Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 24 février 2020 le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1927162/8 du 24 décembre 2019 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- c'est à tort que le premier juge a estimé qu'il a méconnu le 1° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il n'existait aucun doute sur l'identité de l'étranger à la date de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français nécessitant la preuve de ce qu'il était majeur, celui-ci n'ayant jamais invoqué sa minorité devant les services de police ;
- il ne ressort pas des pièces qui lui ont été communiquées que l'intéressé bénéficiait d'une prise en charge par l'aide sociale à l'enfance ;
- les autres moyens soulevés en première instance par M. B... ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à M. B..., qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien, est entré en France en novembre 2019 selon ses déclarations. Il a été interpellé le 15 décembre 2019 pour vol et recel de vol et n'a pas été en mesure de justifier de son entrée régulière sur le territoire français ou de son droit au séjour. Par deux arrêtés du 16 décembre 2019, le préfet de police l'a d'une part, obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui octroyer un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination, et d'autre part, a ordonné l'interdiction de son retour sur le territoire français pour une période de vingt-quatre mois. Par jugement du 24 décembre 2019, le Tribunal administratif de Paris a annulé les arrêtés susmentionnés. Le préfet de police interjette appel de ce jugement.
Sur le moyen d'annulation retenu par le Tribunal administratif de Paris :
2. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile aux termes desquelles : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : 1° L'étranger mineur de dix-huit ans ; (...) ". Il appartient à l'administration d'établir que l'intéressé était majeur à la date de la décision portant obligation de quitter le territoire et, en conséquence, qu'il ne pouvait bénéficier de la protection prévue au 1° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
3. Aux termes de l'article 388 du code civil : " Le mineur est l'individu de l'un ou l'autre sexe qui n'a point encore l'âge de dix-huit ans accomplis. / Les examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l'âge, en l'absence de documents d'identité valables et lorsque l'âge allégué n'est pas vraisemblable, ne peuvent être réalisés que sur décision de l'autorité judiciaire et après recueil de l'accord de l'intéressé. / Les conclusions de ces examens, qui doivent préciser la marge d'erreur, ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l'intéressé est mineur. Le doute profite à l'intéressé (...) ".
4. Pour prononcer l'annulation de la décision obligeant M. B... à quitter le territoire français, le premier juge a estimé que le préfet de police ne pouvait être regardé comme apportant la preuve de ce que l'intéressé était majeur à la date de sa décision, qu'il subsistait un doute sur l'âge de l'intéressé et que ce doute devait bénéficier à M. B....
5. Toutefois il ressort des pièces du dossier que le préfet de police établit, en appel, que l'acte de naissance daté du 19 décembre 2019 et produit à l'audience de première instance par M. B..., lequel mentionne une date de naissance le 13 mai 2003, est falsifié, tout comme son passeport portant la même date de naissance ainsi que la copie d'acte de naissance produite par M. B... lors de sa demande de visa au consulat de France à Oran, qui porte le même numéro correspondant à une tierce personne. M. B... a en revanche spontanément déclaré aux autorités de police, lors de son interpellation le 15 décembre 2019, être né le 13 mai 2001. Si, au vu des pièces falsifiées susmentionnées le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Créteil, saisi par M. B..., a par une ordonnance du 4 décembre 2019 ordonné le placement provisoire de l'intéressé à l'aide sociale à l'enfance en qualité de mineur, en l'absence de toute décision définitive de placement le préfet de police doit être regardé comme établissant que M. B... est né le 13 mai 2001, et que, par suite, il était majeur à la date de la décision attaquée.
6. Dans ces conditions, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a considéré que la décision obligeant M. B... à quitter le territoire français méconnaissait les dispositions précitées de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'a annulée pour ce motif, ainsi que, par voie de conséquence, la décision portant obligation de quitter le territoire français et la décision portant interdiction de retour sur le territoire français.
7. Toutefois, il y a lieu pour la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le Tribunal administratif de Paris.
Sur le moyen commun à toutes les décisions attaquées :
8. Par un arrêté n° 2019-00832 du 18 octobre 2019, régulièrement publié le 18 octobre 2019 au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de Paris, le préfet de police a donné délégation à M. E... C..., attaché d'administration de l'Etat adjoint au chef du 8ème bureau de la direction de la police générale de la préfecture de police de Paris, à l'effet de signer les décisions dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figure la police des étrangers, en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il n'est pas établi qu'elles n'auraient pas été absentes ou empêchées. Dès lors le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions attaquées doit être écarté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu la décision, qui mentionne les considérations de fait et de droit, propres à la situation de M. B..., sur lesquelles elle se fonde, est suffisamment motivée.
