Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 avril 2018, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 16 février 2018 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision du 30 janvier 2017 autorisant son licenciement ;
3°) de mettre à la charge de la société Clinique de la Muette la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;
- la consultation du comité d'entreprise est irrégulière ;
- l'employeur n'a pas respecté son obligation de reclassement et que la décision attaquée méconnait les dispositions de l'article L. 1226-2 du code du travail.
Par des mémoires enregistrés le 1er juin 2018 et le 14 mars 2019, la société Clinique de la Muette, représentée par la SELARL BLB et Associés avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge du requérant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mars 2019, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.
La clôture de l'instruction est intervenue le 16 septembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de Mme Pena, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le 27 mars 2006, M. B... a été recruté par contrat à durée indéterminée par la société Clinique de la Muette, en qualité d'agent d'entretien polyvalent. Dans le dernier état de ses attributions, il était chargé de la réception des livraisons destinées à la pharmacie de l'établissement, ainsi que du ramassage et du transport des déchets et des sacs de linge propre et sale, et de petites interventions de dépannage. Il a par ailleurs exercé les mandats de délégué syndical, de représentant syndical au sein de la DUP et de membre titulaire du CHSCT. Par avis des 27 avril 2016 et 13 mai 2016, le médecin du travail l'a déclaré inapte à son poste de travail. Le 11 août 2016, l'inspectrice du travail a rejeté le recours formé par M. B... contre l'avis du 13 mai 2016 et l'a déclaré inapte à son poste actuel d'homme d'entretien, apte à un poste de nettoyage, à un poste d'accueil ou de type administratif après formation non qualifiante si besoin, une activité sans port répétitif de charges étant souhaitable. Par un courrier reçu le
1er décembre 2016, la société Clinique de la Muette a demandé à l'inspectrice du travail l'autorisation de procéder au licenciement de M. B.... Cette dernière a fait droit à cette demande par une décision du 30 janvier 2017. M. B... relève appel du jugement du
16 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cette décision.
Sur le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation :
2. Aux termes des articles R. 2421-12 du code du travail : " La décision de l'inspecteur du travail est motivée (...) ".
3. Pour autoriser le licenciement pour inaptitude physique de M. B..., l'inspectrice du travail a visé les articles L. 2411-1, L. 2411-3, L. 2411-8, L. 2411-13 et L. 1226-2 du code du travail, a mentionné les avis émis par le médecin du travail et sa décision du 11 août 2016, ainsi que le refus par l'intéressé d'une offre de reclassement, l'impossibilité de le reclasser et l'absence de lien entre le licenciement et les mandats détenus par le requérant. La décision en litige est dès lors suffisamment motivée, en droit comme en fait.
Sur le moyen tiré de l'irrégularité de la consultation du comité d'entreprise :
4. Aux termes de l'article L. 2421-3 du code du travail : " Le licenciement envisagé par l'employeur d'un délégué du personnel ou d'un membre élu du comité d'entreprise titulaire ou suppléant, d'un représentant syndical au comité d'entreprise ou d'un représentant des salariés au comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail est soumis au comité d'entreprise, qui donne un avis sur le projet de licenciement. (...) ".
5. Le comité d'entreprise a émis le 28 novembre 2016 un avis défavorable au projet de licenciement de M. B... pour inaptitude. Si ce dernier fait valoir que ce comité n'a pu être valablement consulté du fait de l'absence de secrétaire depuis le mois de février 2016, il ressort, toutefois, des pièces du dossier que, suite à la démission du précédent secrétaire, la désignation de M D... dans cette fonction a été validée lors de la réunion du comité d'entreprise du
25 mai 2016, que M. D... a signé les convocations pour la réunion du 28 novembre 2016 suivant au cours de laquelle a été évoqué le licenciement du requérant et en a signé le procès-verbal, lequel mentionne, par ailleurs, que le vote a eu lieu à bulletins secrets, dans un isoloir. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la consultation du comité d'entreprise n'aurait pas été régulière.
Sur le moyen tiré de l'insuffisance des efforts de reclassement :
6. Aux termes de l'article L. 1226-2 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités (...). / Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu'il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. (...)". Aux termes de l'article L. 1226-2-1 de ce code : " Lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement. / L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. (...) ".
7. En vertu du code du travail, les salariés protégés bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que l'employeur a, conformément aux dispositions citées ci-dessus de l'article L. 1226-2 du code du travail, satisfait à son obligation de reclassement. Hors le cas d'une mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi, le licenciement ne peut être autorisé que dans le cas où l'employeur n'a pu reclasser le salarié dans un emploi approprié à ses capacités au terme d'une recherche sérieuse, menée tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel.
8. Si le requérant soutient que son employeur a méconnu son obligation de reclassement, il ressort des pièces du dossier que par des courriels du 4 mai 2016 la société Clinique de la Muette a demandé à l'ensemble des directions des ressources humaines des sociétés du groupe Ramsay Générale de Santé auquel elle appartient, de lui communiquer les postes vacants compatibles avec les aptitudes professionnelles de M. B..., en précisant les caractéristiques du poste que l'intéressé occupait, son niveau, son ancienneté, ainsi que la nature de ses aptitudes et inaptitudes professionnelles. Par ailleurs, la société clinique de la Muette a proposé à M. B... un poste compatible avec les préconisations du médecin et de l'inspecteur du travail, d'agent administratif au sein de l'hôpital de l'Estuaire situé au Havre, mais ce dernier l'a refusé en raison de son éloignement géographique. Enfin, si M. B..., qui exerçait principalement les fonctions de technicien d'entretien, soutient qu'il aurait pu être affecté à d'autres postes au sein de la Clinique de la Muette, il ne ressort pas des pièces du dossier que des emplois appropriés à ses capacités physiques et à ses qualifications professionnelles étaient vacants. Notamment, le poste de standardiste pourvu à partir de 14 janvier 2017, qui nécessitait une formation particulière dont le requérant était dépourvu, a été attribué à la titulaire d'un diplôme de secrétaire médicale. L'inspectrice du travail a pu ainsi, sans commettre d'erreur d'appréciation, considérer que les recherches de reclassement effectuées par la société Clinique de la Muette étaient sérieuses.
9. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions des parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mis à la charge de la société Clinique de la Muette, qui n'est pas la partie perdante en l'instance, les frais exposés par le requérant. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la société Clinique de la Muette présentées au titre des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentée par la société Clinique de la Muette sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B..., à la ministre du travail et à la société Clinique de la Muette.
Délibéré après l'audience publique du 5 novembre 2019 à laquelle siégeaient :
- M. Bernier, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme A..., premier conseiller,
- Mme Mornet, premier conseiller.
Lu en audience publique le 19 novembre 2019.
Le rapporteur,
M-F... A... Le président de la formation de jugement,
Ch. BERNIER
Le greffier,
E. MOULIN
La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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N° 18PA01251