Par un jugement n° 1203685 du 16 décembre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces deux décisions.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 février 2015 et le 10 juillet 2015, la commune de Grenoble, représentée par la SELARL CDMF Avocats affaires publiques, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1203685 du tribunal administratif de Grenoble du 16 décembre 2014 ;
2°) de rejeter la demande de première instance de Mme C... et de M. A... ;
3°) de mettre à la charge de Mme C... et de M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a intérêt à relever appel du jugement attaqué qui annule une délibération de son conseil municipal et une décision de son maire ;
- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que la fixation à 75 000 euros du prix de vente du tènement en cause était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; en effet,
le niveau des revenus des candidats n'avait pas à être pris en compte dans l'analyse des avantages qu'elle pouvait retirer du projet retenu pour justifier le prix de cession du tènement ;
le tribunal ne pouvait utilement tirer une quelconque conclusion de la participation au groupement La Traversée d'un cabinet d'architecture composé de deux personnes et qui avait seulement vocation à occuper un local professionnel au rez-de-chaussée, dans le cadre de la recherche de la mixité des usages et des fonctions retenue au titre du critère d'approche sociale et d'intégration à la vie de quartier ;
les ressources des membres du groupement retenu étaient bien inférieures aux plafonds de ressources du prêt locatif social les concernant ;
les contreparties que la commune retire de la cession pour justifier un prix de vente inférieur de 45 % à l'estimation la plus basse du service des domaines ne dépendent pas de la seule question du plafond de ressources des candidats mais aussi de l'ensemble des critères retenus au titre de l'approche sociale et de l'intégration à la vie de quartier et de l'approche urbaine, architecturale et environnementale ; le projet retenu présentait bien en termes d'approche sociale, urbaine et environnementale les contreparties attendues par la commune dans le cadre de l'opération poursuivie justifiant un prix de cession de 75 000 euros, lequel était également justifié par la recherche d'un équilibre financier la rendant effectivement réalisable ;
- il ne ressort pas des termes de la lettre du 23 septembre 2011 du directeur de l'urbanisme de la commune que celui-ci aurait lui-même décidé de ne pas retenir l'offre du groupement La Traverse ;
- la délibération litigieuse n'avait pas à être motivée ; en tout état de cause, elle l'est suffisamment ;
- le moyen tiré de l'irrégularité de la convocation des membres du conseil municipal est dépourvu de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
- la notice explicative jointe aux convocations des conseillers municipaux leur permettait d'être suffisamment informés pour exercer utilement leur mandat ;
- le principe d'égalité entre les candidats à l'achat du bien immobilier en cause n'a pas été méconnu, dès lors que les membres du groupement évincé La Traverse ont été dûment informés de la publication d'un nouvel appel d'offres et ont pu déposer un dossier à temps ;
- l'avis rendu le 17 octobre 2011 par France Domaine n'est pas entaché d'erreur de fait ;
- la présence d'une personne morale et même d'un professionnels dans le groupement retenu n'est pas interdite ni incompatible avec le cahier des charges et l'objectif du projet ;
- les allégations des intimés sur l'absence d'intégration du projet à la vie de quartier ne sont étayées par aucun élément probant ;
- l'obligation de respecter un taux de logement social de 20 % par opération n'est pas au nombre des critères de sélection des offres et n'est, en tout état de cause, pas méconnue en l'espèce.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 30 juin 2015 et le 7 août 2015, Mme O... C...et M. I... A..., représentés par la SCP d'avocats Ricard, concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la commune de Grenoble au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que :
- la commune de Grenoble n'a pas d'intérêt à faire appel du jugement attaqué ;
- en méconnaissance de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales, les membres du conseil municipal n'ont pas été convoqués cinq jours francs avant la tenue de la séance du 21 novembre 2011 par des convocations individuelles comprenant un ordre du jour complet et des notices explicatives ;
--la notice explicative jointe aux convocations des conseillers municipaux ne leur permettait pas d'être suffisamment informés pour exercer utilement leur mandat ;
- le principe d'égalité entre les candidats à l'achat du bien immobilier en cause a été méconnu, dès lors que Mme C... et M. A... n'ont été informés que tardivement de ce que la commune avait pris la décision de publier un nouvel appel d'offres alors que les membres du groupement retenu l'ont été dès la publication de l'appel d'offres ; Mme C... et M. A... ont dû en moins de quinze jours recomposer un groupe et prévoir un projet architectural, ce qui n'était pas le cas pour le groupement qui a été retenu ;
- l'avis rendu le 17 octobre 2011 par France Domaine sur le prix de cession est entaché d'erreur de fait, dès lors qu'il a pris en compte le projet précédent de la commune qui portait sur la cession d'un terrain de 680 m² avec une maison ne nécessitant pas une réhabilitation lourde et non sur le projet soumis au vote du conseil municipal ;
- la présence d'une société à responsabilité limité d'architecture dans le groupement retenu n'est pas conforme au cahier des charges qui n'évoque des logements et des familles et n'est pas compatible avec l'objectif du projet qui est de permettre l'accession au logement sans but lucratif ni spéculation dont la commune a fait un des critères de son choix ;
- les critères d'approche sociale et d'intégration à la vie de quartier et de mixité générationnelle et sociale du cahier des charges ne sont pas remplis, dès que les trois familles du groupement retenu sont de la même génération, habitent déjà le quartier et se connaissent déjà, que le projet n'offre aucune ouverture sur le quartier et que les espaces communs sont réduits et ne peuvent être qualifiés d'innovants ;
- la cession au groupement retenu d'un tènement à un prix correspondant au quart de l'estimation de France Domaine ne répond pas à un motif d'intérêt général et ne comporte pas de contreparties suffisantes pour la commune de Grenoble, dès lors que la seule qualité environnementale du projet architectural n'est pas suffisante pour justifier ce prix et que le projet n'a aucun impact sur le quartier mais seulement pour les trois familles concernées ;
- l'obligation de respecter un taux de logement social de 20 % par opération, rappelée dans le cahier des charges, n'est pas respectée ;
- la décision du 11 mai 2012 de rejet du recours gracieux est entachée d'incompétence de son auteur, le maire n'étant pas compétent pour statuer sur un recours administratif dirigé contre une délibération du conseil municipal.
