Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 2 novembre 2017, M.B..., représenté par Me Besse, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1706404 du 4 octobre 2017 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police du 8 mars 2017 en tant qu'il porte refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant de la décision de refus de séjour :
- elle est insuffisamment motivée ;
- le préfet de police a commis une erreur de fait et une erreur de droit en estimant que le métier de pâtissier ne figurait pas sur la liste des emplois ouverts aux ressortissants tunisiens ;
- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation tant au regard de sa situation personnelle que professionnelle ;
- il est fondé à se prévaloir des circulaires du 31 janvier 2009 et du 28 novembre 2012 ;
- c'est à tort que le préfet de police a considéré qu'il ne justifiait pas d'un contrat de travail visé par l'autorité compétente alors qu'il lui a été indiqué lors de son passage au guichet de la préfecture que la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, du travail et de l'emploi avait rendu un avis favorable à sa demande d'autorisation de travail ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- le préfet ne pouvait prononcer de décision d'obligation de quitter le territoire français à son encontre dès lors qu'il était fondé à solliciter un titre de séjour portant la mention " salarié " ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation tant au regard de sa situation personnelle que professionnelle.
Par un mémoire enregistré le 18 avril 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;
- l'annexe 1 du protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne, signé le 28 avril 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et 1'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Poupineau,
- et les observations de Me Besse, avocat de M.B....
1. Considérant que M.B..., ressortissant tunisien, qui a déclaré être entré en France le 11 octobre 2011, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en se prévalant de la durée de son séjour en France et de l'exercice d'une activité salariée ; que, par un arrêté du 8 mars 2017, le préfet de police a rejeté la demande de M.B..., a assorti ce refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office à la frontière à l'expiration de ce délai ; que M. B... fait appel du jugement du 4 octobre 2017, par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté en tant qu'il porte refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, que le préfet de police a visé les stipulations de l'accord franco-tunisien modifié du 17 mars 1988, ainsi que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables à la situation de M.B... ; qu'il a rappelé les conditions de l'entrée de l'intéressé sur le territoire français et l'objet de sa demande ; qu'il a indiqué que M.B..., ne pouvait, en sa qualité de ressortissant tunisien, se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les raisons pour lesquelles il a considéré que celui-ci ne remplissait pas les conditions pour obtenir un titre de séjour sur le fondement des stipulations de l'article 3 de l'accord précité, en relevant que l'intéressé était démuni d'un visa de long séjour et qu'il n'était pas titulaire d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes ; qu'il a également exposé des éléments suffisants sur son expérience et ses qualifications professionnelles ainsi que sur sa situation familiale en rappelant qu'il était sans charge de famille en France et qu'il n'attestait pas être sans attache dans son pays ; qu'ainsi, le préfet de police a suffisamment énoncé les considérations de droit et de fait fondant sa décision de refus de titre de séjour ; que cette décision doit, dès lors, être regardée comme suffisamment motivée, alors même qu'elle ne vise pas l'avis de la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, du travail et de l'emploi du 3 octobre 2016 ; que, par suite, le moyen tiré de son insuffisance de motivation doit être écarté comme manquant en fait ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 11 de l'accord franco- tunisien du 17 mars 1988 modifié susvisé : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent Accord, dans les conditions prévues par sa législation " ; qu'aux termes de l'article 3 du même accord : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an et renouvelable et portant la mention "salarié " " ; que le protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne, signé le 28 avril 2008 stipule, à son point 2.3.3, que : " le titre de séjour portant la mention " salarié ", prévu par le premier alinéa de l'article 3 de l'accord du 17 mars 1988 modifié est délivré à un ressortissant tunisien en vue de l'exercice, sur l'ensemble du territoire français, de l'un des métiers énumérés sur la liste figurant à l'annexe I du présent protocole, sur présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente sans que soit prise en compte la situation de l'emploi (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée aux articles L. 313-20, L. 313-21, L. 313-23 et L. 313-24 sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1 " ; et qu'aux termes de l'article L. 311-1 du même code, auquel ne déroge pas l'accord franco-tunisien : " Sous réserve des engagements internationaux de la France ou de l'article L. 121-1, tout étranger âgé de plus de dix-huit ans qui souhaite séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois doit être titulaire de l'un des documents de séjour suivants : 1° Un visa de long séjour, d'une durée maximale d'un an (...) " ;
4. Considérant que M. B...a produit à l'appui de sa demande de titre de séjour le contrat de travail qu'il avait signé avec la société KB pour y exercer le métier de pâtissier ; que, contrairement à ce que le préfet de police a mentionné dans sa décision de refus de titre de séjour, l'activité de préparateur en produits de pâtisserie et de confiserie est mentionnée sur la liste figurant à l'annexe I du protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne, signé le 28 avril 2008 et que la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, du travail et de l'emploi a, le 3 octobre 2016, émis un avis favorable à la demande d'autorisation de travail présentée par la société KB au bénéfice de M.B... ; que, toutefois, il ressort des mentions de la décision en litige que le préfet de police, pour rejeter la demande de titre de séjour de M.B..., s'est également fondé sur la circonstance que l'intéressé n'était pas titulaire du visa de long séjour exigé par l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auquel ne dérogent pas les stipulations de l'accord franco-tunisien précité ; que le requérant, qui ne justifie pas des conditions de son entrée en France le 11 octobre 2011, ne conteste pas le bien-fondé de ce dernier motif ; qu'il résulte de l'instruction que le préfet de police aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur ce seul motif ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'accord franco- tunisien du 17 mars 1988 modifié doit être écarté ;
5. Considérant, en troisième lieu, que M. B...ne peut utilement se prévaloir des énonciations de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012, dès lors qu'elles ne constituent que des orientations générales adressées aux préfets pour la mise en oeuvre de leur pouvoir de régularisation ;
6. Considérant, en quatrième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
7. Considérant que le requérant, entré selon ses déclarations en France le 11 octobre 2011, n'établit la réalité de sa présence sur le territoire français que depuis 2014 ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision de refus de titre de séjour contestée, il était célibataire et sans charge de famille ; que, s'il fait valoir que son père et son frère vivent en France sous couvert de titres de séjour en cours de validité, il dispose cependant encore d'importantes attaches familiales dans son pays d'origine où résident sa mère et ses trois soeurs ; qu'enfin, il ne justifie pas des relations personnelles et professionnelles qu'il prétend avoir nouées sur le territoire national pas plus que d'une intégration particulière ; que, dans ces conditions, la décision de refus de titre de séjour du préfet de police n'a pas porté au droit de M. B...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel cette décision a été prise ; que le préfet de police n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, si le requérant se prévaut des emplois de pâtissier ou d'aide pâtissier qu'il a occupés d'abord au sein des entreprises El Baraka, El Ksour puis, de janvier à juin 2016, dans la société El Nour, ainsi que du contrat de travail qu'il a signé avec la société KB, qui souhaite le recruter comme pâtissier, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police aurait, au regard également des éléments ci-dessus rappelés, entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en refusant de l'admettre exceptionnellement au séjour ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le requérant n'est en tout état de cause pas fondé à soutenir que, dès lors qu'il pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié, le préfet de police ne pouvait prononcer à son encontre l'obligation de quitter le territoire français en litige ;
9. Considérant que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet de police, qui reprennent les mêmes éléments que ceux développés à l'appui des conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour, doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 7 du présent arrêt ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 3 mai 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme Poupineau, président assesseur,
- Mme Lescaut, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 31 mai 2018.
Le rapporteur,
V. POUPINEAULe président,
S.-L. FORMERYLe greffier,
N. ADOUANELa République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA03375