Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 12 février 2020, M. B..., représenté par Me C... , demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1919471/5-2 du 21 novembre 2019 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 20 août 2019 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre à ce dernier de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué a été signé par une autorité incompétente ;
- la décision portant refus du titre de séjour est entachée d'un vice de procédure en l'absence de production de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et dont il ne pourrait bénéficier en Côte-d'Ivoire ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce qu'il n'a plus de famille proche en Côte-d'Ivoire et que ses attaches se situent aujourd'hui en France ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la même convention en ce qu'elle a été prise sans apprécier si elle porterait atteinte à son état de santé en cas de renvoi dans son pays d'origine ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les dispositions du 4° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la même convention ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale par voie de conséquence de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 octobre 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
M. B... été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 22 janvier 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 20 août 2019, le préfet de police a rejeté la demande de titre de séjour de M. B..., ressortissant ivoirien né le 14 février 1983, lui a fait obligation de quitter le territoire français avec un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ".
3. Il est constant que M. B... est atteint d'algies vasculaires de la face et que, ainsi que l'a relevé le collège de médecins de l'OFII dans son avis du 23 juillet 2019, cette affection chronique nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Si, par ce même avis, le collège des médecins a considéré que M. B... pourra effectivement bénéficier en Côte d'Ivoire du traitement nécessité par son état de santé, il ressort toutefois des certificats médicaux produits par M. B..., émanant du praticien hospitalier qui le suit depuis 2017, qu'outre un traitement de fond, le traitement des crises de céphalées engendrées par la maladie de M. B... nécessite la prise, par voie d'injection, de sumatriptan. Il ressort également des pièces du dossier, et notamment de ces certificats ainsi que de la liste des médicaments essentiels disponibles en Côte d'Ivoire, que si des traitements antimigraineux sont disponibles dans ce pays, ceux-ci sont tous distincts du sumatriptan et ne traitent pas les crises d'algie vasculaire de la face. Dans ces conditions, M. B... est fondé à soutenir que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourra pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et que, par suite, le refus de titre de séjour qui lui a été opposé méconnaît les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Par ailleurs si la décision attaquée mentionne que M. B... a fait l'objet de condamnations pénales pour vol aggravé, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur ce motif pour prendre cette décision.
5. M. B... est dès lors fondé, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de sa requête, à demander l'annulation du refus de lui délivrer le titre de séjour sollicité et, par voie de conséquence, des décisions portant obligation de quitter le territoire français avec un délai de départ volontaire de trente jours et fixant le pays de destination pour son éloignement.
6. Compte tenu de ses motifs, et sous réserve d'un changement dans les circonstances de fait et de droit, M. B... est fondé à demander qu'il soit enjoint au préfet de police de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
7. M. B... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me C..., conseil de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1919471/5-2 du 21 novembre 2019 du Tribunal administratif de Paris et l'arrêté du préfet de police du 20 août 2019 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me C..., conseil de M. B..., une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me C... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., au préfet de police, à Me C... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 26 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- Mme A..., président assesseur,
- M. Segretain, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 février 2021.
Le rapporteur,
P. A...Le président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA00509