Un mémoire, enregistré le 11 septembre 2015 et présenté pour la commune de Grenoble, n'a pas été communiqué en application du dernier alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.
Mme C... et M. A... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 8 avril 2015.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Hervé Drouet, président assesseur,
- les conclusions de M. Marc Clément, rapporteur public,
- et les observations de Me Martin, avocat (SELARL CDMF Avocats affaires publiques), pour la commune de Grenoble ;
1. Considérant qu'il ressort des termes du cahier des charges et du règlement de consultation établis par la commune de Grenoble en vue de la sélection des candidats à l'achat de son tènement cadastré section IK n° 21 sis 101 bis cours Berriat que la cession de ce bien immobilier a pour objectif de permettre, sans but spéculatif ni lucratif, l'accession à des logements de familles avec enfants dont les revenus sont inférieurs au plafond de ressources de l'accession sociale au logement, dans le cadre d'un projet innovant d'habitat ; qu'il est précisé à l'article 3 du cahier des charges relatif aux modalités de cession du terrain que sa vente interviendra avec la famille ou l'ensemble des familles constitué en indivision ou en société civile immobilière au jour de la signature de l'acte de vente ; que si, au titre du critère de sélection afférent à l'approche sociale et à l'intégration à la vie de quartier, seront évalués notamment les innovations en terme de mixité des usages et des fonctions, de mixité des générations, de formes urbaines, d'autopromotion et d'autogestion, figure au titre de ce même critère, la proposition de prix fixée au vu du projet et de la composition des familles ; que le règlement de consultation précise également que le dossier de candidature sera composé notamment des avis d'impositions 2009 des membres du groupement ; que, dans ces conditions, l'article 1er du règlement de consultation, selon lequel est admis à concourir tout groupement dont les membres justifient de revenus inférieurs au plafond de ressources du prêt locatif social, doit, compte-tenu de l'objectif et des éléments précités du cahier des charges et du règlement de consultation, s'interpréter comme réservant la qualité de membre du groupement candidat à des personnes physiques projetant d'habiter 101 bis cours Berriat ;
2. Considérant qu'il est constant que la société ZIP Architecture, dont il ne ressort pas des pièces du dossier que les deux associés personnes physiques projettent d'habiter 101 bis cours Berriat, est au nombre des membres du groupement La Traversée dont la candidature a été retenue comme acheteur du tènement cadastré section IK n° 21 par la délibération en litige du 25 novembre 2011 du conseil municipal de la commune de Grenoble ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point précédent que cette délibération méconnaît l'article 1er du règlement de consultation établi par la commune et est, par suite, illégale ;
3. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par les intimés et tirée de l'absence d'intérêt de la commune de Grenoble à relever appel du jugement attaqué, que ladite commune n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par ce jugement, le tribunal administratif de Grenoble a annulé pour excès de pouvoir la délibération du 21 novembre 2011 par laquelle son conseil municipal a décidé de vendre le tènement cadastré section IK n° 21 sis 101 bis cours Berriat à Mme E... L..., à M. B... F..., à M. K... G..., Mme J...H..., à Mme N...P..., à M. D... M...et à la société ZIP Architecture, composant le groupement La Traversée, ainsi que la décision du 11 mai 2012 de son maire rejetant le recours gracieux de Mme C... et de M. A... dirigé contre cette délibération ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
4. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme C... et de M. A..., qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que la commune de Grenoble demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la commune de Grenoble la somme demandée par Mme C... et par M. A... au même titre ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Grenoble est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de Mme C... et de M. A... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Grenoble, à Mme O... C...et à M. I... A....
Délibéré après l'audience du 7 février 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,
- M. Hervé Drouet, président-assesseur,
- Mme Nathalie Peuvrel, premier conseiller.
Lu en audience publique le 28 février 2017.
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N° 15LY00510
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