Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 24 octobre 2016, M. A..., représenté par Me Malavialle, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1603258/6-2 du 31 mai 2016 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3°) d'enjoindre à l'autorité préfectorale de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour, sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Me Malavialle sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la décision de refus de titre de séjour :
- cette décision a été prise sur la base d'une rétention administrative illégale puisqu'il a fait l'objet d'un contrôle d'identité illégal ;
- cette décision implicite de refus n'est pas suffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale pour les mêmes motifs d'illégalité que ceux soulevés contre la décision de refus de titre de séjour ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile puisqu'il encourt un danger de mort en cas de retour dans son pays d'origine.
La requête a été communiquée le 1er décembre 2016 au préfet de Seine-et-Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 23 septembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pagès,
- et les observations de Me Malavialle, avocat de M. A....
1. Considérant que M. A..., né le 4 novembre 1985 à Yamoussoukro, de nationalité ivoirienne, entré en France sous couvert d'un visa Schengen le 1er mars 2011, a fait l'objet d'un contrôle d'identité le 11 janvier 2016 au cours duquel il n'a pas été en mesure de justifier de son passeport ni d'un titre de séjour en cours de validité ; qu'après examen de sa situation, le préfet de Seine-et-Marne, par arrêté du 11 janvier 2016, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que M. A... relève régulièrement appel du jugement du 31 mai 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en annulation de cet arrêté ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Considérant que M. A... fait valoir qu'étant passager du véhicule contrôlé par les services de gendarmerie et ne présentant aucun trouble à l'ordre public, il ne pouvait pas faire l'objet d'une rétention administrative au motif qu'il ne justifiait pas d'un document d'identité ; que cette rétention sur laquelle se fonde l'arrêté contesté, est illégale ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les services de la gendarmerie nationale ont agi sur réquisition écrite du procureur de la République près du Tribunal de grande instance de Meaux n° 11643 du 29 décembre 2015, donnant instructions de procéder à des contrôles d'identité en application de l'article 78-2 du code de procédure pénale ; que sur ce fondement, et, quel et que soit son comportement, M. A... a pu être invité à présenter un document justifiant de son identité en tant que passager d'un véhicule contrôlé ; que se déclarant de nationalité ivoirienne et n'étant pas en mesure de justifier de la durée de son séjour en France, il a été placé en retenu pour vérification de son droit de circulation ou de séjourner en France en application de l'article L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour une durée limitée de six heures, de 9h45 à 15h45 ; que, par suite, la procédure par laquelle M. A... a fait l'objet d'une retenue n'est pas entachée d'irrégularité ;
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
4. Considérant que M. A... fait valoir que le préfet de Seine-et-Marne, qui a constaté qu'il n'était pas en possession de son passeport, lui a implicitement refusé le droit au séjour ; qu'il n'a pas suffisamment motivé sa décision et a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle en méconnaissance des articles
L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
5. Considérant toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier qu'après examen de l'ensemble de sa situation personnelle, le préfet de Seine-et-Marne a, par arrêté du 11 janvier 2016, fait obligation à M. A... de quitter le territoire français en lui accordant un délai de départ de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit sur le fondement de l'article L. 511-1 paragraphe I alinéa 1° et II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, contrairement aux allégations de M. A..., cet arrêté ne comporte pas de décision de refus de titre de séjour ; que, par suite, les conclusions et moyens dirigés contre une telle décision, inexistante, sont irrecevables ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. Considérant que pour les motifs exposés au point 5, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision de refus de titre de séjour à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français est inopérant et doit être rejeté ;
7. Considérant qu'il ressort de la décision contestée qu'elle vise notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles L. 511-1 § I et II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle indique que M. A... n'a pu justifier de son entrée régulière en France ni être titulaire d'un titre de séjour, qu'il a fait l'objet d'un rejet de sa demande d'asile par l'office français de protection des réfugiés et apatrides et la cour nationale du droit d'asile, que les services préfectoraux parisiens n'ont pas trace d'une demande de régularisation de sa situation qu'il aurait déposé par le biais de son conseil, que s'il déclare l'existence d'une vie privée et familiale, sa compagne est en situation irrégulière et la cellule familiale peut perdurer hors de France, qu'au regard de sa situation la mesure envisagée n'est pas de nature à comporter des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, cette décision qui énonce les considérations de droit et de fait qui la fondent est suffisamment motivée ; qu'en outre, M. A... ne peut utilement faire valoir qu'il a justifié devant les premiers juges de son passeport et d'un visa Schengen, dès lors qu'il ne justifie pas être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ;
8. Considérant qu'indépendamment de l'énumération donnée par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure de reconduite à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi prescrit, ou qu'une convention internationale stipule, que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'un éloignement ; qu'il n'est pas établi que M. A... qui se prévaut des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et qui ne conteste pas que sa compagne réside irrégulièrement en France, aurait dû se voir attribuer de plein droit un titre de séjour pour des motifs tirés de sa vie privée et familiale, sur le fondement de ces dispositions ;
9. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
10. Considérant que M. A... fait valoir qu'il réside en France depuis qu'il y est entré sous couvert d'un visa Schengen le 1er mars 2011, qu'il y a crée sa cellule familiale, qu'il dispose d'un contrat de travail et d'un logement, que la décision portant obligation de quitter le territoire français aura des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation et celle de son enfant protégé par les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; que toutefois, M. A... ne produit aucun élément de preuve de nature à démontrer qu'il ne pourrait pas poursuivre sa vie privée et familiale avec sa compagne et leur enfant dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt sept ans ; que, dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et eu égard aux effets d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français, la décision contestée n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, dès lors, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ; que ces mêmes circonstances ne sont pas davantage de nature à faire regarder la décision contestée comme entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
11. Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; que ce dernier texte énonce que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;
12. Considérant qu'en se bornant à soutenir qu'il existe un risque de mauvais traitement en cas de retour dans son pays d'origine et que le préfet de Seine-et-Marne n'était pas lié par les décisions de rejet de sa demande d'asile par l'office français de protection des réfugiés et apatrides et la cour nationale du droit d'asile, M. A... n'établit pas, par la production d'une information pertinente, actuelle et publiquement disponible, qu'il serait exposé, à la date de l'arrêté attaqué, à des risques de traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dès lors en fixant le pays de destination, le préfet de Seine-et-Marne n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention susvisée ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne
Délibéré après l'audience du 14 mars 2017 à laquelle siégeaient :
M. Krulic, président de chambre,
M. Auvray, président-assesseur,
M. Pagès, premier conseiller,
Lu en audience publique le 28 mars 2017.
Le rapporteur,
D. PAGES
Le président,
J. KRULIC
Le greffier,
C. RENE-MINE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA03139