Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 18 novembre 2019 M. C... A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 1903127 du 13 juin 2019 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Val-de-Marne en date du 6 mars 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 400 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant obligation à quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- le préfet du Val-de-Marne s'est estimé en situation de compétence liée pour prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire français ;
- il n'est pas établi que l'agent ayant consulté le fichier TelemOfpra aurait été habilité pour ce faire ;
- la décision contestée est entachée d'une erreur de droit au regard de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle a été prise en méconnaissance du droit à être entendu garanti par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, lequel n'a pas produit de mémoire en défense.
M. C... A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 1er octobre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen né en 1990, entré en France le 15 janvier 2017 selon ses déclarations, a déposé une demande d'asile rejetée par une décision de l'Office français de protection de réfugiés et apatrides en date du 25 janvier 2018, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 4 janvier 2019. Par un arrêté du 6 mars 2019, le préfet du Val-de-Marne a obligé M. A... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement par lequel la magistrate désignée par la présidente du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : [...] / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié [...] ".
3. M. A... soutient qu'il réside en France depuis janvier 2017 et qu'il souffre d'une pathologie psychiatrique qui ne pourrait être correctement traitée en Guinée. Il produit à cet égard deux certificats médicaux datés du 14 septembre 2018 et du 2 avril 2019, ce dernier indiquant que " l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale et psychologique rapprochée en raison d'un syndrome psycho-traumatique sévère et d'un syndrome dépressif grave ". Ce certificat, qui mentionne un suivi médical depuis mai 2017, relève qu'après plusieurs tentatives infructueuses de traitement, un traitement à base de Mianserine, de Fluoxetine et de Tercian a permis l'amélioration de l'état de santé de M. A.... Le même certificat indique qu'il existe un risque majeur que M. A... ne puisse pas bénéficier des soins adaptés à son état de santé dans son pays d'origine, compte tenu de la faiblesse des structures de prise en charge des patients atteints de problèmes de santé mentale et des difficultés dans l'accès aux soins en Guinée. Le préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas produit de mémoire en défense, ne remet pas en cause les éléments médicaux circonstanciés ainsi produits par M. A..., ni la durée de son séjour en France. Dans ces conditions, en obligeant M. A... à quitter le territoire français, le préfet du Val-de-Marne a méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, M. A... est fondé à demander l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français qui lui a été opposée, ainsi que, par voie de conséquence, de la décision fixant le pays de renvoi.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-de-Marne en date du 6 mars 2019.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. L'exécution du présent jugement implique nécessairement que le préfet du Val-de-Marne réexamine la situation de M. A.... Il y a lieu, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne d'y procéder, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de munir dans cette attente le requérant d'une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
6. M. A... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. A..., Me B..., d'une somme de 1 500 euros, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
D É C I D E :
Article 1er: L'article 2 du jugement n° 1903127 du 13 juin 2019 du Tribunal administratif de Melun et l'arrêté du 6 mars 2019 du préfet du Val-de-Marne sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Val-de-Marne de procéder au réexamen de la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de le munir dans cette attente d'une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à Me B..., conseil de M. A..., une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Me B..., au ministre de l'intérieur et au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 8 décembre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Hamon, président,
- M. Segretain, premier conseiller,
- M. D..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 décembre 2020.
Le rapporteur,
K. D...Le président,
P. HAMON
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 19PA03642 2