Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 5 janvier et 30 mai 2018, M. C..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes du 5 décembre novembre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Finistère du 10 novembre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Finistère à titre principal, de procéder à l'enregistrement de sa demande d'asile en France, dans un délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; à titre subsidiaire de procéder à un nouvel examen de sa situation dans le délai de huit jours et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- au regard des éléments circonstanciés qu'il fait valoir, s'agissant des conditions de sa fuite et des risques de conflits et de la situation de violence généralisée dans laquelle se trouve la province du Lôgar, dont il est originaire, il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu'il encourt en Afghanistan un risque de subir des traitements inhumains ou dégradants et qu'il existe une menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne. Ainsi, le bénéfice de la protection subsidiaire aurait dû lui être accordé au regard de l'article L. 712-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il fait l'objet d'une réadmission en Autriche, où sa demande au titre de l'asile a été rejetée en 2014, il sera nécessairement éloigné à destination de l'Afghanistan ; il risque d'y subir des traitements inhumains et dégradants ; la décision est ainsi contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 février 2018, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 février 2018, modifiée le 6 mars 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution de la République française et notamment son article 53-1 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2013/32/UE du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique.
- le rapport de M. Francfort,
- et les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
Les faits, la procédure :
1. M.C..., né le 1er janvier 1987 en Afghanistan, pays dont il a la nationalité, est entré en France le 30 juin 2017. Dans le cadre de l'examen de sa situation administrative au centre de la préfecture de police de Paris le 12 juillet 2017, les recherches effectuées dans le fichier Eurodac ont permis d'établir qu'il avait sollicité l'asile en Autriche. Les autorités autrichiennes, saisies le 13 juillet 2017 d'une demande de reprise en charge sur le fondement de l'article 18 1 b) du règlement (UE) n° 604/2013, ont fait connaître leur accord le 17 juillet 2017 en application de cet article. Par l'arrêté attaqué du 10 novembre 2017, le préfet du Finistère a décidé du transfert de M. C...aux autorités autrichiennes.
2. M. C...relève appel du jugement du 5 décembre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 10 novembre 2017.
Sur les conclusions de la requête :
3. En premier lieu il ressort des pièces du dossier que M. C...a formé une demande d'asile en Autriche le 9 décembre 2015 et que cette demande a été rejetée par les autorités autrichiennes le 2 avril 2016, rejet assorti d'une obligation de quitter le territoire autrichien dans un délai de quatorze jours. Il en ressort également que le tribunal administratif de Vienne a rejeté le recours contre cette décision du 2 avril 2016.
4. Aux termes de l'article 18 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. L'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre Etat membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre Etat membre. (...) ". Aux termes de l'article 19 du même règlement " 3. Les obligations prévues à l'article 18, paragraphe 1, points c) et d), cessent lorsque l'Etat membre responsable peut établir, lorsqu'il lui est demandé de reprendre en charge un demandeur ou une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), que la personne concernée a quitté le territoire des Etats membres en exécution d'une décision de retour ou d'une mesure d'éloignement délivrée à la suite du retrait ou du rejet de la demande. / Toute demande introduite après qu'un éloignement effectif a eu lieu est considérée comme une nouvelle demande et donne lieu à une nouvelle procédure de détermination de l'Etat membre responsable ".
5. Il résulte des dispositions précitées du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 que la circonstance que l'Etat membre requis en vue de la reprise en charge d'un ressortissant d'un pays tiers dont il a déjà examiné et rejeté la demande d'asile, a pris une mesure d'éloignement à son encontre, n'a pas pour conséquence de faire cesser sa responsabilité. Ce n'est que lorsque la mesure d'éloignement a été effectivement exécutée par une sortie du territoire de l'Union européenne, que toute demande postérieure est considérée comme une nouvelle demande et donne lieu à une nouvelle procédure de détermination de l'Etat membre responsable. Or il est constant que M. C...n'a pas quitté le territoire de l'Union européenne. Par suite l'existence d'une mesure d'éloignement prise par l'Autriche ne fait obstacle à la reprise en charge de M.C... par cet Etat.
6. En second lieu aux termes de l'article 17 du règlement 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement ".
7. M. C...fait état des menaces qui pèseraient sur sa personne en cas de retour au Lôgar, zone au sud de Kaboul où la présence des talibans est extrêmement forte. Toutefois, le requérant ne justifie pas de son lieu de résidence en Afghanistan et ne démontre pas par le seul récit des intimidations dont il aurait fait l'objet à une date indéterminée qu'il existerait à son égard " une menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d'une violence qui peut s'étendre à des personnes sans considération de leur situation personnelle et résultant d'une situation de conflit armé interne ou international " justifiant l'attribution de la protection subsidiaire en application de l'article L. 712-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. D'autre part il ne soutient pas expressément qu'il existerait en Autriche, au sens du 2 de l'article 3 du règlement 604/2013, des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs. Enfin, et contrairement à ce qu'affirme le requérant, son renvoi vers l'Afghanistan par l'Autriche n'est pas certain dès lors qu'il n'est pas établi que cet Etat-membre de l'Union européenne ne respecterait pas les dispositions de l'article 40 de la directive 2013/32/UE, lesquelles prévoient l'obligation, sous certaines conditions, d'examiner les nouvelles déclarations ou les nouveaux éléments qu'un étranger pourrait faire valoir au soutien d'une nouvelle demande d'asile, alors même qu'une première demande aurait fait l'objet d'un rejet.
8. M. C...n'est par suite pas fondé à soutenir qu'en s'abstenant de faire usage des dispositions de l'article 17 de la directive 604/2013 et d'enregistrer en France sa demande d'asile nonobstant les règles de compétence résultant en principe du règlement, le préfet du Finistère aurait méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ou commis une erreur manifeste d'appréciation.
9. Il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions du requérant aux fins d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera transmise pour information au préfet du Finistère.
Délibéré après l'audience du 12 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-rapporteur,
- M. Pons, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 octobre 2018.
Le rapporteur,
J. FRANCFORTLe président,
H. LENOIR
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°18NT00085 2
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