Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 15 juin 2015, MmeB..., représentée par Me Bulajic, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 13 novembre 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour dans un délai de trente jours à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation administrative, dans ce même délai et sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard, et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme B...soutient que :
- le préfet de police était tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de prendre sa décision dès lors qu'elle justifie de sa résidence habituelle en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté contesté ;
- le refus de titre de séjour est entaché d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
La requête a été communiquée au préfet, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Boissy, rapporteur ;
- et les observations de Me Bulajic, avocat de MmeB....
1. Considérant que MmeB..., de nationalité serbe, entrée en France le 24 juin 2000 selon ses déclarations, qui a fait l'objet d'une invitation à quitter le territoire français du
28 mars 2003, d'un arrêté de reconduite à la frontière du 31 octobre 2003, d'une invitation à quitter le territoire français du 10 août 2006, d'un arrêté de reconduite à la frontière du
12 octobre 2006, d'une obligation de quitter le territoire français du 27 août 2009 et d'un refus de titre de séjour du 4 septembre 2012, a présenté, le 14 octobre 2014, une demande de carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté du 13 novembre 2014, le préfet de police a rejeté sa demande et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire en fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement ; que Mme B...relève appel du jugement du
12 mai 2015 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 13 novembre 2014 ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne la décision de refus de séjour :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. / (...) " ;
3. Considérant, en premier lieu, que Mme B...fait valoir qu'elle résidait habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté du 13 novembre 2014 ; que, toutefois, elle ne produit, au titre de l'année 2008, que deux certificats d'assurance automobile, une lettre du 24 novembre relative à une carte de transport, un avis d'impôt ne comportant aucun revenu au titre de l'année 2007, établi le 16 juillet 2008 et un acte de signification de vente établi le 21 octobre par un huissier de justice ; qu'elle ne produit, au titre de l'année 2010, qu'une décision constatant la caducité d'une demande d'aide juridictionnelle en date du 18 février et le récépissé de dépôt d'un recours effectué le 1er avril contre cette décision, un appel de cotisation d'assurance automobile du 8 juillet ainsi que deux certificats d'assurance automobile et un avis d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2009, établi 16 juillet 2010 ; qu'elle ne fournit, au titre de l'année 2011, qu'une lettre de l'assurance maladie en date du 18 avril, divers appels de cotisation, lettres de relance et de résiliation relatifs à une assurance automobile, une déclaration de recettes de la direction générale des finances publiques en date du 27 octobre et un rapport d'expertise automobile du 5 décembre ; qu'eu égard à leur nature, les documents précités, qui, pour la plupart, soit ne nécessitent qu'une présence ponctuelle de l'intéressée soit n'impliquent pas sa présence en France, ne permettent pas d'établir l'existence, au cours des années en cause, d'une résidence habituelle sur le territoire français ; que, par suite, Mme B...n'est pas fondée à soutenir que le préfet de police a méconnu le 2ème alinéa de l'article L. 313-14 en ne soumettant pas sa demande à la commission du titre de séjour ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que, compte tenu de ce qui vient d'être dit au point 3, le préfet de police n'a pas commis d'erreur de fait en estimant que Mme B...n'avait pas justifié de manière suffisamment probante sa résidence habituelle sur une période de dix ans ;
5. Considérant, en dernier lieu, que Mme B...fait valoir quelle a également vécu en France dans les années 1980 avec ses parents, qu'elle est fille unique, qu'elle maîtrise parfaitement la langue française et bénéficie d'une promesse d'embauche ; que, toutefois, ces circonstances ne sont pas de nature à faire regarder le refus de titre de séjour comme entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ; que si elle soutient être le principal soutien de son père atteint d'une grave maladie, elle n'établit pas qu'elle serait la seule personne susceptible d'apporter cette aide, eu égard notamment à la présence de sa mère sur le territoire français ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 3, la résidence habituelle en France de l'intéressée n'est pas établie pour l'ensemble de la période et l'intéressée, qui ne justifie d'aucune activité professionnelle, n'est par ailleurs pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, où réside sa fille ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision de refus de séjour serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée doit être écarté ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :
6. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l' exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
7. Considérant que Mme B...se prévaut de la durée de son séjour en France, de sa parfaite intégration socio-professionnelle et de ses attaches familiales sur le territoire français ; que, toutefois, compte tenu de ce qui a été dit au point 5 mais aussi des conditions de séjour de l'intéressée en France, l'obligation de quitter le territoire français n'a en l'espèce pas porté au droit de Mme B...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ; que, pour les mêmes motifs, l'obligation de quitter le territoire français n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'annulation doivent par suite être rejetées ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
9. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par MmeB..., n'appelle, par lui-même, aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions aux fins d'injonction présentées par le requérant doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante le versement de la somme que demande Mme B...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 22 janvier 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Mosser, président de la formation de jugement,
- M. Boissy, premier conseiller,
- M. Cheylan, premier conseiller.
Lu en audience publique le 5 février 2016.
Le rapporteur,
L. BOISSYLe président,
G. MOSSER
Le greffier,
F. DUBUY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA02341 3