Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 9 décembre 2016, le CFPA, représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de la Polynésie française du 13 septembre 2016 ;
2°) de condamner la société La Garonne Aluminium à lui verser la somme de 22 600 000 francs CFP, assortie des intérêts moratoires et de leur capitalisation, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs ;
3°) de mettre à la charge de la société La Garonne Aluminium les dépens, ainsi que le versement de la somme de 350 000 francs CFP sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Le CFPA soutient que :
- il est recevable à agir ;
- des défauts de conception des fenêtres à jalousies ont été constatés ; ces défauts évolutifs rendront à terme ces fenêtres impropres à leur destination puisque la fonction de ventilation ne sera plus assurée ; les dysfonctionnements constatés doivent être couverts par la société La Garonne Aluminium au titre de la garantie décennale ;
- le préjudice subi s'élève à 22 600 000 F CFP ;
- il a droit aux intérêts moratoires sur cette somme et à leur capitalisation.
Par un mémoire en défense, enregistré par télécopie le 1er avril 2017, régularisé par la production de l'original le 3 avril 2017, la société La Garonne Aluminium, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 400 000 francs CFP soit mis à la charge du CFPA sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête du CFPA est irrecevable puisqu'elle ne comporte pas les indications permettant d'identifier son auteur, en méconnaissance de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;
- elle est également irrecevable car seul le conseil d'administration pouvait exercer un recours ; en tout état de cause, le représentant légal mandaté n'est pas identifié ;
- les conditions de mise en jeu de la garantie décennale ne sont pas remplies ; les défauts constatés présentent uniquement un caractère esthétique, et ne sont pas de nature à rendre les fenêtres impropres à leur destination ; toutes les réserves émises lors de la réception des travaux ont été levées le 8 décembre 2008 ; elle n'est en tout état de cause pas le concepteur des menuiseries défectueuses.
Par ordonnance du 19 avril 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 mai 2017.
Par un mémoire en réplique, enregistré le 10 mai 2017, le CFPA conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.
Il soutient en outre que les fins de non-recevoir opposées par la société La Garonne Aluminium doivent être écartées.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n°2004-192 du 27 février 2004 ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Niollet,
- et les conclusions de M. Baffray, rapporteur public.
1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le centre de formation professionnelle pour adultes (CFPA) a, dans le cadre de la construction de son unité de formation professionnelle à Taputapuatea (Raiatea) conclu avec la société La Garonne Aluminium un marché relatif aux menuiseries, et notamment à la pose de fenêtres à jalousies avec vitres en lames pivotantes s'appuyant sur elles-mêmes à la fermeture ; que les travaux ont fait l'objet d'une réception avec réserves le 21 novembre 2006 ; que ces réserves ont été levées au plus tard le 8 décembre 2008 ; que, toutefois, des dysfonctionnements relatifs aux mécanismes d'ouverture des jalousies et à l'étanchéité ont été constatés ; qu' à la demande du CFPA, un expert judicaire, désigné par le juge des référés du Tribunal administratif de la Polynésie française par une ordonnance du 15 juillet 2014, a rendu un pré-rapport d'expertise le 28 décembre 2014 relatif à ces désordres ; que le CFPA a, le 12 novembre 2015, demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française de condamner la société La Garonne Aluminium, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs ou, à défaut, de la responsabilité contractuelle, à lui verser la somme de 22 600 000 francs CFP correspondant au coût de remplacement de l'ensemble des jalousies ; qu'il fait appel du jugement du 13 septembre 2016 par lequel le tribunal administratif a rejeté ses conclusions indemnitaires;
2. Considérant qu'il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des dommages apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent la responsabilité des constructeurs sur le fondement de la garantie décennale, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les fenêtres du CFPA sont équipées de jalousies à lames de verre ; que les travaux réalisés par la société La Garonne Aluminium ont fait l'objet le 21 novembre 2006 d'une réception avec des réserves tenant au remplacement de trois lames ainsi qu'au remplacement, pour toutes les jalousies, de la dernière lame trop courte fragilisant l'ensemble de la menuiserie ; que, postérieurement à la levée de ces réserves intervenue au plus tard le 8 décembre 2008, de nouveaux désordres sont apparus ; que, selon l'expert désigné par le juge des référés du Tribunal administratif de la Polynésie française, qui a rendu un pré-rapport d'expertise le 28 décembre 2014, 40% des lames des menuiseries basses et 10% des lames de menuiseries hautes restent en position fermée alors que le mécanisme d'ouverture est actionné ;
4. Considérant qu'il résulte du rapport d'expertise qu'un défaut de conception affecte le mécanisme d'ouverture des jalousies ; que toutefois, l'expert a relevé que les fonctions essentielles des jalousies, à savoir l'éclairage naturel, la ventilation des locaux et l'étanchéité, n'étaient pas affectées par ce dysfonctionnement, et que la solidité des menuiseries n'était pas liée au mécanisme d'ouverture ; qu'il a conclu que les conséquences de ces dysfonctionnements étaient essentiellement d'ordre esthétique ; qu'il résulte également des conclusions de l'expert que le risque que le phénomène de blocage en position fermée se généralise à l'ensemble des lames et que les jalousies ne puissent à terme plus assurer leur fonction de ventilation, est seulement " envisageable " ; qu'il n'est ainsi pas établi que ce risque serait susceptible de se réaliser de façon certaine et dans un délai prévisible ; que le procès-verbal de constat dressé par un huissier de justice le 17 novembre 2016 à la demande du CFPA, composé essentiellement de photographies mettant en évidence les différents dysfonctionnements affectant les jalousies du centre, ne permet pas d'établir le caractère évolutif dans un délai prévisible de ces défauts ; que, dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que les désordres évolueront à l'avenir, même à long terme, au point de compromettre la solidité des fenêtres à jalousies ou de les rendre impropres à leur destination ; que, par suite, la responsabilité décennale des constructeurs ne peut être engagée ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la société La Garonne Aluminium, que le CFPA n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande ; que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées ; que ses conclusions tendant à ce que les dépens soient mis à la charge de la société La Garonne Aluminium doivent également être rejetées ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge du CFPA une somme de 1 500 euros à verser à la société La Garonne Aluminium sur le fondement des mêmes dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du CFPA est rejetée.
Article 2 : Le CFPA versera à la société La Garonne Aluminium une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au centre de formation professionnelle pour adultes (CFPA) et à la société La Garonne Aluminium.
Délibéré après l'audience du 15 mai 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme Labetoulle, premier conseiller.
Lu en audience publique le 29 mai 2018.
Le rapporteur,
J-C. NIOLLETLe président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au Haut-commissaire de la République en Polynésie française, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA03711