Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 9 mars 2020 et un mémoire enregistré le 21 octobre 2020, M. C... E..., représenté par Me D... B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Polynésie française du 28 janvier 2020 ;
2°) d'annuler la décision du 29 janvier 2019 ;
3°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa requête est recevable ;
- la constatation du dépassement du plafond d'efficience n'a pas été effectuée dans le courant du 1er semestre 2018, contrairement à ce que prévoit l'article 16 de la convention passée avec le syndicat des masseurs-kinésithérapeutes ;
- il n'a pas été alerté de ce dépassement et invité à formuler des observations lorsque le plafond d'efficience a été atteint, en méconnaissance de l'article 17 de la convention ; en l'absence d'une telle alerte, il n'a pas été mis en mesure d'ajuster son activité ; le relevé en ligne qui lui aurait permis d'être informé du dépassement du plafond n'était pas à jour ;
- l'entente préalable pour des actes intervenus en dépassement du plafond révèle un accord de la caisse au dépassement de ce plafond ;
- la convention n'a pas été exécutée de bonne foi par la CPS ;
- la commission paritaire a voté dans des conditions irrégulières ;
- l'avis de la commission paritaire a été émis tardivement ;
- les études menées par le service du contrôle médical n'ont pas été portées à sa connaissance, en méconnaissance du principe du contradictoire ;
- la qualité des soins qu'il fournit n'a pas été mise en cause ;
- il assure une kinésithérapie pédiatrique d'urgence spécialisée dans le soin respiratoire du nourrisson dont le coût est inférieur de moitié à celle des autres membres de la profession.
Par un mémoire enregistré le 10 juin 2020, la Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française, représentée par la SCP Baraduc et associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. E... la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête qui ne critique pas utilement le jugement et reproduit le mémoire récapitulatif de première instance est irrecevable ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
La clôture de l'instruction est intervenue le 18 novembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n°2004-192 du 27 février 2004 modifiée portant statut d'autonomie de la Polynésie française, ensemble la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française ;
- la délibération n°95-109 AT du 3 août 1995 modifiée relative aux rapports entre les professionnels de santé du secteur privé et la Caisse de prévoyance sociale ;
- l'arrêté n°1336 IT du 28 septembre 1956 portant organisation et fonctionnement de la caisse de compensation des prestations familiales du territoire des Etablissements français de l'Océanie ;
- l'arrêté n° 651 CM du 5 juillet 2006 approuvant et rendant exécutoires les délibérations n°18-06 CA du 31 mars 2006, n°18-06 CA RNS du 25 avril 2006 et
n°19-06 CG RSPF du 27 avril 2006 et lesdites délibérations ;
- la convention conclue le 28 juillet 2006 entre la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française et le syndicat des masseurs kinésithérapeutes rééducateurs libéraux de la Polynésie française, approuvée par arrêté n° 1164/CM du 16 octobre 2006 ;
- les statuts du syndicat des masseurs-kinésithérapeutes-rééducateurs de la Polynésie française ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bernier, président-assesseur,
- et les conclusions de Mme Pena, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 29 janvier 2019, le directeur de la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française a mis en demeure M. E..., masseur kinésithérapeute, de reverser une somme de 1 449 272 F CFP correspondant aux prestations perçues au titre des soins dispensés au-delà du plafond d'efficience d'activité individuelle pour l'année 2017. M. E... relève appel du jugement du 28 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la fin de non-recevoir soulevée par la caisse:
2. La requête d'appel du 9 mars 2020 de M. E..., qui ne se borne pas à reproduire intégralement et exclusivement les moyens invoqués à l'appui de ses conclusions de première instance, comporte une critique du jugement attaqué. Elle répond aux exigences de motivation des requêtes d'appel prévues par l'article R. 411-1 du code de justice administrative. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la caisse de prévoyance sociale doit être écartée.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 16 de la convention conclue entre la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française et le syndicat des masseurs kinésithérapeutes rééducateurs libéraux de la Polynésie française, dans sa version issue de l'avenant n°9 : " (...) La constatation du dépassement du plafond d'efficience d'activité individuelle est effectuée dans le courant du premier semestre de l'année civile suivante selon les modalités prévues à l'article suivant. ".
4. Si M. E... fait valoir que la constatation du dépassement du plafond d'efficience pour l'exercice 2017 ne lui a été notifiée que par courrier en date du 21 août 2018, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette constatation ne serait pas intervenue dans le délai mentionné au point précédent. La circonstance que le dépassement lui aurait été notifié au début du second semestre est sans incidence sur la régularité de la procédure qui a suivi.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 17 de la même convention : " : Lorsque le plafond d'efficience d'activité individuelle est atteint, la Caisse invite le praticien concerné à formuler ses observations selon les modalités prévues à l'article 22. (...) " . Aux termes de l'article 22 §3 de la convention, issu de l'avenant n°8 : " Lorsqu'un masseur-kinésithérapeute a dépassé le plafond d'efficience : La Caisse communique le relevé de ses constatations à la commission conventionnelle paritaire et au masseur-kinésithérapeute concerné qui dispose d'un délai d'un (1) mois pour présenter ses observations et justifications à la commission paritaire ou demander à être entendu par elle. ".
6. Il ne résulte pas des dispositions précitées de l'article 17 qui renvoient pour leur mise en oeuvre à l'article 22 que la caisse soit dans l'obligation d'alerter le praticien aussitôt que le plafond d'efficience individuelle a été atteint. Il était loisible à M. E... de consulter en temps réel l'état de son activité sur les services en ligne de la caisse de prévoyance sociale. Si le requérant soutient que les informations en ligne n'ont pas été mises à jour avant avril 2018, ce que dément la caisse, il ne fournit à la Cour aucun élément qui lui permettrait d'apprécier le bien-fondé de son moyen. Il ne ressort pas par ailleurs des pièces du dossier, et notamment du compte rendu de la commission conventionnelle paritaire qui a examiné la situation de
M. E... dans sa séance du 10 décembre 2018, que le praticien aurait ignoré qu'il se trouvait en situation de dépassement et que celle-ci n'aurait été rendue possible que par un défaut d'information de la caisse. Enfin, M. E... ayant été invité à présenter ses observations le
21 août 2018, la procédure prévue par les dispositions citées au point précédent a été respectée.
