Par une requête, enregistrée le 25 juin 2017, Mme B..., représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 25 avril 2017 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du préfet de police du 16 octobre 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement du Tribunal administratif de Paris est entaché d'une irrégularité dans la mesure où ses visas ne font pas mention de la note en délibéré datée du 3 avril 2017, qui a été enregistrée au greffe du tribunal le même jour ;
- la décision du préfet n'est pas motivée et n'a donné lieu à aucun examen particulier ;
- contrairement à ce qu'indique le préfet, elle s'est rendue en préfecture le 5 août 2015 pour présenter sa demande de titre de séjour ;
- le préfet de police s'est mépris sur sa demande qui tendait à obtenir, non un visa " pour soins ", mais un certificat de résidence, mention " vie privée et familiale " ;
- la décision du préfet porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et repose sur une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 avril 2018, le préfet de police, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de procéder à une substitution de motifs.
Il soutient que :
- il s'en remet à la sagesse de la Cour s'agissant de l'absence de mention de la note en délibéré dans le jugement du tribunal administratif ;
- les autres moyens soulevés par Mme B...ne sont pas fondés ;
- Mme B...ne s'est pas présentée en personne à la préfecture de police pour y souscrire une demande de titre de séjour alors qu'elle y était tenue par les dispositions de l'article R. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; sa décision aurait été la même s'il avait mentionné cette absence de comparution personnelle.
Par un mémoire en réplique, enregistré le 18 avril 2018, Mme B...conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Niollet a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que Mme B..., née le 29 février 1952 à Ain Bessem (Algérie), de nationalité algérienne, est entrée sur le territoire français le 8 janvier 2013 et a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence vie privée et familiale ; que par une décision du 16 octobre 2015, le préfet de police a refusé de lui délivrer le titre de séjour qu'elle sollicitait ; que, par un jugement du 25 avril 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté son recours en annulation dirigé contre cette décision ; qu'elle fait appel de ce jugement ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L.211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) " ; qu'aux termes de l'article L.211-5 du Code des relations entre le public et l'administration : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ;
3. Considérant que, pour rejeter la demande de titre de séjour dont il était saisi, le préfet de police s'est borné à relever que la demande de certificat de résidence, présentée par courrier en date du 5 août 2015, n'avait pas pu être prise en compte, et qu'il appartenait à Mme B...de regagner son pays d'origine afin de solliciter un visa " pour soins " ; qu'une telle motivation ne fait état d'aucun élément de fait et de droit propre à la situation de Mme B...et ne satisfait donc pas aux exigences des dispositions citées ci-dessus ;
4. Considérant que dans son mémoire en défense, le préfet se prévaut de la circonstance que la demande de titre de séjour de Mme B...aurait été adressée par voie postale sans que l'intéressée ne se présente en personne devant les services de la préfecture comme l'exigent les dispositions de l'article R. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et soutient qu'elle ne pouvait être regardée, de ce fait, comme l'ayant saisi valablement d'une demande de délivrance d'un titre de séjour ; que, si cette substitution de motifs ne prive Mme B...d'aucune garantie procédurale, elle ne saurait, en tout état de cause, remédier au vice de forme résultant de l'insuffisance de la motivation de la décision contestée ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, et d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à demander l'annulation de la décision du préfet de police du 16 octobre 2015 et à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Considérant que le présent arrêt, par lequel la Cour fait droit aux conclusions à fin d'annulation présentées par Mme B..., n'implique cependant pas, eu égard au motif d'annulation ci-dessus énoncé, que l'administration prenne une nouvelle décision dans un sens déterminé ; que par suite, les conclusions de Mme B...tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour doivent être rejetées ; que par conséquent, il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet de police de statuer à nouveau sur sa demande dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1612108/1-2 du Tribunal administratif de Paris du 25 avril 2017 et la décision du préfet de police du 16 octobre 2015 rejetant la demande de titre de séjour de Mme B..., sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour présentée par Mme B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B..., au préfet de police et au ministre d'Etat, ministre l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 24 avril 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 mai 2018.
Le rapporteur,
J-C. NIOLLETLe président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA02138