Procédure devant la Cour :
Par une requête n° 17PA00393, enregistrée le 31 janvier 2017, MmeB..., représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1505187/2-1 du 6 décembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 4 février 2015 par laquelle le directeur général de l'Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat a refusé de prononcer son licenciement ;
2°) d'annuler la décision du 4 février 2015 ;
3°) d'enjoindre au directeur général de l'Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat de la licencier, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) d'enjoindre au directeur général de l'Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat de lui verser une indemnité de licenciement pour inaptitude, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) d'enjoindre au directeur général de l'Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat de lui restituer ses affaires personnelles, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
6°) de mettre à la charge de l'Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement de première instance est irrégulier dès lors qu'il est insuffisamment motivé ;
- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;
- elle devait être licenciée pour inaptitude physique dès lors qu'elle avait été déclarée inapte à occuper tout poste au sein de l'Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat ;
- la décision attaquée est entachée de détournement de pouvoir.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2017, l'Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme B...en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Deux mémoires ont été enregistrés le 6 mai 2019 pour MmeB....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 relative à l'établissement obligatoire d'un statut du personnel administratif des chambres d'agriculture, des chambres de commerce et des chambres de métiers ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le statut du personnel des chambres de métiers et de l'artisanat ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme d'Argenlieu,
- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,
- et les observations de Me Herzog, avocat de l'Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat.
Considérant ce qui suit :
1. MmeB..., agent administratif titulaire auprès de l'Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat (APCMA), depuis le 1er octobre 1998, a été placée en congé maladie à compter du 21 octobre 2013, puis a bénéficié de plusieurs prolongations. Dans la perspective d'une éventuelle reprise de son activité, elle a été reçue par le médecin du travail qui, par un avis du 8 octobre 2014, l'a déclarée " inapte définitive à tout poste de l'entreprise ". L'intéressée a sollicité, le 30 décembre 2014, son licenciement pour inaptitude physique. Le directeur général de l'APCMA a répondu à cette demande, par une lettre du 4 février 2015, en lui indiquant qu'il n'était pas possible de lui proposer un poste en reclassement au sein du réseau des chambres de métiers et de l'artisanat, mais qu'un emploi de responsable des achats auprès de l'APCMA pouvait être envisagé. L'intéressée fait appel du jugement du 6 décembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision rejetant sa demande de licenciement pour inaptitude, révélée par la lettre du 4 février 2015.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. L'article L. 9 du code de justice administrative dispose que : " Les jugements sont motivés ". Il ressort des termes du jugement attaqué que le Tribunal administratif de Paris a suffisamment motivé les réponses qu'il entendait apporter aux moyens soulevés par Mme B...dans sa demande. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement dont il est fait appel serait, à ce titre, irrégulier doit être écarté.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
3. Il ressort des pièces du dossier que, par une lettre du 30 décembre 2014, Mme B...a demandé au directeur général de l'APCMA de régulariser sa situation en procédant à son licenciement et en lui versant les indemnités pouvant en découler. Si le directeur de l'APCMA s'est borné, par une lettre du 4 février 2015, à faire une proposition de reclassement à l'intéressée, cette lettre doit néanmoins être regardée, compte tenu des termes de la demande de l'appelante à laquelle elle répond, comme révélant également l'existence d'une décision implicite de refus de licenciement qui constitue une décision faisant grief susceptible de recours pour excès de pouvoir. Par suite, la fin de non recevoir, opposée par l'APCMA en première instance, doit être écartée.
Sur la légalité de la décision attaquée :
4. Aux termes de l'article 48 III du statut du personnel des chambres de métiers et de l'artisanat : " (...) L'agent qui, avant le terme des trois ans de congés continus ou successifs pour cause de maladie ou d'affection de longue durée ou d'accident, fait l'objet d'un avis d'inaptitude définitive à l'emploi occupé établi par le médecin du travail en application des dispositions de l'article D. 4624-47 du code du travail, peut être reclassé sur un emploi susceptible de lui correspondre ou licencié pour inaptitude physique ou s'il en remplit les conditions, admis à la retraite. Par ailleurs, l'agent qui, avant le terme de ces droits à congé, fait l'objet d'un avis d'inaptitude définitive à tout emploi, établi par le médecin du travail, en application des dispositions de l'article D.4624-47 du code du travail, est licencié pour inaptitude physique ou, s'il en remplit les conditions, admis à la retraite (...) ".
