Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 16 mars 2020, M. B..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1916632/4-2 du 18 octobre 2019 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 19 juin 2019 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour et de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une attestation provisoire de séjour dans les mêmes délais et conditions ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le Tribunal administratif a entaché son jugement " d'erreur manifeste d'appréciation " en jugeant qu'il n'établissait pas qu'il ne pourrait pas bénéficier de soins adaptés à sa condition médicale dans son pays d'origine ;
- l'arrêté est entaché de défaut de motivation et d'examen de sa situation personnelle ;
- il méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de celles-ci ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 juillet 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du Tribunal judiciaire de Paris du 8 janvier 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant bangladais né le 1er janvier 1981, entré en France en 2011, selon ses déclarations, a sollicité le 23 octobre 2018 le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 19 juin 2019, le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le requérant fait appel du jugement du 18 octobre 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police. (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation (...) doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
3. L'arrêté contesté vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables à la situation de M. B..., en particulier le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il précise que le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a émis un avis défavorable au renouvellement du titre de séjour au motif que l'état de santé du requérant nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. L'arrêté indique également qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé à mener une vie privée et familiale normale. Ainsi, cet arrêté énonce les considérations de droit et de fait qui le fondent et doit dès lors être regardé comme suffisamment motivé, le préfet n'étant pas tenu d'énumérer l'ensemble des éléments relatifs à la situation personnelle de l'intéressé. Par suite, les moyens tirés du défaut de motivation et d'examen sérieux de la situation personnelle de M. B... ne peuvent qu'être écartés.
4. En deuxième lieu, aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit :11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Chaque année, un rapport présente au Parlement l'activité réalisée au titre du présent 11° par le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre ".
5. Pour refuser à M. B... le renouvellement de son titre de séjour, le préfet de police s'est approprié le contenu de l'avis émis le 30 octobre 2018 par le collège des médecins de l'OFII selon lequel, si l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale, son défaut ne devrait toutefois pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine. Pour contester ce motif retenu par le préfet, M. B... fait valoir qu'il souffre de pathologies chroniques, l'hépatite B, le diabète de type II et l'asthme, dont la prise en charge et l'accès effectif aux soins ne sont pas garantis dans son pays d'origine. Il produit au soutien de son moyen les attestations émanant d'un médecin attaché à l'hôpital Saint-Louis, qui indiquait en 2012 et 2013 que son infection par l'hépatite B justifiait un suivi régulier, et des certificats d'un médecin à l'hôpital Paul-Brousse, qui en 2017 et 2018 indiquait que M. B... souffrait d'un asthme chronique et d'une hépatite B susceptible d'évoluer en cirrhose ou en cancer du foie, qui justifiait un suivi régulier et pour laquelle une prise en charge adaptée n'est pas disponible au Bangladesh. M. B... produit enfin en appel un certificat médical postérieur à la décision, rédigé le 6 mars 2020 par un médecin référent au Comité pour la santé des exilés, qui atteste que M. B... souffre des pathologies mentionnées et qu'il ne pourrait bénéficier d'une prise en charge adaptée dans son pays d'origine. Ces certificats ne sont toutefois pas suffisamment circonstanciés pour contredire l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII selon lequel le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, le préfet de police n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
7. Si M. B... soutient qu'il réside sur le territoire français depuis 2011 et qu'il exerce une activité salariée stable depuis 2017, il ressort des pièces du dossier que sa femme et son enfant, né en 2017, demeurent au Bangladesh. Par conséquent, le préfet de police n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en prenant l'arrêté attaqué le préfet de police aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions qu'il a présentées à fins d'injonction et d'astreinte, et sur le fondement combiné de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... B....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 26 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- M. C..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 février 2021.
Le rapporteur,
A. C...Le président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA00991