Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 27 février 2015, la société L.A.N., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1400658/7 du 29 décembre 2014 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision du 25 juillet 2013 lui refusant l'autorisation d'implantation d'une terrasse ;
3°) d'enjoindre au maire de Paris de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la ville de Paris le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors qu'en dépit de sa demande expresse elle n'a pas obtenu la copie des conclusions du rapporteur public ; que le principe du contradictoire a ainsi été méconnu ;
- la motivation de la décision attaquée est erronée dès lors qu'elle fait état d'un panneau de signalisation qui n'existe pas ainsi qu'il ressort du constat d'huissier établi le 10 janvier 2014 ;
- elle doit être regardée comme disposant d'une autorisation de terrasse dès lors qu'elle s'est vu délivrer pour 2013 et 2014 l'affichette de la ville de Paris indiquant les caractéristiques de la terrasse et notamment de la terrasse fermée ; que cet état récapitulatif des terrasses a été publié sur le site internet de la ville de Paris ; que l'état récapitulatif au titre de l'année 2014 lui a été adressé postérieurement à la décision attaquée et au rejet de son recours gracieux ; qu'ainsi la ville de Paris peut être regardée comme ayant abrogé sa décision du 25 juillet 2013 ;
- que les dispositions de l'article DG 10 du règlement municipal du 6 mai 2011 prévoyant la nécessité de réserver une zone contiguë d'au moins 1,60 mètre pour la circulation des piétons sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ; que compte tenu de l'illégalité de ces dispositions la décision attaquée, prise sur le fondement de celles-ci, est elle-même illégale ;
- la décision attaquée méconnaît le principe d'égalité dès lors que tant le précédent exploitant de l'établissement que d'autres exploitants du même quartier bénéficient d'une autorisation de terrasse sans que la distance minimale de 1,60 mètre soit respectée ;
- la décision a des conséquences disproportionnées au regard du but qu'elle poursuit compte tenu de l'importance du préjudice financier qu'elle engendre pour la requérante.
La requête a été communiquée à la ville de Paris qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Par une ordonnance en date du 29 mars 2016 la clôture d'instruction a été fixée au 4 mai 2016, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- l'arrêté du 6 mai 2011 du maire de Paris portant nouveau règlement des étalages et terrasses ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Amat,
- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public,
- les observations de Me Dubois, avocat de la société L.A.N.
1. Considérant que par décision du 25 juillet 2013, confirmée par le rejet implicite du recours gracieux de la société L.A.N., puis, par décision expresse du 2 janvier 2014, le maire de Paris a refusé de faire droit à la demande de la société L.A.N. tendant à bénéficier, comme le précédent exploitant du fonds de commerce qu'elle a acquis le 30 avril 2013, d'une autorisation d'implantation d'une terrasse au droit de son établissement ; que la société L.A.N. relève appel du jugement du 29 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 25 juillet 2013 ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que le rapporteur public, qui a pour mission d'exposer les questions que présente à juger le recours sur lequel il conclut et de faire connaître, en toute indépendance, son appréciation, qui doit être impartiale, sur les circonstances de fait de l'espèce et les règles de droit applicables ainsi que son opinion sur les solutions qu'appelle, suivant sa conscience, le litige soumis à la juridiction à laquelle il appartient, prononce ses conclusions après la clôture de l'instruction à laquelle il a été procédé contradictoirement ; que l'exercice de cette fonction n'est pas soumis au principe du caractère contradictoire de la procédure applicable à l'instruction ; qu'il suit de là que les conclusions du rapporteur public - qui peuvent d'ailleurs ne pas être écrites - n'ont pas à faire l'objet d'une communication aux parties, ni préalablement à l'audience, en dehors du droit qu'ont ces dernières de se voir communiquer le sens desdites conclusions dans les conditions prévues par l'article R. 711-3 du code de justice administrative, ni postérieurement à leur prononcé alors même que le caractère public de l'audience permet aux parties d'en prendre intégralement connaissance à cette occasion ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le conseil de la requérante n'a pas pu obtenir, malgré sa demande, la communication des conclusions prononcées par le rapporteur public devant le tribunal administratif est inopérant et doit être écarté ; qu'il s'ensuit que la société L.A.N. n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est intervenu au terme d'une procédure irrégulière ;
