Par une ordonnance du 19 juillet 2017, le Président du Tribunal administratif a transmis au greffe de la Cour, la requête qui lui a été adressée, le 3 juillet 2017, par M. D...tendant à l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie n° 1600310/1 du 18 mai 2017.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 20 juillet 2017 et 23 avril 2019, M.D..., représenté par MeA..., puis par la SCP Monot, Colin et Stoclet, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie n° 1600310 du 18 mai 2017 ;
2°) d'annuler la décision du 21 avril 2016 par laquelle le président de la province Sud a refusé de lui délivrer l'agrément en qualité de famille d'accueil ;
3°) de condamner la province Sud à lui verser une somme totale de 6 000 000 francs CFP au titre des préjudices subis du fait de l'illégalité de ce refus ;
4°) de mettre à la charge de la province Sud une somme de 8 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Il soutient que :
- l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 a été méconnu dès lors qu'il n'a pas eu communication de son dossier ;
- il n'a pas eu communication de l'avis de la commission de l'aide sociale à l'enfance ;
- les droits de la défense ont été méconnus ;
- l'auteur de la décision s'est senti lié par l'avis de la commission de l'aide sociale à l'enfance ;
- la décision attaquée constitue une sanction déguisée ;
- elle repose sur des faits matériellement inexacts ;
- elle est entachée d'un détournement de pouvoir.
Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 février 2018 et 7 mai 2019, la province Sud, représentée par Me Lazennec, conclut à l'irrecevabilité de la requête et, en tout état de cause, à son rejet au fond et à ce qu'une somme 4 000 euros soit mise à la charge de M. D...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999, relatives à la
Nouvelle-Calédonie ;
- la loi du 22 avril 1905 et notamment son article 65 ;
- la délibération modifiée n° 03-2003/APS du 2 avril 2003 relative à l'organisation des placements familiaux des mineurs relevant de l'aide sociale à l'enfance ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme d'Argenlieu,
- les conclusions de MmeB...,
- les observations de Me F...du Vignaux, avocat de M.D...,
- et les observations de Me Lazennec, avocat de la province Sud.
Considérant ce qui suit :
1. M. D...a adressé en 2013 une demande d'agrément en qualité de famille d'accueil dans le cadre de l'aide sociale à l'enfance aux services de la province Sud. Cette demande lui a été refusée par une décision du 11 septembre 2014, laquelle a été annulée par un arrêt définitif de la présente Cour n° 16PA00246 du 13 décembre 2016. Face à ce refus, M. D...a, entre temps, redéposé une demande d'agrément, le 7 septembre 2015, qui, après avoir été examinée par la commission de l'aide sociale à l'enfance, le 19 mars 2016, a été refusée par une décision du président de la province sud du 21 avril 2016. M. D...fait appel du jugement du 18 mai 2017 par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a refusé de faire droit à sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de cette décision du 21 avril 2016 et, d'autre part, à ce que la province Sud soit condamnée à lui verser une somme de 6 000 000 francs CFP en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité fautive de cette décision.
Sur la recevabilité de l'appel :
2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge ". La requête de M. D...contient l'exposé des faits, conclusions et moyens et ne constitue pas la reproduction littérale des écritures de première instance. Elle répond donc aux exigences de motivation de l'article R. 411-1 du code de justice administrative. La fin de non recevoir opposée en appel par la province Sud doit, dès lors, être écartée.
Sur la recevabilité des demandes de première instance :
3. En premier lieu, la demande présentée par M. D...devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie comporte l'énoncé des faits et moyens sur lesquels elle repose, ainsi que des conclusions claires, dans la mesure où l'intéressé sollicite l'annulation de la décision du
21 avril 2016 et la condamnation de la province Sud à lui verser une somme de " 6 000 000 francs CFP au titre du préjudice (...) moral " subi. La demande répond donc aux exigences précitées de l'article R. 411-1 du code de justice administrative. La fin de non recevoir opposée sur ce point en première instance par la province Sud doit, dès lors, être écartée.
4. En second lieu, contrairement à ce que soutient M.D..., les lettres qu'il a adressées à la province Sud les 13 juin et 12 juillet 2016, se bornent à annoncer le dépôt éventuel de conclusions indemnitaires directement devant le tribunal administratif et, plus globalement, l'engagement de poursuites judiciaires devant les tribunaux compétents. Elles n'ont dès lors pas pour objet de solliciter de l'administration la réparation d'un préjudice qu'elles ne qualifient d'ailleurs pas. Ce faisant, ces lettres ne peuvent être regardées comme constituant une demande préalable de nature à lier le contentieux. Dans la mesure où, en première instance, l'administration a soulevé, à titre principal, l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires et n'a répondu au fond, qu'à titre subsidiaire, le défaut de demande préalable n'a pas été régularisé. Les conclusions indemnitaires présentées par M. D... sont, par suite, irrecevables et doivent, pour ce motif, être rejetées.