5. Il résulte d'un principe général du droit, dont s'inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés qui, pour des raisons médicales, ne peuvent plus occuper leur emploi, que les règles statutaires applicables dans ce cas aux fonctionnaires, que, lorsqu'il a été médicalement constaté qu'un salarié se trouve, de manière définitive, atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, il incombe à l'employeur public, avant de pouvoir prononcer son licenciement, de chercher à reclasser l'intéressé dans un autre emploi. La mise en oeuvre de ce principe implique que, sauf si l'agent manifeste expressément sa volonté non équivoque de ne pas reprendre une activité professionnelle, l'employeur propose à ce dernier un emploi compatible avec son état de santé et aussi équivalent que possible avec l'emploi précédemment occupé ou, à défaut d'un tel emploi, tout autre emploi si l'intéressé l'accepte. Ce n'est que lorsque ce reclassement est impossible, soit qu'il n'existe aucun emploi vacant pouvant être proposé à l'intéressé, soit que l'intéressé est déclaré inapte à l'exercice de toutes fonctions ou soit que l'intéressé refuse la proposition d'emploi qui lui est faite, qu'il appartient à l'employeur de prononcer, dans les conditions applicables à l'intéressé, son licenciement.
6. En l'espèce, Mme B...a expressément manifesté, dans sa lettre du
30 décembre 2014, sa volonté non univoque de ne pas reprendre une activité professionnelle. Par suite, l'APCMA n'était pas tenue de chercher à la reclasser. Ce faisant, la régularisation de la situation de l'appelante impliquait qu'elle soit directement licenciée. Dès lors, le directeur général de l'APCMA a commis une erreur de droit en n'y procédant pas.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement n° 1505187/2-1 du 6 décembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision attaquée.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".
9. En premier lieu, l'annulation de la décision du 4 février 2015 implique nécessairement qu'il soit procédé au licenciement de MmeB.... Dès lors, il y a lieu de faire droit à la demande présentée à ce titre par la requérante et d'enjoindre à l'administration d'y procéder dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
10. En second lieu, aux termes de l'article 44 I du statut des personnels des chambres des métiers et de l'artisanat : " En cas de licenciement, l'agent titulaire bénéficie d'une indemnité de licenciement. La rémunération servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement est la rémunération mensuelle brute indiciaire. (...) 3) En cas de licenciement pour inaptitude physique définitive, l'indemnité de licenciement est égale aux trois quarts de la rémunération servant de base définie au premier alinéa multipliée par le nombre d'années de service dans les établissements mentionnés à l'article 1er valables, pour la retraite, sans que le nombre d'années retenues pour ce calcul puisse être supérieur à vingt-quatre (...) ". Et aux termes de l'article 44 II du même texte : " L'indemnité de licenciement précitée n'est pas due lorsque l'agent : (...) a atteint l'âge où il peut prétendre à l'obtention d'une retraite à taux plein ou a atteint l'âge de 65 ans date anniversaire ; (...) est déclaré définitivement inapte à l'emploi occupé et refuse un emploi de reclassement pouvant correspondre à ses aptitudes, déterminé comme tel par la commission paritaire locale conformément à la procédure mentionnée à l'article 48 III (...) ".
11. MmeB..., née le 26 juin 1973, ne remplit pas les conditions pour prétendre à l'obtention d'une retraite à taux plein. En revanche, il résulte du point 6 que, Mme B...ayant manifesté sa volonté non univoque de ne pas reprendre son activité professionnelle, l'APCMA devait directement la licencier sans chercher à la reclasser. Par conséquent, Mme B...a droit au bénéfice de l'indemnité de licenciement prévue par les dispositions de l'article 44 I précitées. Il y a donc lieu d'enjoindre à l'APCMA de lui verser cette indemnité et de tirer toutes les conséquences matérielles du licenciement en lui permettant, le cas échéant, de récupérer ses affaires personnelles, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais de justice :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de MmeB..., qui n'est pas la partie perdante, le versement de la somme que l'APCMA demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a en revanche lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'APCMA une somme de 2 000 euros à verser à Mme B...au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1505187/2-1 du 6 décembre 2016 est annulé.
Article 2 : La décision du 4 février 2015 par laquelle le président de l'Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat a refusé de prononcer son licenciement pour inaptitude physique est annulée.
Article 3 : Il est enjoint à l'Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat de prononcer le licenciement de MmeB..., dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : Il est enjoint à l'Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat de verser à Mme B...l'indemnité de licenciement prévue par les dispositions de l'article 44 I du statut des personnels des chambres de métiers et de l'artisanat et de tirer toutes les conséquences matérielles dudit licenciement, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 5 : L'Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat versera à Mme B...une somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Les conclusions de l'Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat afférentes aux frais de justice sont rejetées.
Article 7 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...et à l'Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat
Délibéré après l'audience du 13 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président,
- Mme Hamon, président assesseur,
- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 juin 2019.
Le rapporteur,
L. d'ARGENLIEULe président,
B. EVEN Le greffier,
S. GASPAR
La République mande et ordonne au ministre chargé de l'économie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
6
N° 17PA00393