Sur le bien fondé du jugement attaqué :
3. Considérant, en premier lieu, que la société L.A.N. soutient que la décision du 25 juillet 2013 mentionne à tort l'existence d'un panneau de signalisation sur le trottoir alors qu'il résulte du constat d'huissier qu'elle a fait établir le 10 janvier 2014 qu'aucun panneau n'y est installé ; que cette circonstance, contrairement à ce que soutient la requérante, n'est en tout état de cause pas de nature à entacher d'un vice de forme la décision attaquée qui comporte l'ensemble des considérations de fait et de droit sur lesquelles elle est fondée ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ne peut qu'être écarté ; qu'au surplus, si la requérante a entendu soutenir que la décision du 25 juillet 2013 est entachée d'une erreur de fait, elle n'établit pas par la seule production d'un constat d'huissier dressé près de six mois après l'édiction de la décision attaquée qu'à la date de celle-ci aucun panneau de signalisation n'était présent ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article DG 10 du règlement des étalages et des terrasses installées sur la voie publique, édicté par l'arrêté du maire de Paris en date du 6 mai 2011 : " (...) La largeur des installations permanentes est, en règle générale, limitée au tiers de la largeur utile du trottoir, ou du premier trottoir en cas de contre-allée. Lorsque la configuration des lieux et l'importance locale de la circulation piétonne le permettent, cette largeur peut être portée au-delà du tiers du trottoir, sans pouvoir excéder 50% de la largeur utile de celui-ci. Les installations peuvent être autorisées, soit d'un seul tenant, soit scindées, sans pouvoir excéder 50% de la largeur utile du trottoir. Une zone contiguë d'au moins 1,60 mètre de largeur doit être réservée à la circulation des piétons " ; que la société L.A.N. soutient, par la voie de l'exception d'illégalité, que ces dispositions, qui constituent la base légale de la décision litigieuse, sont illégales en tant qu'elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation à raison de l'importance excessive qu'elles réservent, sur les trottoirs, à la circulation des piétons ;
5. Considérant qu'eu égard aux principes constitutionnels et législatifs qui régissent le domaine public et à la raison d'être du domaine public viaire, qui est de permettre la libre circulation des usagers, aucune règle ni aucun principe ne consacrent un droit pour les commerçants riverains à installer sur ses dépendances des terrasses pour exercer de manière permanente leur activité ; que, dès lors, et sans qu'y fassent nullement obstacle les dispositions réglementaires prises pour l'application des dispositions de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, lesquelles dispositions ont pour seule finalité la fixation d'une largeur minimale des parties de la voie publique destinées à la circulation des personnes handicapées et n'ont ni pour objet ni pour effet, contrairement à ce que soutient la requérante, de fixer une largeur maximale destinée au passage des piétons sur les trottoirs, l'autorité municipale a pu, dans l'usage de son pouvoir réglementaire de gestion domaniale, adopter les dispositions critiquées sans méconnaître un but d'intérêt général, ni commettre d'erreur manifeste dans l'appréciation qu'elle a portée sur les conditions de circulation des piétons sur les trottoirs à Paris et sur celles de l'exercice de l'activité des commerces concernés ; qu'en outre, la circonstance que d'autres communes dans leur règlement de terrasses et d'étalages n'aient prévu de laisser qu'une largeur minimale de 1,40 mètre ne permet pas davantage d'établir l'erreur manifeste d'appréciation dont seraient entachées les dispositions précitées de l'article DG 10 du règlement des étalages et terrasses ;
