Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 15 juin 2018, M. F..., représenté par MeD..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler ces décisions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- le Conseil départemental de la jeunesse, des sports et de la vie associative (CDJSVA), dans sa séance du 10 décembre 2015, n'a pu valablement siéger dès lors que l'arrêté du préfet de E...-et-Marne du 8 décembre 2015 fixant sa composition n'était pas régulièrement publié ;
- il était par ailleurs irrégulièrement composé dès lors que Mme O...G...n'avait pas compétence pour y siéger et que MM. J..., N..., I..., M..., K...et A...G...n'avaient pas qualité pour représenter leurs services et organismes respectifs ;
- la mesure d'interdiction prononcée est disproportionnée au regard des faits commis ;
- les décisions attaquées sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 septembre 2018, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 13 septembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code pénal ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée ;
- la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 ;
- le décret n° 2006-665 du 7 juin 2006 relatif à la réduction du nombre et à la simplification de la composition de diverses commissions administratives ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mantz,
- les conclusions de Mme Jayer, rapporteur public,
- les observations de Me D...pour M.F....
Considérant ce qui suit :
1. M. F..., titulaire du brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur (BAFA), a été recruté en qualité d'animateur au sein de la commune de Brie-Comte-H... (E...-et-Marne), à compter du 1er août 2009, affecté à l'accueil collectif de mineurs au sein de deux écoles élémentaires et du centre de loisirs. A compter du 1er octobre 2014, il a été nommé adjoint d'animation de 2ème classe stagiaire pour une durée d'un an. Suite à un jugement correctionnel du 22 juin 2015 par lequel le Tribunal de grande instance de Melun a condamné M. F... à une peine d'emprisonnement de deux mois avec sursis, assortie d'une mise à l'épreuve de deux ans, le préfet de E...-et-Marne a interdit à celui-ci l'exercice de quelque fonction que ce soit auprès de mineurs accueillis dans le cadre des articles L. 227-4 et suivants du code de l'action sociale et des familles, pour une durée de 18 mois. Par une décision du 2 mai 2016, prise sur recours hiérarchique, le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports a confirmé l'arrêté du préfet de E...-et-Marne. M. F... demande à la Cour d'annuler le jugement du 13 avril 2018 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.
Sur la régularité du jugement :
2. Si M. F... soutient que le jugement attaqué est entaché d'insuffisance de motivation dès lors qu'il n'a pas été répondu à l'ensemble de ses arguments au soutien du moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation, le tribunal, qui n'était tenu que de répondre à ce moyen sans nécessairement répondre à tous les arguments, n'a pas entaché son jugement d'un défaut de motivation. Au surplus, si M. F... entend ce faisant contester le raisonnement suivi par les premiers juges, une telle contestation, qui aurait trait au bien-fondé du jugement, serait sans incidence sur sa régularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. D'une part, le premier alinéa de l'article L. 227-10 du code de l'action sociale et des familles dispose que : " Après avis de la commission départementale compétente en matière de jeunesse et de sport, le représentant de l'Etat dans le département peut prononcer à l'encontre de toute personne dont la participation à un accueil de mineurs mentionné à l'article L. 227-4 ou à l'organisation d'un tel accueil présenterait des risques pour la santé et la sécurité physique ou morale des mineurs mentionnés à l'article L. 227-4, ainsi que de toute personne qui est sous le coup d'une mesure de suspension ou d'interdiction d'exercer prise en application de l'article L. 212-13 du code du sport, l'interdiction temporaire ou permanente d'exercer une fonction particulière ou quelque fonction que ce soit auprès de ces mineurs, ou d'exploiter des locaux les accueillant ou de participer à l'organisation des accueils ". Aux termes de l'article 29 du décret n° 2006-665 susvisé : " I. - Le conseil départemental de la jeunesse, des sports et de la vie associative concourt à la mise en oeuvre, dans le département, des politiques publiques relatives à la jeunesse, à l'éducation populaire, aux loisirs et vacances des mineurs ainsi qu'aux sports et à la vie associative.(...) Il émet les avis prévus aux articles L. 227-10 et L. 227-11 du code de l'action sociale et des familles (...) V. - Lorsque le conseil départemental donne les avis mentionnés au troisième alinéa du I, le préfet réunit une formation spécialisée comprenant : / 1° Des représentants des services déconcentrés de l'Etat et des organismes assurant à l'échelon départemental la gestion des prestations familiales, pour au moins un tiers de la formation spécialisée ; / 2° Des représentants, à parité, des associations et mouvements de jeunesse ainsi que des associations sportives ; / 3° Un représentant des organisations syndicales de salariés et un représentant des organisations syndicales d'employeurs exerçant dans le domaine du sport, ainsi qu'un représentant des organisations syndicales de salariés et un représentant des organisations syndicales d'employeurs exerçant dans le domaine de l'accueil des mineurs mentionnés à l'article L. 227-4 du code de l'action sociale et des familles ; / 4° Des représentants des associations familiales et des associations ou groupements de parents d'élèves ". Par arrêté n° 2015/CS/109 du 8 décembre 2015, le préfet de E...-et-Marne a nommé les membres du Conseil départemental de la jeunesse, des sports et de la vie associative (CDJSVA).
