Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 15 novembre 2017, le préfet de police demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1714330/8 du 25 septembre 2017 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- le tribunal a interprété de manière incorrecte les exigences du droit européen ;
- ni l'arrêt de la cour de justice de l'Union Européenne du 7 juin 2016 (C-63/15 Gezelbash) ni l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'impliquent que la décision de transfert doive nécessairement comporter une motivation spécifique justifiant la désignation de l'Etat responsable ;
- l'arrêté de transfert doit indiquer l'ensemble des circonstances pertinentes, en droit et en fait, notamment celles qui ont conduit à la désignation de l'Etat responsable, de façon à mettre l'intéressé à même de comprendre les motifs de la décision et lui permettre ainsi d'exercer utilement son recours, sans qu'il soit nécessaire de viser expressément des dispositions figurant au chapitre III du règlement ;
- M.A..., en raison de son association, en amont, au processus de détermination de l'Etat responsable a déjà nécessairement reçu les informations pertinentes à cet égard, notamment dans le cadre de l'entretien individuel.
La requête a été communiquée à M. A..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bernier,
- et les observations de M.A....
1. Considérant que M.A..., ressortissant afghan, né le 3 janvier 1999, entré en France selon ses déclarations le 28 décembre 2016, a sollicité le 17 mars 2017 son admission au séjour au titre de l'asile ; que le préfet de police a saisi les autorités allemandes en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; que, les autorités allemandes ayant implicitement accepté la reprise en charge de M. A...le 5 avril 2017, le préfet de police a pris à son encontre le 12 septembre 2017 un arrêté décidant qu'il serait remis aux autorités allemandes ; que, par un jugement du 25 septembre 2017, le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté au motif qu'il était entaché d'insuffisance de motivation ; que le préfet de police relève régulièrement appel de ce jugement ;
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :
2. Considérant que l'arrêté attaqué vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la convention de Genève du 28 juillet 1951, les règlements (UE) n° 604/2013 et n° 1560/2003 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il fait état de ce que M. A...est irrégulièrement entré sur le territoire français et qu'il s'y est maintenu, que les autorités allemandes, saisies le 20 mars 2017 d'une demande de reprise ne charge en application de l'article 18(1)(b) du règlement UE n° 604/2013 ont implicitement accepté leur responsabilité le 5 avril 2017, de ce que la situation de l'intéressé ne relève pas des dérogations prévues par l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 et que la décision ne porte pas une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ;
3. Considérant qu'aux termes du b) du 1 de l'article 18 du chapitre V du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre " ;
4. Considérant que si la motivation de l'arrêté attaqué, pour ce qui est de l'application du b) du 1 de l'article 18 du règlement n° 604/2013, ne fait pas explicitement état de ce que M. A... avait déposé avant son arrivée en France une demande d'asile en Allemagne, il ressort de la fiche d'entretien individuel, rédigée en langue pashtoune, remplie et signée par le requérant, que M. A...a lui-même donné cette information aux autorités françaises et qu'il avait été alors informé que pour cette raison il serait renvoyé en Allemagne, Etat responsable de sa demande ; qu'ainsi le requérant pouvait comprendre les motifs de la décision à sa seule lecture ;
5. Considérant que M. A...ayant de son propre chef sollicité l'asile auprès des autorités allemandes qui, en traitant sa demande, avaient reconnu leur compétence, l'Allemagne était l'Etat responsable du traitement de la demande d'asile ; que dès lors, le préfet de police n'avait pas à motiver la décision de transfert au regard de la hiérarchie des critères de responsabilité énoncée au chapitre III du règlement précité, toute contestation du requérant sur ce point étant, à ce stade de la procédure, dépourvue d'effet utile ; que le préfet de police est donc fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a retenu le moyen tiré du défaut de motivation pour annuler son arrêté du 12 septembre 2017 ;
6. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Paris ;
Sur les autres moyens :
7. Considérant que si M. A...a soutenu que son droit à l'information garanti par l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 aurait été méconnu, ce moyen n'est pas assorti de précisions suffisantes pour que la cour puisse en apprécier le bien-fondé ;
8. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment de la fiche d'entretien et de la motivation de la décision, que la demande d'asile de M. A...n'aurait pas fait l'objet d'un examen sérieux ;
9. Considérant que l'arrêté de contesté a pour objet de transférer M. A... en Allemagne pour que les autorités de cet Etat mènent à leur terme la procédure de demande d'asile que le requérant y a engagée ; que la circonstance qu'il y serait exposé à un renvoi en Afghanistan où sa vie et sa sécurité seraient menacées, est inopérante ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 12 septembre 2017.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1714330/8 du 25 septembre 2017 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande de M. A...est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à M. B...A.... Copie sera adressée pour information au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 3 avril 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Bouleau, premier vice-président,
- M. Bernier, président assesseur,
- Mme Pena, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 24 avril 2018.
Le rapporteur,
Ch. BERNIERLe président,
M. BOULEAU
Le greffier,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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N°17PA03505