Par une requête enregistrée le 7 septembre 2018, la société Progalva, représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1602211 du 28 mai 2018 du tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler la mise en demeure de payer du 10 juin 2015 en vue du paiement de la somme de 78 067,32 euros, ensemble la décision de rejet de sa demande de décharge ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société Progalva soutient que :
- sa requête est recevable ;
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- l'action en recouvrement est prescrite et la somme réclamée ne pouvait être exigée dès lors que l'existence et la notification du titre de perception du 21 mai 1992 et du commandement du 27 septembre 1992 ne sont pas établies ;
- elle est recevable à exciper de l'illégalité de l'arrêté de consignation du 13 avril 1992, qui est insuffisamment motivé et lui impute à tort la qualité d'exploitant, dès lors qu'il forme une opération complexe avec la mise en demeure de payer.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 septembre 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.
Le ministre soutient que :
- l'exception d'illégalité de l'arrêté de consignation n'est pas recevable ;
- les moyens invoqués ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée au ministre de l'action et des comptes publics, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D... ;
- et les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Progalva a souscrit en avril 1969 une déclaration pour une activité de fabrique de matériel destiné principalement à l'électrolyse sur un site situé au 45 avenue du Général de Gaulle à La Chapelle-La-Reine, relevant de la troisième classe des établissements dangereux, insalubres ou incommodes selon la nomenclature alors en vigueur, qui a fait l'objet d'un accusé de réception du préfet de Seine-et-Marne du 10 mai 1969. Par un arrêté du 15 avril 1976, le préfet de Seine-et-Marne a autorisé la société Progalva à poursuivre l'exploitation sur ce site d'une activité d'atelier de traitement de surface des métaux relevant de la deuxième classe des établissements dangereux, insalubres ou incommodes. A la suite de la cessation de l'activité en 1989, le préfet de Seine-et-Marne a mis en demeure la société Progalva de remettre en état le site, par un arrêté du 20 septembre 1990. Par un arrêté du 13 avril 1992, le préfet de Seine-et-Marne a ordonné à la société Progalva de consigner la somme de 500 000 francs correspondant au montant des travaux à réaliser pour remettre en état le site. Le directeur départemental des finances publiques de Seine-et-Marne a adressé à la société Progalva une mise en demeure du 10 juin 2015 en vue du paiement d'une somme de 78 067,32 euros, correspondant au montant du titre de perception émis le 21 mai 1992 pour recouvrer la somme précitée, soit 76 224,51 euros, ainsi que les frais restant à payer d'un commandement du 27 septembre 1992, soit 1 842,81 euros. La société Progalva fait appel du jugement du 28 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette mise en demeure, ensemble la décision implicite de rejet de sa demande de décharge de l'obligation de payer.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments invoqués par la société Progalva, a suffisamment répondu aux moyens tirés de l'exception d'illégalité de l'arrêté de consignation du préfet de Seine-et-Marne du 13 avril 1992 et de la prescription de l'action en recouvrement, aux points 2 à 5 du jugement attaqué. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué doit ainsi être écarté.
Sur le bien fondé du jugement :
4. En premier lieu, aux termes de l'article 2262 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile : " Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans (...) ". La loi du 17 juin 2008 a réduit la durée de la prescription civile de droit commun pour prévoir, à l'article 2224 du code civil, que " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ". Aux termes du II de l'article 26 de la loi du 17 juin 2008 : " Les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ".
5. D'une part, la somme de 76 224,51 euros mentionnée dans l'arrêté de consignation du préfet de Seine-et-Marne du 13 avril 1992 a fait l'objet d'un ordre de reversement n° 3/1992 du 21 mai 1992, produit par le ministre en appel, émis par le préfet de Seine-et-Marne pour valoir titre exécutoire, qui mentionne cette créance de l'Etat. Ce document vaut titre exécutoire permettant au comptable public de procéder au recouvrement de cette somme, titre d'ailleurs mentionné sur des actes de recouvrement forcé ultérieurs. Le moyen tiré de l'inexistence d'un titre exécutoire permettant au comptable public de procéder au recouvrement de la somme en litige manque ainsi en fait.
6. Par ailleurs, si, à défaut de preuve de sa notification, le titre de perception du 21 mai 1992 n'a pu interrompre le cours de la prescription relative à l'action en consignation de la somme résultant de l'arrêté du 13 avril 1992, la prescription n'était pas acquise lorsque cet ordre de reversement a été émis environ un mois après l'acte administratif constatant les faits à l'origine du droit de créance de l'Etat. Par la suite, le ministre a produit un commandement de payer du 7 décembre 1992 émanant du comptable, notifié à la société Progalva le 9, qui a interrompu la prescription alors trentenaire de l'action en recouvrement. A également été produit un commandement de payer du 18 avril 2011, notifié à la société Progalva le 29 avril suivant, qui a également interrompu le cours de la prescription devenue quinquennale à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008. Dans ces conditions, la prescription de l'action en recouvrement de cinq ans prévue à l'article 2224 du code civil n'était pas acquise lors de la notification de la mise en demeure du 10 juin 2015, notifiée au plus tard le 15 juillet 2015, date du courrier d'opposition à poursuite.
7. D'autre part, la société Progalva soutient que l'action en recouvrement est prescrite en ce qui concerne la somme de 1 842,81 euros, mentionnée comme se rattachant à un commandement du 27 septembre 1992 dans la mise en demeure de payer du 10 juin 2015, dès lors que l'existence et la notification de ce commandement ne sont pas établies. Toutefois, il ressort des mentions non contestées de cette mise en demeure que la société Progalva a effectué un versement de 443,93 euros en exécution d'un commandement du 27 septembre 1992. Elle ne peut dès lors sérieusement contester l'existence et la notification de ce commandement. Par ailleurs, la somme contestée est mentionnée dans le commandement de payer du 18 avril 2011 précité, qui a interrompu la prescription de son recouvrement, qui n'était pas acquise à cette date. La prescription du recouvrement de la somme contestée n'était ainsi pas acquise à la date de la mise en demeure de payer en litige.
8. En second lieu, la mise en demeure de payer du 10 juin 2015 n'a pas été prise pour l'application de l'arrêté de consignation du 13 avril 1992, qui n'en constitue pas la base légale et est au demeurant définitif. En outre, la mise en demeure de payer, qui aurait pu être évitée si la société Progalva s'était acquittée des sommes mises à sa charge, n'a pas été émise dans le but exclusif de consigner les sommes mentionnées par l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 13 avril 1992 mais en vue d'obtenir le paiement des sommes dont cette société restait redevable. Elle ne peut dès lors être regardée comme une phase d'une opération complexe. La société Progalva n'est ainsi pas recevable à exciper de l'illégalité de cet arrêté devenu définitif à l'appui de sa contestation de la mise en demeure.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Progalva n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation doivent dès lors être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
11. Les dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Progalva demande au titre des frais qu'elle a exposés.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Progalva est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Progalva, au ministre de la transition écologique et solidaire et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience du 24 octobre 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme C..., présidente de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- M. D..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 novembre 2019.
Le rapporteur,
F. D...La présidente,
S. C...Le greffier,
M. A...La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA03009