Sur les conclusions en annulation :
5. En premier lieu, M. D...fait valoir que c'est à tort que la province Sud n'a pas donné suite aux demandes de communication de son dossier qu'il lui a adressées les
12 septembre 2014 et 12 juillet 2016. Toutefois, la première demande est sans lien avec le présent litige dans la mesure où elle se rapporte à la décision de refus d'agrément qui lui a été opposée le
11 septembre 2014. Quant à la seconde, elle est également sans incidence dès lors qu'elle a été présentée postérieurement au refus contesté.
6. En deuxième lieu, il ressort des termes de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l'exercice 1905 que : " Tous les fonctionnaires civils et militaires, tous les employés et ouvriers de toutes administrations publiques ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, soit avant d'être l'objet d'une mesure disciplinaire ou d'un déplacement d'office, soit avant d'être retardé dans leur avancement à l'ancienneté ". Toutefois,
M. D...n'étant ni fonctionnaire civil ou militaire, ni employé ou ouvrier d'une administration, il n'est pas fondé à se prévaloir de ce texte au soutien du moyen tiré de ce que la province Sud aurait méconnu le droit dont il dispose d'accéder à son dossier.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations ente le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 ainsi que les décisions non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Il ressort des pièces du dossier que la décision en litige constitue le rejet d'une demande d'autorisation et non un retrait. Par suite, la province Sud n'avait pas à inviter M. D...à présenter ses observations préalablement à son édiction. Le moyen tiré de ce que le refus contesté aurait été pris en méconnaissance des dispositions précitées de l'article
L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration doit dès lors être écarté.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 1er de la délibération susvisée
n° 03-" " 2003/APS du 2 avril 2003 relative à l'organisation des placements familiaux des mineurs relevant de l'aide sociale à l'enfance : " Les mineurs, relevant du régime de l'aide sociale à l'enfance ou de l'assistance éducative au titre des articles 375 et suivants du code civil, placés sous la garde de la province, ne peuvent être accueillis en placement familial que par des personnes agréées à cet effet qui s'engagent à : - respecter les règles d'hygiène corporelle et mentale appropriées, - concourir à l'éveil intellectuel, affectif et à l'éducation de l'enfant dans les conditions appropriées à son âge, - conserver ou établir avec la famille de l'enfant les relations nécessaires à son épanouissement conformément aux dispositions prises par le service chargé de l'aide sociale à l'enfance ou le juge, - assurer la sécurité et la protection de l'enfant. L'agrément atteste de l'aptitude de la personne à être retenue comme famille d'accueil ". Il ressort des pièces du dossier que la province Sud a refusé de faire droit à la demande de M. D...au motif, non utilement contesté, tiré de ce que l'intéressé a lancé un couteau pour obtenir l'obéissance d'une jeune mineure, que sa concubine Mme C...accueillait, entre les années 2006 à 2011, dans le cadre de l'aide sociale à l'enfance. Elle en a déduit que M. D...ne respectait pas les règles d'hygiène mentale appropriées pour l'accueil des enfants. Elle a par suite refusé de faire droit à la demande d'agrément de l'intéressé en conséquence de l'inobservation d'une des conditions mises à son octroi. Elle n'a donc pas pris à l'encontre de M. D...une sanction, fut-elle déguisée, soumise au respect des droits de la défense.
9. En cinquième lieu, aucun texte législatif ou réglementaire n'impose que l'avis de la commission d'aide sociale soit communiqué au demandeur de l'agrément dans un délai de trois mois à compter de son édiction.
10. En sixième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la province Sud se serait sentie liée par l'avis défavorable émis par cette commission.
11. En septième lieu, M. D...ne contestant pas avoir reconnu les faits mentionnés au point 8, ceux-ci pouvaient fonder la décision en litige.
12. En huitième lieu, enfin, en se bornant à soutenir que c'est parce qu'il était à la date des faits représentant syndical des familles d'accueil dans le cadre de l'aide sociale à l'enfance, que la province Sud aurait refusé de faire droit à sa demande, M. D...n'établit pas la réalité du détournement de pouvoir dont il entend se prévaloir.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a refusé de faire droit à sa demande.
Sur les frais de justice :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la province Sud qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. D...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a, en revanche, lieu de mettre à
la charge de M. D...la somme de 1 500 euros au titre des frais réclamés par la province Sud et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.
Article 2 : M. D...versera à la province Sud une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...D...et à la province Sud.
Copie en sera adressée au Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.
Délibéré après l'audience du 13 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 juin 2019.
Le rapporteur,
L. d'ARGENLIEU
Le président,
B. EVENLe greffier,
S. GASPAR La République mande et ordonne à la ministre des Outre-mer, en ce qui la concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 17PA02493