6. Considérant qu'il est constant que la largeur de la terrasse pour laquelle la société L.A.N. a sollicité une autorisation ne permet de laisser, pour la circulation des piétons, qu'une largeur inférieure à 1,60 mètre ; qu'ainsi, en application des dispositions précitées de l'article DG 10 du règlement, le maire de Paris a pu légalement refuser l'autorisation de terrasse sollicitée ;
7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article DG 12 de l'arrêté portant règlement des étalages et terrasses : " L'affichette délivrée conjointement à l'autorisation comportant les dimensions des occupations autorisées et le plan matérialisant l'implantation doit être apposée sur la vitrine, de façon visible depuis l'espace public " ;
8. Considérant que la société L.A.N. soutient qu'elle s'est vu délivrer pour les années 2013 et 2014 l'affichette mentionnée par les dispositions précitées de l'article DG 12 de l'arrêté portant règlement des étalages et terrasses et, qu'ainsi, elle doit être regardée comme disposant d'une autorisation de terrasse ; que, toutefois, la protection du domaine public est un impératif d'ordre constitutionnel faisant obstacle à toute possibilité d'intervention d'une autorisation tacite d'occupation du domaine public ; que la requérante n'est, par suite, pas fondée à soutenir que la délivrance des affichettes mentionnées à l'article DG 12 du règlement des étalages et terrasses doit être regardée comme valant autorisation de terrasse ou abrogation tacite de la décision attaquée du 25 juillet 2013 portant refus d'autorisation ;
9. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article DG 5 du règlement municipal des étalages et terrasses installées sur la voie publique : " Le commerce doit posséder une autonomie de fonctionnement, permettant d'exercer son activité principale à l'intérieur de l'immeuble, de s'y tenir, d'y recevoir sa clientèle, d'y exposer sa marchandise, en l'absence d'autorisation (refus, ou non renouvellement, ou suppression de l'autorisation d'occupation du domaine public) " ; que la société L.A.N. invoque une disproportion entre le but poursuivi par la décision contestée et les répercussions économiques que le refus d'autorisation de terrasse est susceptible d'avoir sur le bon fonctionnement de son établissement, dès lors que, selon elle, l'activité liée à la terrasse représente une part importante de celle de l'établissement ; que, toutefois, la requérante ne saurait utilement invoquer la gravité des conséquences financières résultant pour elle de la décision litigieuse, qui découle directement et exclusivement de la situation irrégulière dans laquelle elle s'est elle-même placée ; qu'au surplus, il résulte des dispositions précitées de l'article DG 5 du règlement des étalages et terrasses de la ville de Paris que le commerce doit disposer d'une autonomie de fonctionnement permettant d'exercer son activité principale à l'intérieur de l'immeuble, l'activité de la terrasse ne revêtant qu'un caractère accessoire ;
10. Considérant, en dernier lieu, que la société L.A.N. soutient que la décision contestée méconnaît le principe d'égalité dès lors que des établissements voisins disposent d'autorisations d'installation de terrasses et que le précédent exploitant disposait également d'une telle autorisation ;
11. Considérant, toutefois, que, d'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que les établissements voisins se trouveraient dans une situation identique à celle de la requérante, ni qu'ils disposeraient d'une autorisation régulière ; que, d'autre part, l'autorisation de terrasse étant délivrée à titre personnel, précaire et révocable et n'étant pas transmissible, l'acquéreur d'un fonds de commerce ne saurait utilement se prévaloir de la circonstance que son prédécesseur disposait d'une telle autorisation ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité ne peut qu'être écarté ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société L.A.N. n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société L.A.N. est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société L.A.N. et à la ville de Paris.
Délibéré après l'audience du 1er décembre 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Pellissier, présidente de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- Mme Amat, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 décembre 2016.
Le rapporteur,
N. AMATLa présidente,
S. PELLISSIER Le greffier,
M. A...
La République mande et ordonne au préfet de la région Ile de France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA00917