet d'une motivation spécifique. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision contestée ne peut qu'être écarté.
9. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu notamment de ce qui a été dit au point 6, que la décision l'obligeant à pointer à la gendarmerie de la Roche-sur-Yon les mardis et jeudis en dehors des jours fériés serait disproportionnée au regard des buts qu'elle poursuit. Par ailleurs, aucun principe, ni aucune disposition législatif ou réglementaire ne s'oppose à ce que le préfet, par application notamment des dispositions de l'article R. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, fixe une plage horaire de présentation de l'intéressée aux services de gendarmerie. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que cette décision, qui ne méconnait pas le principe de sécurité juridique, serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et dépourvue de base légale.
10. En quatrième et dernier lieu, eu égard à ce qui a été dit aux points 3 à 6, la décision de transfert aux autorités lettones n'étant affectée d'aucune des illégalités invoquées par Mme D..., le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, invoqué à l'appui des conclusions dirigées contre la décision d'assignation à résidence, ne peut qu'être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les autres conclusions :
12. Les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par Mme D... et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence du rejet de ses conclusions principales.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête présentée par Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 19 mars 2021 à laquelle siégeaient :
- M. Coiffet, président,
- Mme C..., premier conseiller,
- M. Pons, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 avril 2021.
Le rapporteur,
V. GELARDLe président,
O. COIFFET
La greffière,
P. CHAVEROUX
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT02118