Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 septembre 2020, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler ces arrêtés ;
3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer un récépissé dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification du présent arrêt ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quarante-huit heures, sous astreinte de cent euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué, qui est intervenu en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, est entaché d'irrégularité ;
- la décision ordonnant son transfert aux autorités allemandes méconnaît l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dès lors qu'il n'a reçu le guide du demandeur d'asile et les brochures d'information A et B qu'après le relevé de ses empreintes ; cette remise tardive l'a privé d'une garantie ;
- la décision ordonnant son transfert aux autorités allemandes méconnaît les articles 3, 7 et 13 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 dès lors que c'est l'Italie qui devait être désignée comme responsable de l'examen de sa demande d'asile ;
- la décision d'assignation à résidence, qui l'oblige à se présenter chaque lundi à 8h00 au commissariat central de police de Nantes, n'est ni nécessaire ni adaptée dès lors qu'il ne présente pas de risque de fuite particulier ; elle est dépourvue d'utilité et entachée d'erreur de droit dès lors que l'administration n'organise aucun transfert durant les deux premiers mois ; elle traduit un détournement de procédure permettant une réduction du délai de recours contentieux à l'encontre de la décision de transfert.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 octobre 2020, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'il s'en remet à ses écritures de première instance.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 octobre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen né le 17 mai 1995, relève appel du jugement du 9 septembre 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 5 août 2020 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a décidé de son transfert aux autorités allemandes et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué a été signée par le magistrat désigné et le greffier d'audience, conformément aux prescriptions de l'article R.741-7 du code de justice administrative. Par suite, le moyen tiré pour ce motif de l'irrégularité du jugement attaqué doit être écarté.
Sur la décision de transfert aux autorités allemandes :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; /e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3 (...) 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. ". Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre l'ensemble des éléments d'information prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. La remise de ces éléments doit intervenir en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations. Eu égard à leur nature, la remise par l'autorité administrative de ces informations prévues par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.
4. M. A... soutient qu'il a reçu tardivement, lors de l'enregistrement de sa demande d'asile à la préfecture, l'information prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 alors qu'elle aurait dû lui être délivrée au plus tard lors du recueil des empreintes. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé s'est vu remettre, le 23 juillet 2020, soit le jour même de l'enregistrement de sa demande d'asile en préfecture, le guide du demandeur d'asile en France et les brochures A et B conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la commission du 30 janvier 2014, qui contiennent l'ensemble des informations prescrites par les dispositions précitées, en langue française. Il a indiqué que ces documents lui ont été remis dans une langue qu'il déclare comprendre et que leur contenu lui a été communiqué oralement et qu'il les a comprises. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.
5. En second lieu, en vertu du paragraphe 1 de l'article 3 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013, lorsqu'une demande de protection internationale est présentée, un seul Etat, parmi ceux auxquels s'applique ce règlement, est responsable de son examen. Cet Etat, dénommé Etat membre responsable, est déterminé en faisant application des critères énoncés aux articles 7 à 15 du chapitre III du règlement ou, lorsqu'aucun Etat membre ne peut être désigné sur la base de ces critères, du premier alinéa du paragraphe 2 de l'article 3 de son chapitre II. Si l'Etat membre responsable est différent de l'Etat membre dans lequel se trouve le demandeur, ce dernier peut être transféré vers cet Etat, qui a vocation à le prendre en charge. Lorsqu'une personne a antérieurement présenté une demande d'asile sur le territoire d'un autre Etat membre, elle peut être transférée vers cet Etat, à qui il incombe de la reprendre en charge, sur le fondement des b), c) et d) du paragraphe 1 de l'article 18 du chapitre V et du paragraphe 5 de l'article 20 du chapitre VI de ce même règlement.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., dont les empreintes ont été enregistrées le 2 mars 2017 par les autorités suisses et le 6 mars 2017 par les autorités allemandes, a déclaré lors de l'entretien du 23 juillet 2020 être arrivé sur le territoire des Etats membres par l'Italie puis être passé par la Suisse où il n'a pas sollicité l'asile puis avoir séjourné en Allemagne où il a déposé une demande d'asile qui a fait l'objet d'une décision de rejet. Alors que les autorités suisses ont refusé de le prendre en charge en évoquant le fait que l'Italie avait accepté leur demande de reprise en charge du 30 mai 2017, les autorités allemandes ont donné leur accord pour reprendre en charge le requérant le 3 août 2020 sur le fondement du d du I de l'article 18 du règlement du 26 juin 2013. Il s'ensuit que les autorités allemandes ont estimé que la reprise en charge de M. A..., qui est resté pendant près de trois ans en Allemagne et où sa demande d'asile a été instruite, leur incombait. Si le requérant soutient que l'Italie devait être désignée comme responsable de sa demande d'asile, la responsabilité de cet Etat avait, en application de l'article 13 du règlement, cessé douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière en 2017. Par suite, l'autorité administrative a pu légalement décider de transférer M. A... aux autorités allemandes.
Sur la décision d'assignation à résidence :
7. L'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " I.- L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : / (...) 1° bis Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ; (...) / Les huit derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve que la durée maximale de l'assignation ne puisse excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois pour les cas relevant des 1° et 2° à 7° du présent I, ou trois fois pour les cas relevant du 1° bis (...) ".
8. En premier lieu, si M. A... soutient que la mesure litigieuse n'est ni nécessaire ni proportionnée, il est constant qu'il a fait l'objet d'une décision de transfert qui n'a pas encore été exécutée et que, par suite, il figure au nombre des étrangers à l'égard duquel une mesure d'assignation à résidence est susceptible d'être prise. Il ressort des pièces du dossier que l'exécution de son éloignement, demeurait, à la date de la décision en cause, une perspective raisonnable et que ce dernier présentait des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à cette mesure d'éloignement. L'intéressé n'établit pas qu'il serait dans l'impossibilité de se présenter au commissariat chaque lundi à 8h00. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée ne serait pas nécessaire et proportionnée à l'objectif d'assurer l'exécution de la mesure d'éloignement dont il fait l'objet.
9. En deuxième lieu, la production de statistiques relatives aux délais d'organisation des transferts contraints n'est pas de nature à établir que le préfet aurait, en assignant à résidence M. A..., fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
10. En dernier lieu, le détournement de procédure allégué, consistant à adopter pour l'autorité administrative une décision d'assignation à résidence dans le seul but de réduire le délai de recours contentieux ouvert à l'encontre de la décision de transfert, n'est aucunement établi par les éléments du dossier. Le moyen sera écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par suite, sa requête, y compris ses conclusions relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 19 mars 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Coiffet, président,
- Mme Gélard, premier conseiller,
- Mme B..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 avril 2021.
Le rapporteur,
F. B...Le président,
O. COIFFET
Le greffier,
P. CHAVEROUX
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT03022 2
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