10. En second lieu, il résulte des dispositions des articles L. 511-1, L. 511-2, L. 531-1 et L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le champ d'application des mesures obligeant un étranger à quitter le territoire français et celui des mesures de remise d'un étranger à un autre Etat ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et que le législateur n'a pas donné à l'une de ces procédures un caractère prioritaire par rapport à l'autre. Il s'ensuit que, lorsque l'autorité administrative envisage une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger dont la situation entre dans le champ d'application de l'article L. 531-1 ou de l'article L. 531-2, elle peut légalement soit le remettre aux autorités compétentes de l'Etat membre de l'Union européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, sur le fondement des articles L. 531-1 et suivants, soit l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 511-1. Ces dispositions ne font pas non plus obstacle à ce que l'administration engage l'une de ces procédures alors qu'elle avait préalablement engagée l'autre. Toutefois, il y a lieu de réserver le cas de l'étranger demandeur d'asile. En effet, les stipulations de l'article 31-2 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile impliquent nécessairement que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit autorisé à demeurer provisoirement sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande. Ainsi, lorsqu'en application des dispositions du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, l'examen de la demande d'asile d'un étranger ne relève pas de la compétence des autorités françaises mais de celles d'un autre Etat, la situation du demandeur d'asile n'entre pas dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais dans celui des dispositions de l'article L. 742-3 du même code. En vertu de ces dispositions, la mesure d'éloignement en vue de remettre l'intéressé aux autorités étrangères compétentes pour l'examen de sa demande d'asile ne peut être qu'une décision de transfert prise sur le fondement de cet article L. 742-3 dudit code.
11. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des procès-verbaux d'audition de M. B..., que celui-ci n'a à aucun moment mentionné avoir déposé une demande d'asile en Croatie. Le préfet de police ne disposait donc, à la date de la décision critiquée, d'aucun élément sérieux permettant de considérer que l'intéressé pouvait entrer dans le champ d'application du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ni qu'il y ait lieu d'entreprendre une procédure de détermination de l'Etat membre responsable d'une demande d'asile. M. B... ne peut donc reprocher au préfet de police de ne pas avoir saisi les autorités croates en vue de sa reprise en charge en application des dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'erreur de droit sur ce point doit être écarté.
Sur la décision de refus de départ volontaire :
12. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers te du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce (...) qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) ".
13. En premier lieu la décision, qui mentionne les considérations de fait et de droit, propres à la situation de M. B..., sur lesquelles elle se fonde, est suffisamment motivée.
14. Ensuite en se bornant à mentionner qu'il invoque, à l'appui des conclusions dirigées contre cette décision, une " exception d'illégalité ", M. B... n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien fondé.
15. M. B..., qui a déclaré aux autorités de police être sans domicile fixe et être hébergé dans un foyer sur le fondement de documents falsifiés, n'établit pas disposer d'un domicile stable en France et, par suite, ne présente pas de garanties de représentation suffisantes. Par suite il n'est pas fondé à soutenir que la décision méconnaît les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni que, pour les mêmes motifs, elle serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Sur la décision fixant le pays de destination :
16. En premier lieu la décision, qui mentionne les considérations de fait et de droit, propres à la situation de M. B..., sur lesquelles elle se fonde, est suffisamment motivée.
17. Ensuite en se bornant à mentionner qu'il invoque, à l'appui des conclusions dirigées contre cette décision, une " exception d'illégalité ", M. B... n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien fondé.
18. Enfin, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Si M. B... fait état des risques personnels qu'il encourrait en cas de retour dans son pays d'origine et d'une demande d'asile déposée en Croatie, il n'assortit toutefois ce moyen d'aucune précision ni justificatif, alors qu'il n'a pas déposé de demande d'asile en France et a déclaré aux services de police être entré en France pour y poursuivre des études, et vouloir en repartir. Il n'est, par suite, pas fondé à soutenir que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :
19. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " (...) III. _ L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ". Il incombe à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
20. En premier lieu, la décision par laquelle le préfet de police a fait interdiction à M. B... de revenir sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois vise le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle mentionne que l'intéressé présente une menace à l'ordre public en raison de son signalement pour vole en réunion et recel de vol, qu'il déclare être présent sur le territoire depuis un mois et qu'il s'est déclaré " célibataire sans enfant ". Dès lors, M. B... n'ayant fait l'objet d'aucune précédente décision d'éloignement à mentionner, la décision attaquée comporte l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde et répond aux exigences précitées.
21. Ensuite en se bornant à mentionner qu'il invoque, à l'appui des conclusions dirigées contre cette décision, une " exception d'illégalité ", M. B... n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien fondé.
22. Enfin il résulte de ce qui a été jugé au point 5 que la décision n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de la minorité invoquée par M. B....
23. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de saisir le juge judiciaire d'une question préjudicielle, que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé les arrêtés attaqués du 16 décembre 2019.
DÉCIDE
Article 1er : Le jugement n° 1927162/8 du 24 décembre 2019 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. D... B...
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 26 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- Mme A..., président assesseur,
- M. Segretain, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 février 2021.
Le rapporteur,
P. A...Le président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20PA00693 2