Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 7 août 2018, le préfet d'Ille-et-Vilaine demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement de la magistrate désignée du tribunal administratif de Rennes du 31 juillet 2018 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de Rennes.
Il soutient que :
- les allégations de MmeB..., selon lesquelles elle n'aurait pas eu accès aux soins en Italie, la nourriture aurait été insuffisante et sa fille aurait été présentée à des familles en vue de l'adoption sans son accord, ne sont assorties d'aucune preuve et ne suffisent pas à faire tomber la présomption de respect des dispositions des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- l'accord implicite des autorités italiennes confère les mêmes droits aux demandeurs d'asile que l'accord explicite.
Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été communiquée à MmeB..., pour laquelle il n'a pas été présenté de demande d'aide juridictionnelle, ni produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Gélard a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet d'Ille-et-Vilaine relève appel du jugement du 31 juillet 2018 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 26 juillet 2018 par lequel il a décidé la remise de MmeB..., ressortissante camerounaise, aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.
2. Aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux (...). La demande est examinée par un seul Etat membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable (...) ". L'application de ces critères peut toutefois être écartée en vertu de l'article 17 du même règlement, aux termes duquel : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Enfin, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni a des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".
3. Pour annuler l'arrêté litigieux du 26 juillet 2018, la magistrate désignée du tribunal administratif de Rennes, après avoir estimé qu'il n'existait pas de défaillances systémiques dans les conditions d'accueil et d'examen des demandes d'asile en Italie, s'est fondé sur le fait que Mme B...se trouvait dans une situation particulièrement vulnérable. Toutefois, ainsi que le soutient le préfet, reprenant en appel ses écritures de première instance, l'intéressée, qui soutenait ne pas avoir bénéficié de soins, ni de suffisamment de nourriture au centre d'Iglesias de Sardaigne où sa fille, née en 2007, aurait de surcroît été présentée sans son consentement à plusieurs familles en vue de l'adoption, se borne à produire à l'appui de ses allégations les rapports d'organisations internationales dénonçant la dégradation des conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Italie et ne soutient, ni même n'allègue, avoir eu des problèmes particuliers de santé qui auraient nécessité des soins médicaux. Dans ces conditions, et en dépit de la circonstance que la fille de Mme B...est scolarisée en France depuis 2018, le préfet d'Ille-et-Vilaine est fondé à soutenir que c'est à tort que la magistrate désignée du tribunal administratif de Rennes a annulé la décision contestée pour violation des dispositions précitées des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
4. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme B...devant le tribunal administratif de Rennes.
5. En premier lieu, Mme C...A...dispose d'une délégation permanente donnée par arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine en date du 13 avril 2018, publié au recueil des actes administratifs n° 556 du 13 avril 2018 pour signer les décisions relevant de la procédure Dublin III et notamment les arrêtés de transfert et d'assignation à résidence. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté manque donc en fait et doit être écarté.
6. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 3, que les moyens tirés de la méconnaissance du point 2 de l'article 3 ou de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 et de l'erreur manifeste d'appréciation, qui ne sont assortis d'aucune autre précision, ne sont pas fondés et ne peuvent qu'être écartés.
7. Il résulte de ce qui précède que le préfet d'Ille-et-Vilaine est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif a annulé son arrêté du 26 juillet 2018 et lui a enjoint de réexaminer la situation de Mme B...dans un délai d'un mois.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1803590 du magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes du 31 juillet 2018 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de Rennes est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme D...B....
Une copie sera transmise à la préfète d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 25 janvier 2019 à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- Mme Gélard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 janvier 2019.
Le rapporteur,
V. GELARDLe président,
H. LENOIR
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT03060