7. En troisième lieu, si M. E... soutient que la carence de la caisse de prévoyance sociale qui ne l'a pas alerté en temps utile du dépassement du plafond d'efficience a porté atteinte à la loyauté des relations contractuelles, ce qui l'exonèrerait de toute sanction, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la caisse n'a pas manqué à ses obligations.
8. En quatrième lieu, l'article 18 de la convention prévoit que la commission paritaire est composée de six représentants pour la section sociale et de six représentants pour la section professionnelle, et qu'elle ne peut délibérer que si la moitié au moins des membres de chaque section est physiquement présent. En l'espèce, il ressort du compte rendu de la délibération du
10 décembre 2018 que la formation qui a examiné la situation de M. E... comprenait trois représentants de la section sociale et trois représentants de la section professionnelle. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que des membres de la section sociale auraient été empêchés de siéger par le président en vue d'altérer le sens de l'avis. La commission paritaire n'était donc pas irrégulièrement composée.
9. En sixième lieu, aux termes de l'article 22 §3 de la convention, issue de l'avenant n°8 : " (...) La commission (...) rend son avis motivé dans le délai de deux (2) mois suivant la réception des observations du praticien concerné ou de sa demande de comparution. ". Ce délai de deux mois n'est pas prescrit à peine de nullité. La circonstance que la commission paritaire n'aurait rendu son avis que le 15 janvier 2019 alors que M. E... avait formulé ses observations le 18 octobre 2018 n'a pas entaché la procédure d'irrégularité.
10. En septième lieu, il ne ressort pas de la motivation de la décision contestée du
29 janvier 2019 que la caisse aurait pris sa décision sur la base de pièces dont M. E... n'aurait pas eu connaissance. Il ressort au contraire des pièces du dossier, et notamment du compte rendu de la séance de la commission paritaire du 10 décembre 2018, que le praticien avait une connaissance exacte des dépassements qui fondent la décision et qu'il a été mis à même de critiquer utilement les éléments qui justifiaient la procédure engagée contre lui. Le moyen tiré du manquement au contradictoire doit dès lors être écarté.
11. En huitième et dernier lieu, aux termes de l'article 15 de la convention : " (...) Le plafond d'efficience d'activité individuelle compatible avec la distribution de soins de qualité s'établit à 45.000 coefficients AMC, AMK et/ou AMS pour l'année civile considérée. ". Aux termes de l'article 17 de la convention : " (...) Au-delà du plafond d'efficience d'activité individuelle, les actes effectués ne sont plus remboursés par la Caisse et un reversement, constitué de la partie des dépenses remboursées par l'Assurance maladie correspondant aux prestations indûment perçues au titre des soins dispensés, est effectué par le praticien concerné à la Caisse. ". Aux termes de son article 22§3 : " La commission adresse son avis dûment motivé à la Caisse de prévoyance sociale sur l 'opportunité de mettre en oeuvre la procédure de reversement prévue à l 'article 17. Elle se prononce au regard, notamment de : La date d'installation du masseur kinésithérapeute ; La zone d'exercice ; L'activité moyenne effective des masseurs kinésithérapeutes sur la zone ; Le nombre de masseurs kinésithérapeutes en dépassement dans la zone ; Le niveau de dépassement du masseur kinésithérapeute ; Le caractère récurrent des dépassements ; Le mode d 'exercice du masseur kinésithérapeute ; L'analyse de l'activité. Elle rend son avis motivé dans le délai de deux (2) mois suivant la réception des observations du praticien concerné ou de sa demande de comparution. Au vu de l'avis de la commission, le Directeur de la Caisse décide, le cas échéant, de mettre en oeuvre la procédure de reversement. ".
12. Il ressort des pièces du dossier que M. E... était en dépassement de 4 171 coefficients AMC, AMK et/ou AMS pour un plafond d'efficience fixé à 45 000 coefficients, que ce dépassement présente un caractère récurrent sur les quatre années précédentes. Par ailleurs, ce masseur a un nombre de patients 3,3 fois supérieur à la moyenne de la profession. Enfin, seuls
3 kinésithérapeutes sont dans la même situation sur les 99 kinésithérapeutes ayant exercé en année complète en 2017 en Polynésie française. Les explications de M. E... relatives aux particularités de son activité, en partie tournée vers la kinésithérapie pédiatrique respiratoire avec une ouverture de son cabinet 7 jours sur 7 et une permanence de soins de 2 heures par jour, ne sont pas de nature à justifier le dépassement du plafond d'efficience ainsi relevé. Eu égard à l'ampleur et au caractère récurrent du dépassement ainsi constaté, et alors même que la qualité des soins du praticien n'est pas en cause, c'est sans entacher sa décision d'erreur que le directeur de la caisse de prévoyance sociale l'a mis en demeure de reverser la somme non contestée de 1 449 272 F CFP.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la caisse de prévoyance sociale, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. E... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions que la caisse présente sur le même fondement.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... et à la Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française.
Délibéré après l'audience du 19 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- M. A..., premier vice-président,
- M. Bernier, président-assesseur,
- Mme Mornet, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 février 2021.
Le rapporteur,
Ch. BERNIERLe président,
M. A...
Le greffier,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au ministre des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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N° 20PA00906