Par une requête, enregistrée le 10 mai 2017, et un mémoire enregistré le 26 juillet 2017, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 31 mars 2017 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme E...devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- la reconnaissance de paternité effectuée par M. B...en faveur du fils de Mme E... revêt un caractère frauduleux ;
- les pièces produites ne permettent pas de justifier de la contribution de M. B... à l'entretien et à l'éducation de son enfant ; il n'y a aucune vie commune entre M. B...et Mme E... ;
- les autres moyens soulevés en première instance par Mme E...ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à Mme E...qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la loi du 10 juillet 1991 ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pagès a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que Mme E...ressortissante nigériane née le 15 août 1976 à Lagos (Nigéria), qui a soutenu être entrée en France en 2013, a le 20 décembre 2013, donné naissance à Paris à un fils, Ovie Ukueje, reconnu par anticipation le 23 octobre 2013 par M. F... B..., ressortissant français ; qu'elle a sollicité le 4 novembre 2014 son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté du 3 août 2016, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour ; que le préfet de police relève appel du jugement du 31 mars 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté ;
Sur le motif d'annulation retenu par le Tribunal administratif de Paris :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : "Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d' un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (... " ; qu'aux termes de l'article L. 623-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le fait de contracter un mariage ou de reconnaître un enfant aux seules fins d'obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d'une protection contre l'éloignement, ou aux seules fins d'acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende (...)" ;
3. Considérant que si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé ; que ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers ; que tel est le cas pour la mise en oeuvre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés ; que, par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, ainsi que le préfet de police le fait valoir devant la Cour, que Mme E...est entrée en France, selon ses déclarations, le 22 août 2013 alors qu'elle était déjà enceinte de cinq mois ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et n'est ni établi, ni même allégué, que M. B...se serait rendu au Nigéria au début de l'année 2013 ; que si ce dernier a reconnu avoir eu une relation sexuelle avec l'intéressée, lors d'une audition dans les locaux de la police judiciaire le 28 mai 2015, il n'en précise pas le contexte ; que Mme E...ne produit pas davantage d'éléments de nature à justifier de ses relations avec M. B... avant la reconnaissance de son enfant le 23 octobre 2013, ni d'une quelconque forme de vie commune ou même d'un projet de vie commune avec lui, avant ou après la naissance ; qu'en outre, il n'apparaît pas que M. B...contribuerait à l'entretien ou à l'éducation de son fils, l'attestation produite par Mme E...en première instance étant dépourvue de caractère probant et n'étant corroborée par aucune pièce bancaire, fiscale ou autre ; qu'en outre, le préfet de police fait valoir que M. B...a effectué au moins neuf autres reconnaissances de paternité entre 2012 et 2014, dont plusieurs concernant des enfants dont les mères étaient en situation irrégulière et avec qui il n'avait pas eu de vie commune ; que M. B...a reconnu lui-même, lors d'une audition dans les locaux de la police judiciaire le 9 juillet 2015, avoir reconnu plusieurs enfants en mairie en échange de sommes d'argent ; qu'en se référant à ces éléments précis et concordants, le préfet de police établit, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, le caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité du fils de Mme E...par M. B... ; qu'il est donc fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal estimant que la preuve de la fraude n'était pas établie, a annulé son arrêté du 3 août 2016 ;
5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance par Mme E...;
Sur les autres moyens soulevés par Mme E...devant le Tribunal administratif de Paris :
6. Considérant, en premier lieu, que par arrêté n° 2016-00956 du 13 juillet 2016, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la Ville de Paris du 22 juillet suivant, le préfet de police a donné à Mme A...D..., attachée principale d'administration, délégation pour signer, notamment, les arrêtés édictés en matière de police des étrangers, en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il n'est pas établi qu'elles n'étaient pas absentes ou empêchées lors de la signature de l'arrêté contesté ; que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige manque en fait ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté contesté comporte l'exposé de l'ensemble des circonstances de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'ainsi, il est suffisamment motivé ;
8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. B...a reconnu le fils de Mme E...par un acte frauduleux, et que sa contribution à l'entretien et à l'éducation de cet enfant n'est pas établie ; que Mme E...n'est donc pas fondée à soutenir que l'arrêté litigieux serait intervenu en méconnaissance de ces stipulations ;
9. Considérant, en quatrième lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4 du présent arrêt, Mme E...n'est pas fondée à soutenir que la nationalité française et de la qualité d'enfant d'un ressortissant français de son fils feraient obstacle à ce qu'une mesure d'éloignement soit prise à son encontre ; que moyen tiré de la méconnaissance du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut donc qu'être écarté ;
10. Considérant, en dernier lieu, qu'en se bornant à faire état du jeune âge de son fils, Mme E...n'établit pas que l'arrêté en date du 3 août 2016 serait, en ce qu'il mentionne un délai de départ de trente jours, entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; que, n'ayant pas demandé à bénéficier d'un délai plus important, elle ne saurait utilement se plaindre de l'insuffisance de la motivation de la décision relative au délai de départ et de ce qu'elle n'a pas été mise en mesure de présenter ses observations sur ce délai ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 3 août 2016 ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 3 août 2016 pris à l'encontre de MmeE... ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1620117 du Tribunal administratif de Paris du 31 mars 2017 est annulé.
Article 2 : La demande de Mme E...présentée devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Mme C...E....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 24 avril 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Lu en audience publique le 15 mai 2018.
Le rapporteur,
D. PAGESLe président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA01598