Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement les 5 octobre 2016 et 24 janvier 2017, la société Cassese, représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1405031-10 du 19 septembre 2016 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire à la cotisation foncière des entreprises, d'un montant de 12 717 euros, à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2010 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la procédure d'imposition est irrégulière au motif que, la cotisation foncière des entreprises (CFE) due au titre de la seule année 2010 étant perçue au profit de l'Etat, la rectification opérée au titre de cette année aurait dû être effectuée selon la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, qui implique le respect des dispositions de l'article L. 54 B du même livre.
Par un mémoire en défense et un mémoire en duplique, enregistrés respectivement les 3 janvier et 6 mars 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 ;
- le code de justice administrative et, notamment, le 4° de l'article R. 811-1.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Auvray ;
- et les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
1. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 55 du livre des procédures fiscales : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 56, lorsque l'administration des impôts constate une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes quelconques dues en vertu du code général des impôts ou de l'article L. 2333-55-2 du code général des collectivités territoriales, les rectifications correspondantes sont effectuées suivant la procédure de rectification contradictoire définies aux articles L. 57 à L. 61 A (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 54 B de ce livre : " La notification d'une proposition de rectification doit mentionner, sous peine de nullité, que le contribuable a la faculté de se faire assister d'un conseil de son choix pour discuter la proposition de rectification ou pour y répondre " ; qu'aux termes de l'article L. 56 du même livre : " La procédure de rectification contradictoire n'est pas applicable : 1° En matière d'impositions directes perçues au profit des collectivités locales ou d'organismes divers, à l'exclusion de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises prévue à l'article 1586 ter du code général des impôts (...) " ; qu'aux termes de l'article 2 de la loi susvisée du 30 décembre 2009, repris au second alinéa du I de l'article 1640 B du code général des impôts, dans sa version applicable à l'année 2010 : " Les impositions à la cotisation foncière des entreprises établies au titre de l'année 2010 sont perçues au profit du budget général de l'Etat " ;
2. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 174 du live des procédures fiscales : " Les omissions ou les erreurs concernant la taxe professionnelle, la cotisation foncière des entreprises et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises peuvent être réparés par l'administration jusqu'à l'expiration de la troisième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due (...) " ; que le contribuable à l'égard duquel l'administration met en oeuvre le pouvoir de réparation qui lui est conféré par ces dispositions doit être regardé comme faisant l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'établissement en cause, exploité à Verneuil-L'Etang (Seine-et-Marne) par la société Cassese et dont la valeur locative avait jusqu'alors été déterminée selon les règles fixées à l'article 1498 du code général des impôts, a été regardé comme constituant un établissement industriel au sens de l'article 1499 du même code à l'issue d'une vérification de comptabilité diligentée en 2010 par la direction des vérifications nationales et internationales (DVNI) ; que la direction de contrôle fiscal
d'Ile-de-France Est a alors procédé à l'évaluation des locaux de l'établissement en cause selon les modalités propres aux établissements industriels, prévues à l'article 1499 de ce code, ce qui a entraîné la mise en recouvrement du supplément d'impôt contesté au titre de la cotisation foncière des entreprises due par la société Cassese ; que cette mise en recouvrement a été précédée de l'envoi d'une lettre modèle 751 en date du 1er juillet 2010 par laquelle le service s'est borné à informer la contribuable des conséquences financières, en matière de cotisation foncière des entreprises pour l'année 2010, de l'application de la méthode comptable, aux lieu et place de la méthode par comparaison, pour déterminer la valeur foncière de son établissement industriel sis à Verneuil-l'Etang ;
4. Considérant que la société Cassese soutient que le supplément de cotisation foncière des entreprises qui lui a été ainsi assigné au titre de l'année 2010 a été établi à l'issue d'une procédure irrégulière au motif que le service eût dû recourir à la procédure de rectification contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales dès lors que, conformément au I de l'article 1640 B du code général des impôts, les impositions à la cotisation foncière des entreprises établie au titre de l'année 2010 étaient perçues au profit du budget général de l'Etat et non au profit d'une collectivité locale ;
5. Considérant que l'administration relève que le supplément de cotisation foncière des entreprises en cause ne résulte pas de la remise en cause des éléments déclarés par la contribuable, mais du recours à une autre méthode d'évaluation des locaux, en l'espèce la méthode comptable prévue à l'article 1499 du code général des impôts ; que, toutefois, cette seule circonstance n'était pas de nature à exonérer l'administration de suivre la procédure de rectification contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales s'agissant du supplément de cotisation foncière des entreprises (CFE) dû au titre de la seule année 2010 dès lors que, compte tenu de l'affectation de son produit au budget général de l'Etat, cette imposition n'était pas au nombre de celles qui sont visées au 1° de l'article L. 56 du même livre ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que le supplément d'imposition litigieux a été établi à l'issue d'une procédure irrégulière pour avoir méconnu les dispositions, citées au point 1, de l'article L. 54 B du livre des procédures fiscales, doit être accueilli ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Cassese est fondée à demander à être déchargée de la cotisation supplémentaire à la CFE, d'un montant non contesté de 12 717 euros, à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2010 à raison de son établissement situé à Verneuil-L'Etang (77 390) ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Cassese est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Cassese à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1405031-10 du 19 septembre 2016 du Tribunal administratif de Melun est annulé.
Article 2 : La société Cassese est déchargée de la cotisation supplémentaire à la cotisation foncière des entreprises, mise en recouvrement le 30 novembre 2011, à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2010 à raison de l'établissement qu'elle exploite à Verneuil-L'Etang (Seine-et-Marne).
Article 3 : L'Etat versera à la société Cassese une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Cassese et au ministre de l'économie et des finances. Copie en sera adressée à l'administrateur des finances publiques chargé de la direction de contrôle fiscal d'Ile-de-France (division juridique Ouest).
Délibéré après l'audience du 14 mars 2017 à laquelle siégeaient :
M. Krulic, président de chambre,
M. Auvray, président-assesseur,
M. Legeai, premier conseiller,
Lu en audience publique le 28 mars 2017.
Le rapporteur,
B. AUVRAY
Le président,
J. KRULICLe greffier,
C. RENE-MINE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA03016