4. D'autre part, aux termes de l'article 70 de la loi du 17 mai 2011 susvisée : " Lorsque l'autorité administrative, avant de prendre une décision, procède à la consultation d'un organisme, seules les irrégularités susceptibles d'avoir exercé une influence sur le sens de la décision prise au vu de l'avis rendu peuvent, le cas échéant, être invoquées à l'encontre de la décision ". Ces dispositions sont applicables y compris en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte.
5. En premier lieu, M. F... soutient que l'arrêté du 8 décembre 2015 par lequel le préfet de E...-et-Marne a nommé les membres du CDJSVA n'avait pas été publié au jour de la séance de la formation spécialisée de ce conseil du 10 décembre 2015, chargée d'émettre un avis sur sa situation au regard d'une éventuelle mesure d'interdiction ou de suspension d'exercer. Toutefois, les membres d'un organisme consultatif siègent valablement alors même que leur nomination n'a pas été publiée. En outre, si M. F... soutient que Mme O...G..., qui représentait, ainsi qu'il résulte de l'extrait de la délibération de la formation spécialisée du 10 décembre 2015, l'association " Francas de E...-et-Marne ", n'était pas compétente pour siéger dès lors que le membre désigné par l'article 6.3 de l'arrêté du 8 décembre 2015 était le président de l'association, M. B... C..., il ressort des pièces du dossier que, par un document du 30 novembre 2015, M. C... a donné pouvoir à MmeG..., directrice de l'association, pour le représenter au sein de cette formation. Enfin, il résulte du même extrait précité que l'avis émis par la commission, s'agissant de la proposition d'interdiction temporaire de l'exercice par M. F... de quelque fonction que ce soit auprès de mineurs accueillis dans le cadre des articles L. 227-4 et suivants du code de l'action sociale et des familles, pour une durée de 18 mois, a été adopté par 10 voix pour et 2 voix contre. En conséquence, à supposer même que cinq membres du conseil présents lors de la séance, à savoir MM. J..., N..., I..., M...et K...n'aient pas été habilités à représenter les autorités ou organismes invoqués, cette irrégularité n'a pu exercer, dans les circonstances de l'espèce, une quelconque influence sur le sens de la décision prise. Il ne ressort en outre pas des pièces du dossier que cette irrégularité, à la supposer établie, aurait affecté le déroulement de la délibération du conseil départemental, empêché ses membres d'exercer normalement leurs fonctions. Elle n'a par ailleurs privé le requérant d'aucune garantie. Dans ces conditions, le moyen tiré du vice de procédure soulevé à l'encontre des décisions des 24 décembre 2015 et 2 mai 2016 doit être écarté.
6. En deuxième lieu, pour interdire à M. F... d'exercer quelque fonction que ce soit auprès des mineurs accueillis sur le fondement des dispositions précitées du code de l'action sociale et des familles pendant une durée de 18 mois, en raison de risques pour la santé et la sécurité physique ou morale de ces mineurs, le préfet s'est fondé sur le jugement correctionnel du 22 juin 2015 cité au point 1. Ce jugement a reconnu M. F... coupable de faits de " propositions sexuelles faites à un mineur de quinze ans par un majeur utilisant un moyen de communication électronique ", commis entre le 1er juin 2014 et le 8 août 2014, et a assorti sa condamnation de deux mois d'emprisonnement avec sursis avec mise à l'épreuve de 24 mois et obligation pour l'intéressé de se soumettre à des mesures d'examen, de contrôle, de traitement ou de soins médicaux. M. F... soutient que cette mesure d'interdiction est disproportionnée dès lors notamment que sa manière de servir a toujours donné satisfaction, qu'il n'a pas été sensibilisé aux risques présentés par l'utilisation des réseaux sociaux, que les faits ont été commis en dehors du service et alors que la jeune fille mineure en question n'était plus présente dans aucun des établissements dans lesquels il exerçait ses fonctions, qu'il a exprimé des regrets et pris conscience des conséquences de ses actes, que le tribunal correctionnel n'a pas assorti sa condamnation d'une interdiction d'exercer une activité professionnelle en lien avec des mineurs et, enfin, qu'il est astreint à une obligation de soins qu'il respecte. Toutefois, en admettant même l'ensemble de ces circonstances établies, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de E...-et-Marne, en prenant la mesure de police litigieuse, dont les effets dans le temps sont limités et en concordance avec la durée de la période de mise à l'épreuve de M. F... et de son obligation de soins, ait fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce et du risque créé par le comportement du requérant. Par suite, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que les décisions prises à son encontre seraient entachées d'une erreur d'appréciation.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de sa demande de première instance, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. L... F...et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Heers, président de chambre,
Mme Julliard, présidente-assesseure,
M. Mantz, premier conseiller,
Lu en audience publique le 31 mai 2019.
Le rapporteur,
P. MANTZ Le président,
M. HEERS Le greffier,
F. DUBUY
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA02029